11 mai, 2011

Japon : deux mois après le tsunami, l'heure de la reconstruction

pour Le Monde.frL'empereur Akihito et l'impératrice Michiko visitent un quartier dévasté  de la ville de Soma (préfecture de Fukushima), mercredi 11 mai.

L'empereur Akihito et l'impératrice Michiko visitent un quartier dévasté de la ville de Soma (préfecture de Fukushima), mercredi 11 mai. REUTERS/ISSEI KATO

Tokyo, correspondance - La visite de l'empereur Akihito et de l'impératrice Michiko dans la préfecture de Fukushima ce 11 mai s'ajoute à celles déjà effectuées dans les autres régions sinistrées du Japon. Mais cette fois, le couple impérial a choisi de se rendre dans l'une des zones les plus meurtries par le drame qui a touché le nord-est de l'archipel il y a exactement deux mois. Cette préfecture a non seulement subi le tremblement de terre de magnitude 9 et le tsunami qui a suivi, atteignant par endroit 38 mètres de haut, mais elle est la première victime de l'accident nucléaire de la centrale numéro 1 de Fukushima.

Depuis le début de la crise, le nucléaire, avec son cortège d'évacuations et d'annonces contradictoires, a presque fait oublier les drames vécus par les survivants de la catastrophe, qui a fait des dégâts le long d'un littoral s'étirant de l'île septentrionale d'Hokkaido à la préfecture de Kanagawa, au sud de Tokyo.

Aujourd'hui encore, 117 085 personnes doivent vivre dans la promiscuité des centres d'hégergement, contre 450 000 au lendemain de la tragédie. Le bilan du drame s'établit à 14 949 morts et 9 880 disparus.

A ces chiffres, il faut ajouter ceux des pertes matérielles, les 25 millions de tonnes de débris des bâtiments effondrés, des maisons balayées ou encore des infrastructures, routes, voies ferrées, ports et aéroports, détruits, ou encore les 4,5 millions de foyers privés d'électricité, d'eau ou de gaz et les secteurs d'activité sinistrés, comme la pêche.

UNE ENVELOPPE SUPPLÉMENTAIRE

A présent, le Japon doit engager la reconstruction. Les autorités estiment entre 16 000 et 25 000 milliards de yens (entre 138 et 216 milliards d'euros) le total des dommages causés par la catastrophe. Pour cela, le gouvernement du premier ministre Naoto Kan, souvent critiqué pour sa gestion erratique, voire maladroite, d'une crise multiforme, et pour son manque de leadership, a fait adopter une enveloppe qui s'ajoute au budget de l'exercice fiscal 2011 commencé le 1er avril, d'un montant de 4 000 milliards de yens (34,6 milliards d'euros).

Naoto Kan, le premier ministre japonais, le 10 mai 2011 lors d'une conférence à Tokyo.

Naoto Kan, le premier ministre japonais, le 10 mai 2011 lors d'une conférence à Tokyo.AP/Koji Sasahara

Il a également formé une commission chargée de réfléchir à la reconstruction et de livrer une première série de propositions au mois de juin. Présidée par Makoto Iokibe, le responsable de l'Académie nationale de défense, elle réunit des personnalités d'horizons différents, l'architecte Tadao Ando et le vice-président de Sony, Ryoji Chubachi, notamment, et des gouverneurs des préfectures les plus touchées de Miyagi, Iwate et Fukushima.

Plusieurs idées circulent déjà, comme la construction des villes nouvelles en retrait des côtes sur des hauteurs, ou la transformation de ces régions en zone économique spéciale, avec des législations assouplies et des régimes fiscaux allégés.

Pendant ce temps, sur place, le déblayage a commencé et le gouvernement espère qu'il sera terminé cet été. Les infrastructures se reconstruisent et la vie se réorganise. Tout cela avance finalement assez bien. 90 % des dommages causés aux autoroutes de la région ont été réparés en onze jours. L'aéroport de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, a relancé ses activités le 13 avril et la ligne à grande vitesse Tohoku Shinkansen, qui relie Tokyo aux principales villes du Nord, a repris son service complet le 29 avril. 36 % des installations portuaires étaient en service le 10 mai.

COURSE CONTRE LE TEMPS

Dans le même temps, le gouvernement espère remplir son engagement de finaliser les travaux de 30 000 logements d'urgence d'ici à la fin mai et 30 000 supplémentaires d'ici à la mi-août.

Les travaux menés permettent d'accélérer la reprise d'une activité économique. Passés les premiers jours, où le quotidien de toutes les régions touchées se caractérisait par des pénuries d'eau ou d'essence, les réseaux d'approvisionnement se sont organisés.

La production industrielle et la consommation au Japon ont enregistré un plongeon record en mars, après le séisme et le tsunami du 11 mars.

La production industrielle et la consommation au Japon ont enregistré un plongeon record en mars, après le séisme et le tsunami du 11 mars.AP/Eugene Hoshiko

Le secteur industriel est également engagé dans une course contre le temps car ses problèmes ont un impact qui ne se limite pas au Japon. Les perturbations de la chaîne de production menacent l'activité de groupes comme Apple ou Boeing. Le Tohoku abrite des entreprises qui fabriquent notamment les écrans tactiles des iPhone et iPad.

Deux mois après le drame, l'activité est plus ou moins repartie, et ce en partie grâce à l'envoi de personnels d'entreprises pour aider les sous-traitants, partenaires voire concurrents, à se reconstruire. Le 11 mai, Toyota a pu annoncer que sa production retrouverait des niveaux normaux plus vite que prévu.

Mais ces avancées ne sauraient faire oublier le problème nucléaire, qui freine le redémarrage de l'économie et oblige à d'importantes mesures d'économie d'électricité.

L'HOSTILITÉ AU NUCLÉAIRE GRANDIT

Depuis le 11 mars, plusieurs centrales sont à l'arrêt. A celle de Fukushima, des centaines de techniciens s'efforcent de reprendre le contrôle de quatre des six réacteurs de l'installation, perdu en raison d'une défaillance des circuits de refroidissement.

Les progrès sont lents et plus ils durent, plus l'hostilité des Japonais au nucléaire grandit. Elle est accentuée par la litanie des erreurs commises par la compagnie d'électricité de Tokyo, Tepco, propriétaire et opérateur de l'installation, le manque d'informations fiables et claires sur l'étendue des contaminations radioactives, et par la découverte des ramifications du lobby nucléaire japonais, un système de collusions entre les personnalités impliquées dans la filière, universitaires, industriels et hauts fonctionnaires, qui a tout fait pour limiter les critiques et dissimuler les problèmes.

Une manifestation antinucléaire, devant le siège de TEPCO, à Tokyo, le 14 avril 2011.

Une manifestation antinucléaire, devant le siège de TEPCO, à Tokyo, le 14 avril 2011.AFP/TORU YAMANAKA

Cette fois, le mécontentement est si vif que le premier ministre a choisi de demander la fermeture de la centrale de Hamaoka, au sud de Tokyo, en raison des risques sismiques.

Naoto Kan a également mis fin, le 10 mai, au projet de construction de 14 nouveaux réacteurs et a demandé une révision de la politique énergétique du Japon. C'est là peut-être la première étape de la construction du nouveau Japon voulu par M. Kan, qui n'a pas hésité au début de la crise à comparer la situation actuelle à celle du Japon après la seconde guerre mondiale.

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