07 août, 2011

Boni : Nous avons vu couler le biodiesel « made in Burkina »

Pari réussi dans le projet de production de biocarburant à base de jatropha à Boni dans la province de Tuy. Recueilli pour la première fois le samedi 30 juillet 2011, ce biodiesel est jugé de très bonne qualité et son marché, promoteur.

Une première dans l’histoire de l’aéronautique : un Boeing 777 utilisant du biocarburant a atterri le mardi 2 août 2011 à Madrid.

Parti de Mexico avec 200 passagers à son bord, ce gros porteur contenait dans ses réservoirs 30% de combustible d’origine végétale et 70% de kérosène.

Heureux présage pour l’agrocarburant ? En tout cas l’événement ne pouvait pas mieux tomber à pic pour les promoteurs du projet de production de biodiesel à base de jatropha ou de pourghère dans la commune rurale de Boni.

En effet, trois jours avant cette prouesse technologique dans les airs, sur terre au Burkina Faso, tombait la première goutte de biodiesel made in Boni. « Un produit de très grande qualité selon les analyses du laboratoire national sur l’huile pressée », dit heureux, Pascal Rouamba, directeur général adjoint du groupe AGRITECH Faso, l’initiatrice dudit projet.

Visionnaires donc, tous ceux qui ont fait de la plante la source d’énergie du futur.

Ce jour-là, dans la bourgade rurale située à 230 kilomètres de Ouagadougou, sur la Nationale 1, aucun signe ne laissait présager un tel événement. La petite agglomération est encore plongée dans la monotonie qu’impose l’hivernage. La population, à grande majorité paysanne, est occupée par les travaux champêtres, un brin inquiète des « quelques poches de sécheresse » qui affecte la saison des pluies. Des ouvriers besognent sur le site de la future grande usine de biodiesel, dont les travaux avancent « sans encombre ».

Au niveau de la petite unité de production appelée usine Taiwan (don de la République de Chine), deux ingénieurs taiwanais, un énergéticien, deux chimistes, dont une ivoirienne, et le superviseur des opérations sont agglutinés autour d’un gros appareil raccordé à des cuves cylindriques. Le flux d’électricité fournie par la SONABEL est capricieux. Des fusibles fondent sous l’effet de la forte intensité. N’empêche, cette avarie semble n’affecter outre mesure le mental de l’équipe. « Il y a trop de variations de tension. Mais on dit souvent qu’à cœur vaillant, rien d’impossible », lance le superviseur, Marx Médard Mithoun, un jeune Béninois. Et il aura raison.

Sous le coup de 12 H, bingo ! Goutte après goutte, le Saint-Graal des chercheurs d’« or vert » s’écoule du système de filtrage. Enfin ! Savant dosage d’huile brute de jatropha, de méthanol et de résine, le fluide, jaune-or, est fin prêt à faire fonctionner tout moteur diesel. Mieux, son indice de pollution est jugé faible comparé à celui des énergies fossiles.

Le nec plus ultra des énergies vertes

Le rêve, porté depuis 1987 par AGRITECH Faso, de faire de Boni la pompe du gasoil vert du Burkina, prend forme.

Dans cette localité où le coton règne en maître, le jatropha, yaquié en bwamu, a vite acquis ses titres de noblesse. A juste titre et au grand bonheur du maire, Patrick Bondé : « C’est un projet communautaire avec implication totale de la population. Nous avons là un exemple type de partenariat entre le privé, le public et la population locale. Plus d’une centaine de personnes bénéficient de salaires réguliers sans compter les travailleurs temporaires, qui sont, eux aussi, rémunérés ».

A côté des cultures pures de jatropha entretenues par AGRITECH Faso, s’étendent des champs de jatropha appartenant à des producteurs privés. Ici, la plante est associée à d’autres cultures, vivrières, comme le maïs ou même de rente, comme le coton. C’est que la pourghère, outre ses propriétés énergétiques, recèle bien d’autres vertus connues des paysans du village « Le jatropha fournit un bon terreau pour les autres cultures. Il peut servir de haie vive, restitue au sol sa fertilité et protège les terres de l’érosion hydrique », explique le responsable des pépinières, Emmanuel Kombéma.

La production industrielle attendue en octobre

Mais l’engouement que suscite cette plante miraculeuse vient surtout de sa valeur commerciale. Ses graines, récoltées par les exploitants privés, sont vendues à la société promotrice. Pour la campagne passée, la toute première d’ailleurs, plus de 100 tonnes de noix ont été collectées à raison de 70 F le kilogramme ; tarif au-dessus de la valeur selon le coordonnateur du projet dans la zone Boni, Hubert Bationo : « Le prix réel sur le marché national et même sous-régional est de 60 F le kilogramme et fixé par rapport au coût du gasoil. Mais pour encourager la production locale nous avons fait une majoration de 10 F ». Des prix attractifs dont les effets escomptés sont allés bien au-delà de nos frontières, avec l’afflux de graines en provenance du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin.

Partie de Boni, où elle a conquis environ 1000 hectares, la graine de jatropha a fait tache d’huile sur toute l’étendue du territoire national où la société AGRITECH dispose de plusieurs zones de culture. Pas question que des ruptures de stocks viennent compromettre les objectifs de production de la grande usine, dont la mise en service est prévue pour octobre prochain : « Ce sera la plus grande usine de biodiesel en Afrique de l’Ouest », confie M. Rouamba de retour d’une mission de prospection dans le Sud-Ouest.

Alain St-Robespierre


Pascal Rouamba, DG adjoint d’AGRITECH Faso : « Le prix de vente sera en deçà de celui du carburant classique »

A quels marchés sera destinée la production du biodiesel ?

Nous assurons toute la chaîne de production du biocarburant. Mais pour la distribution, nous sommes en partenariat avec d’autres structures. Ce qui est sûr, la production est destinée au marché national. Il n’y aura donc pas d’exportation car les études ont révélé que la demande intérieure est très forte. Particulièrement dans les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. En milieu rural, l’huile pure de jatropha sera utilisée pour le fonctionnement des tracteurs, des moulins et des plateformes multifonctionnelles, par exemple.

Encore faut-il que les coûts concurrencent ceux du gasoil !

On peut effectivement penser que le prix du biodiesel sera plus élevé que celui du carburant minéral. Mais le prix de vente que nous proposerons au consommateur sera nettement en deçà de celui du carburant classique. Il ne faut pas perdre de vue que le cours du baril de pétrole ne fait qu’augmenter. Alors que nous avons la chance de produire le biodiesel à partir du jatropha cultivé sur place. Notre produit sera compétitif, et le marché est promoteur.

Certes, le projet est porté par le privé. Mais est-ce que vous bénéficiez d’un soutien de l’Etat ?

Oui. Par exemple pour l’installation de la grande usine, nous avons bénéficié du régime D. C’est-à-dire que nous avons obtenu des faveurs au niveau des taxes d’importation des machines.

Pour la petite usine, actuellement fonctionnelle, c’est la République de Taïwan qui en a fait don à l’Etat à travers la Direction générale de l’énergie, qui a bien voulu nous la rétrocéder. C’est aussi une forme d’accompagnement du gouvernement. Tout cela montre que nos autorités accordent un grand intérêt au problème de l’énergie.

A.S.R.


La plante miraculeuse

Le jatropha ou Curcas curcas (nom scientifique) est un arbuste originaire du Brésil. En Afrique, il est appelé pourghère, bagani (poison) en bambara, ou wanban bang maa (mange-moi pour me connaître) à cause de sa toxicité. Il produit toute l’année pendant environ 50 ans et sa graine contient entre 21 et 40% d’huile appelée huile de jatropha. Cette graine était utilisée dans la médecine traditionnelle, dans l’alimentation du bétail et dans la fabrication du savon. Plus récemment, son usage pour produire du biocarburant s’est développé en Inde et dans bien d’autres pays. Pour de nombreux chercheurs, il est la plante d’avenir pour remplacer les ressources en pétrole.

L’Observateur Paalga

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