08 mai, 2011

PAKISTAN Une armée complice des terroristes

Ben Laden était protégé par l'état-major pakistanais à Abbottabad, accuse le Daily Times. La complicité de l'armée avec le Mollah Omar et les groupes de talibans afghans présents sur son territoire ne fait plus de doute. Réunion de l'état major de l'armée pakistanaise, le 5 mai 2011 à Islamabad (crédit : Armée pakistanaise)

Réunion de l'état major de l'armée pakistanaise, le 5 mai 2011 à Islamabad (crédit : Armée pakistanaise)

La présence de Ben Laden à Abbottabad donne enfin raison à tous ceux d'entre nous qui écrivaient et disaient depuis des années que l'homme le plus recherché par les Etats-Unis n'était pas sous la protection d'une tribu pachtoune mais bien sous celle de l'armée, ce clan dont les membres se veulent les gardiens des frontières idéologiques et géographiques du Pakistan. Qui d'autre pourrait dire à ses membres : "vous êtes de la race des seigneurs, vous êtes la crème de notre pays " et l'inscrire au programme de l'Académie militaire pakistanaise de Kakul, située je vous le rappelle à seulement un kilomètre de la dernière demeure d'Oussama Ben Laden.

Les maîtres du destin du Pakistan ne sont pas beaux à voir et le monde entier les regarde avec dégoût. Pourtant nos militaires ont encore le toupet de dire qu'une forteresse construite sous leur nez "avait échappé à leurs radars". Et pour couronner le tout, ils ont l'impudence de mobiliser les médias nationalistes pour créer un écran de fumée et accuser les Américains d'avoir violé la souveraineté pakistanaise. Le reste du monde n'est pas dupe. Comment dans une ville de garnison, l'armée - qui surveille le moindre bout de terrain situé à proximité de ses bâtiments - pouvait-elle ignorer ce qui se passait derrière les murs d'enceinte de cette résidence luxueuse à deux pas de leur académie militaire ? Et tout ce que pourra écrire le Président Asif Ali Zardari (ou son nègre) dans les colonnes de la presse américaine n'y changera rien [cf. la tribune publiée dans le Washington Post le 3 mai et traduite sur le site de CI], ce sont les chefs de l'Etat-major qui sont aujourd'hui sous le feu des critiques. Se servir des membres du gouvernement civil comme bouclier humain est inutile : les termes de l'équation ont radicalement changés.

Exception faite des déclarations diplomatiques nuancées de Hillary Clinton, l'ambiance au Pentagone n'est pas sans rappeler celle de l'après 11 septembre. La remarque exprimée le 2 mai 2011 par le sénateur américain Carl Levin est à ce titre révélatrice : "(Le Pakistan) va avoir des comptes à rendre... De nombreuses questions restent en suspens et je pense que l'armée et les services secrets pakistanais vont devoir y répondre au plus vite." Les Etats-Unis vont réclamer la tête du Pakistan. Tout en maintenant un semblant de relation de travail, une ligne très dure va être adoptée en privé. Et la question qui risque d'être posée rapidement ce n'est pas simplement pourquoi le Pakistan cachait Oussama Ben Laden mais s'il a joué un rôle dans la tragédie du 11 septembre.

D'un point de vue tactique, l'opération d'élimination du chef d'Al-Qaida devrait servir de référence à d'autres interventions contre les chefs du djihad qui se cachent au Pakistan, notamment avec la prise de fonction du Général américain David Petraeus [à la tête de la CIA]. Pour se rapprocher de l'objectif de stabilité en Afghanistan et de la réconciliation politique, les Etats-Unis doivent impérativement neutraliser deux gros obstacles : la Quetta Shura [l'organe de décision des talibans afghans, dirigé par le mollah Omar et située à Quetta, capitale de la province pakistanaise du Balouchistan] et le réseau Haqqani [groupe de talibans afghans actif au Waziristan Nord, dans les Zones Tribales pakistanaises]. Ces deux entités ont pour l'instant échappé aux Américains, grâce à la bienveillance des gros bonnets de l'armée pakistanaise.

Les membres du clan Haqqani circulent librement aux abords de Islamabad, Rawalpindi et Peshawar. Khalil Haqqani [l'un des chefs du réseau] a présidé plusieurs rencontres au cours des derniers mois pour négocier la "paix" dans la région de Kurram [Zones Tribales]. Il est inconcevable qu'il ait pu agir sans que les services de sécurité pakistanais ne soient au courant. Rappelons que Quetta accueille le 12ème corps d'armée du Pakistan, le QG régional de l'ISI, le Corps frontalier du Balouchistan, un centre de recrutement militaire, la base militaire aérienne Samungli et une prestigieuse école de formation militaire, le Command and Staff College. Les militaires pakistanais vont-ils nous dire qu'ils ne savent pas où se trouve le Mollah Omar ? Le Pakistan a encore une chance de se racheter et de rompre avec les mauvaises habitudes du passé. Mais devant tant d'incohérences et de mauvaise foi, il est permis d'en douter. L'Etat-major pakistanais a perdu toute sa crédibilité aux yeux du monde et il est tout aussi nuisible que ceux qu'il prétend traquer.

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