03 juillet, 2011

Quand France 2 offre une tribune à Aïcha Kadhafi

Surnommée la "Claudia Schiffer du désert" par la presse italienne, le seule fille biologique de Kadhafi était invitée par France 2 jeudi dernier.
Sélectionné et édité par Hélène Decommer

Qui n’a pas eu ou failli avoir la larme à l’œil en voyant cette interview du 30 juin du JT de France 2 "prévue depuis plusieurs jours et fixé à la dernière minute" ?

Quels parents ou grands-parents n’auraient-ils pas été émus par cette interview ? Quels sont ceux qui ne seraient pas remplis de compassion pour tous les Libyens qui meurent chaque jour et de chaque côté des positions ?

Dictateur au pouvoir depuis quarante-deux ans et spécialiste de la propagande, Kadhafi, lorsqu’il est en difficulté, met en scène sa fille comme le 14 avril dernier, essayant de toucher les fibres féministes ou de la gent masculine soucieuse des droits des femmes.

Dans un précédent article, je rappelais le curriculum vitae de la fille unique de Kadhafi :

"Aïcha Kadhafi est avocate, elle défend son frère Hannibal en Suisse accusé d’avoir maltraité des domestiques, le même homme qui n’hésitait pas à rouler, éméché, sur les Champs-Elysées en contresens de la circulation dans sa magnifique Porsche, à 2 heures du matin. Une bagarre s’en était suivie, un policier avait été blessé, le fils Kadhafi s’était réfugié à l’ambassade et pour repartir pour Tripoli. C’était en septembre 2004. Un an plus tard, il était condamné à Paris pour avoir battu sa compagne enceinte."

"Aïcha Kadhafi est aussi celle qui a fait partie des avocats de Saddam Hussein, entre autres clients ; elle est donc habituée à défendre l’indéfendable."

L’avocate a su user et abuser de cette tribune offerte par France 2 afin de "toucher le cœur des Français". Pourquoi pas celui des autres peuples impliqués dans la coalition ?

Au tout début du reportage, elle mentionne la mort de son enfant et de son frère - dont elle parle avec beaucoup de détachement - ainsi que la mort de Libyens dont Kadhafi est bien responsable – rappelons-le- puisqu’il a ouvert les hostilités en demandant à sa police de tirer sur les manifestants en février 2011.

Le nombre des victimes fait débat. Le 22 février, le bilan était de trois cents morts. Dernièrement, Amnisty International revoyait à la baisse ce bilan

Il est, donc, pour le moment, impossible de connaître le nombre exact de morts suite à ces manifestations de la première heure mais ils sont bien réels et c’est bien le clan Kadhafi qui avait pris l’initiative de "tuer" ces révoltes dans l’œuf.

Dans le reportage, lorsque la journaliste demande à Aïcha Kadhafi si, au bout de quarante-deux ans, il ne serait pas temps à son père de céder la place, elle répond : "Ces mots de départ départ … ce que je trouve étrange, c’est où vous voulez qu’il parte ? C’est son pays, sa terre, son peuple", "Où irait-i l? Il y a quelque chose que vous ne comprenez pas et que vous ne comprendrez jamais. Mon père est un symbole, un guide.

Le discours propagandiste est toujours le même, à l’image de celui du clan Kadhafi, hormis peut-être un vrai scoop :

"Il y a des négociations directes et indirectes et nous devrions cesser de laisser le sang libyen et, pour, cela nous sommes prêts à nous allier avec le diable et c’est la rébellion armée" qu’elle n’oublie de citer comme des membres d’Al Qaïda.

En revanche, Aïcha Kadhafi sait verser quelques larmes lorsqu’elle parle de son attachement à la France, de son incompréhension de voir des soldats français bombarder la Libye.

Cette dame doit aussi sûrement déplorer de ne plus pouvoir faire ses achats Place Vendôme à Paris où la famille dispose de bien immobiliers censés être gelés…

aicha kadhafi

Elle joue même sur la corde du désaveu, de l’hostilité, voire de la haine qu’ont certains de nos compatriotes envers Nicolas Sarkozy qui se servirait de la Libye pour la prochaine élection présidentielle.

"J’envoie un message aux mères et aux épouses des pilotes qui nous bombardent. Vos maris ne sont pas là pour protéger les civils, ils tuent mon peuple et nos enfants. Et tout cela pourquoi faire ? Pour satisfaire Sarkozy qui croit que, plus il tue de Libyens, plus il gagne de voix aux élections."

Les Français en sont conscients mais ils n’oublient pas les méfaits de la famille Kadhafi…

Pourquoi ce message ne s’adresse-t-il qu’aux soldats français ?

La belle plaidoirie larmoyante de cette avocate - aussi jolie soit-elle - atteste de son soutien sans faille à son dictateur de père avec lequel elle partage la manne financière du pétrole dont les insurgés revendiquent leur part légitime après 42 ans de privations avec un salaire moyen de 2 dollars par jour.

Aïcha Kadhafi (achètera) se paiera même des avocats français (encore) pour "attaquer l’OTAN pour crimes de guerre" et "dit n’accorder aucun crédit au mandat d’arrêt international lancé contre son père et son frère". Ce qui laisse penser que la famille se sent protégée à un niveau international ; par qui ?

La charge contre Nicolas Sarkozy - qui n’est pas mon président préféré, loin de là - alors qu’il n’est pas le seul à prendre des décisions sur l’avenir de la Libye, me fait m’interroger sur l’existence des réseaux français de connivence avec le clan Kadhafi que j’avais déjà pressentis dont la haine ou la convoitise d’une fonction a fait perdre tout discernement.

En tous cas, on ne sait pas très bien ce qu’a voulu nous "vendre" France 2 si ce n’est qu’une séquence "émotion" appelant à la compassion… Des Français pour qu’ils infléchissent la position de leur président… qui ne les écoute jamais non plus ? Pour inciter un peu plus à la haine envers ce président ?

Pour inciter les Français au débat ? Ils débattent depuis le début des révoltes, le 17 février. Pour diviser un peu plus les Français à l’image de ce qui existe en Libye ?

Selon moi, cette interview n’était que le relais d’une pure propagande. Il ne m’est même plus surprenant qu’un média tel France 2 s’en fasse l’écho. Reste à savoir quels bénéfices la chaîne en a tirés, tant au point de vue audience que, éventuellement, financier.

Pour qu’une paix réelle s’installe en Libye, si, cette fois, on envisageait sérieusement de scinder ce pays ?

A lire : L’hypothèse d’une partition, Léna Fulfen

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