14 mai, 2011

Mairie de Boulmiougou : « Il aurait fallu balayer toute l’équipe »

Dans le village de Zongo comme au quartier Rimkiéta, la suspension du maire, Séraphine Ouédraogo, est accueillie avec « soulagement ». Mais à écouter tous ceux que nous avons pu rencontrer, cette mesure intervenue le vendredi 6 mai 2011 laisse comme un goût d’inachevé. Selon eux, en effet, il aurait fallu tout balayer.

Mairie de Boulmiougou, mardi 10 mai 2011. Sous le coup de 16 heures. Celui qui assure désormais l’intérim à la tête du conseil municipal reste enfermé dans son bureau de premier adjoint au maire. Au grand dam de la petite équipe de journalistes conviés à la tournée « d’information ». Las d’attendre le départ, pourtant annoncé pour 15 heures, un confrère finit par lâcher, dépité : « On croyait qu’il y aurait la rupture, mais on se rend compte que c’est la continuité ».

Fait-il seulement allusion au manque de ponctualité ou, en habitué de la maison, l’homme de presse, malgré la suspension de Séraphine, ne croit pas, ici, à un réel changement dans la conduite des affaires de l’arrondissement ?

Dans le village de Zongo, et au quartier Rimkièta, localités aux noms évocateurs, à tort ou à raison, de gestion scabreuse de parcelles, les résidents ne s’embarrassent pas de circonlocutions pour exprimer leur scepticisme.

Autant elles ont laissé éclater leur joie à l’annonce de la suspension pour trois mois du maire de Boulmiougou, Séraphine W. Solange Ouédraogo, autant elles ont une tête d’enterrement face à la nomination du premier adjoint au maire, Johanny Ouédraogo, au poste d’intérimaire. « La décision du ministère de l’Administration territoriale est une très bonne chose », se réjouit un étudiant en fin de cycle qui a souhaité garder l’anonymat.

A l’ombre d’une maison en banco, le bouc bien taillé, il tue son temps en sirotant du thé en compagnie d’autres jeunes du voisinage. Installé dans le village de Zongo depuis 2005 dans l’espoir d’obtenir une parcelle, le jeune homme n’en est toujours pas bénéficiaire. La raison ?

Cette « pratique mafieuse » qui, à l’en croire, a pignon sur rue au sein des commissions d’attribution : « Nous avons reçu nos numéros en juin passé. Les résidents du lot d’en face ont reçu les leurs bien avant. Mais là-bas, alors que l’opération d’attribution était suspendue, des agents municipaux venaient nuitamment attribuer des parcelles à des non-résidents ».

Mme le maire suspendue, pour autant notre étudiant ne se fait pas d’illusions : « Rien ne va changer. Celui qui a remplacé la dame fait partie du système. Tout le monde le sait bien. Il eût fallu les balayer tous ».

Plus loin, alors que la fourgonnette de reportage peine à avancer sur un sentier lacéré de rigoles, un groupe de personnes, devinant sans doute l’objet de notre présence dans le bled, s’avance vers le véhicule. « Observatère Paalga » (1), lance l’un d’entre eux. Briquetier, Abdoul Kaboré voit en la décision du ministère un simple coup de bluff : « Ce n’est pas clair. Si le gouvernement voulait réellement clarifier le problème des lotissements, il devrait chasser aussi tous les adjoints au maire. Oust ! ».

Pour Idrissa Zongo, employé de commerce, ça devrait être la totale : « Même les membres des commissions devraient être balayés. Ce sont eux les champions des doubles attributions. Nous sommes installés ici depuis plus de dix ans. Mais chaque jour, on voit des gens venir fixer des plaques sur nos parcelles sous prétexte qu’ils en sont attributaires ». La barbichette bien lissée, une bosse de piété bien en évidence sur le front, il menace : « Ils se sont enrichis sur notre dos. Nous allons déclencher la lutte des classes ».

A Rimkiéta, le sentiment d’injustice est tout aussi palpable. Mais ici, certains résidents réels, faute de se faire entendre par les autorités municipales, préconisent l’action directe contre les attributions qu’ils jugent illicites : « Tous les dimanches, de grosses voitures sillonnent la zone non lotie. Mais on a décidé que tant que nous n’aurons pas tous nos parcelles, personne d’autre ne viendra poser une brique », nous assure Noufou Guiro.

Présent jeudi dernier à une rencontre à la mairie et au cours de laquelle le conseil municipal a « pris l’engagement de satisfaire tout le monde », il reste cependant en butte à tous les doutes. Pas même l’arrivée de l’équipe intérimaire ne pourra l’en défaire : « Ils sont tous les mêmes ».

Pourtant, au cours de sa tournée le mardi 10 mai dernier, qui l’a conduit successivement à Sondgo puis à Zongo, le nouveau maître à bord, Johanny Ouédraogo, a proclamé à l’envi son engagement de rompre avec le passé. « Désormais, plus rien ne sera comme avant. Il n’y aura plus d’irrégularités dans les opérations de lotissement à Boulmiougou ».

Un passé dont l’intérimaire se lave les mains, et chargeant, par la même occasion, son prédécesseur de tous les péchés de Boulmiougou : « Ni le deuxième adjoint ni moi n’étions au courant des pratiques du maire. Elle est actuellement entendue par les inspecteurs du ministère de l’Administration territoriale.

C’est au cours des rencontres avec les populations que nous apprenons certaines choses » (Lire interview). Et le deuxième adjoint, Hamidou Ouédraogo, de surenchérir : « Même sur le nombre de parcelles dégagées ou attribuées, nous ne savions rien ».

Jointe au téléphone, Séraphine Ouédraogo a préféré ne pas s’exprimer pour le moment, se réservant de le faire après les enquêtes de la commission technique qui l’a effectivement entendue mardi dernier.

Alain Saint Robespierre

- (1) L’Observateur Paalga, prononcé à la moaga

1 commentaire: