18 avril, 2011

MANIFESTATIONS DE MILITAIRES : Des saccages à Ouagadougou

Des boutiques d’appareils électro-ménagers, de matériels informatiques et diverses marchandises, des stations d’essence, des véhicules tout-terrain pour la plupart, des infrastructures privées et publiques ont encore fait les frais des manifestations des militaires qui ont pris leur source au Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dans la nuit du 14 avril 2011. La résidence du général Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier de la Présidence, n’a pas été épargnée. Nous avons fait le tour de la ville de Ouagadougou pour constater de visu les stigmates et recueillir des témoignages. L’un des faits les plus marquants de la déferlante de colère des militaires est sans conteste l’incendie de la résidence du chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso, le général Gilbert Diendéré, située sur l’avenue du Conseil de l’entente. Cette fois, les saccages ont été d’une ampleur effarante.

Cave Paling-wendé, station PETROFA à Tampouy, les alimentations Marina Market à la Patte-d’oie et à Gounghin, DIACFA Automobiles, agence ONEA au Stade du 4-Août, Data Link, Bessel Equipements, Will Télécom, LIPAO…, la liste des biens notamment privés touchés par les manifestations de colère des militaires, qui ont resurgi dans la nuit du jeudi 14 avril 2011 dans la caserne du régiment présidentiel, est loin d’être exhaustive.

Ces établissements commerciaux ont été littéralement vidés de leur contenu ou incendiés comme c’est le cas de Marina Market de la Patte-d’oie. Du centre-ville en passant par des quartiers névralgiques de la ville, le constat est désolant. "Les pillages ont, certes, été perpétrés par les militaires, mais des gens ont profité de la situation. J’ai été témoin d’actes de pillages orchestrés par des civils. Des propriétaires de boutiques ont même pu appréhender des jeunes pris en flagrant délit", a révélé un témoin. L’un des faits marquants de ces manifestations est la réquisition forcée de véhicules de type tout-terrain, pour la plupart, et appartenant aussi bien à l’Etat qu’à des personnes privées.

Ces véhicules qui ont été accidentés ou abandonnés par la suite un peu partout dans la ville, auraient servi à transporter des biens soustraits des boutiques. "Ici, il y avait deux voitures. Ils ont pris le véhicule avec ses clés et ont endommagé l’autre qui n’en avait pas, avant de partir, sous les yeux des vigiles impuissants", nous a laissé entendre un parkeur officiant devant DIACFA Automobiles. Certains motocyclistes ont dit avoir été dépossédés de leurs biens (portable, argent…). Les commerçants des secteurs 4, 15, 16 et 17 ont aussi été victimes des casses des militaires et de certains délinquants de la ville qui ont profité de la situation. Selon le vendeur de portables, Tidiane Namagué, 86 téléphones portables, 8 ordinateurs portables et 12 appareils numériques ont été emportés par les mutins.

1 375 000 F CFA emportés

"On a cassé mon coffre-fort et vidé la somme de 1 375 000 F CFA qui s’y trouvait", a-t-il confié. A l’en croire, aucune marchandise n’est restée dans la boutique car elle a été saccagée par les révoltés. Il nous a montré deux douilles qu’il dit avoir ramassées dans la boutique après le passage des hommes de tenue. La maison Nokia, Médium International Télécom, a aussi été pillée par effraction. Selon son Directeur général (DG), Alain Roger Coefé, de nombreux téléphones portables ainsi qu’une somme importante ont disparu. Il en est de même pour certains documents. Le frigidaire a été également mis à sac, a-t-il confié. Son bureau n’a pas été épargné. Mais les empreintes de chaussures laissées sur la porte ne correspondent pas à celles des chaussures de militaire, a expliqué M. Coefé.

Ce qui laisse penser que malgré les douilles ramassées sur les lieux, les auteurs des casses peuvent ne pas être uniquement des militaires. En attendant le constat de la gendarmerie, un huissier de justice a déjà évalué les dégâts. Selon toujours les explications du DG de Médium International Télécom, distributeur officiel de Samsung et Nokia, les casseurs ont oublié un ordinateur portable dans la boutique. Les travailleurs de la boutique "Challenger" ont aussi subi des pertes. "Nous étions devant la boutique. Soudain, nous avons entendu des coups de feu et nous sommes allés nous réfugier dans les toilettes. Il y a eu ensuite des tirs d’armes automatiques.

C’est quand les choses se sont calmées que nous sommes sortis constater les dégâts", a confié le gardien de la boutique Challenger, Idrissa Congo. Selon ses dires, des costumes, des chemises, des tee-shirts, des valises et des bijoux de grande valeur ont été emportés. Une forte somme d’argent a été également emportée par les mutins, a-t-il indiqué.

Une Kalachnikov abandonnée

Il a aussi précisé qu’une arme de type Kalachnikov a été trouvée dans la boutique. Mais, elle a été récupérée par la gendarmerie qui s’est déportée sur les lieux, a-t-il ajouté. Le jeune boutiquier Aziz Kafando des 1200 logements a affirmé avoir été victime de casses et de pillages. Mais, des civils seraient également parmi les pilleurs car il a pu, avec l’aide des voisins, mettre la main sur deux jeunes qui s’étaient livrés au pillage. Ils ont été conduits à la gendarmerie mais le troisième qui avait en sa possession les objets volés, a pu s’échapper.

Des infiltrés

A entendre certains commerçants, l’on peut affirmer sans se tromper que des civils ont participé aux casses. Selon le commerçant Tidiane Kiemtoré à Cissin, des voyous ont profité des casses des militaires pour piller des boutiques. En plus des cartons de boissons et d’autres biens, il dit avoir perdu une importante somme d’argent car sa caisse a été vidée de son contenu. La déception du commerçant Tidiane Kiemtoré était grande car, c’est la deuxième fois qu’il enregistre des casses. D’une boutique à une autre, les dégâts varient mais la déception est la même.

Chez le jeune commerçant Amado Sédogo à Cissin, des télévisions, des téléphones portables, des lecteurs DVD et des appareils de musique ont été emportés par des individus non identifiés. Selon ses affirmations, un coffre-fort contenant une forte somme se trouvait dans la boutique mais les pilleurs ne l’ont pas emporté. Le gardien, Sabané Koanda qui assurait la sécurité des lieux dit avoir vu, dans la nuit des casses, trois motos desquelles sont descendus des gens qui portaient l’uniforme militaire mais qui n’étaient pas armés. C’est à l’aide de pioches qu’ils ont cassé une partie de la porte pour pouvoir pénétrer dans la boutique, a-t-il indiqué. "Ils m’ont poussé et j’ai eu une luxation au pied", a-t-il poursuivi avant d’ajouter qu’il n’a pas pu identifier ses agresseurs. Outre les boutiques, certaines stations d’essence ont aussi reçu la visite des militaires. C’est le cas d’une des stations OTAM à Cissin où les mutins se sont servis en essence et en gasoil, a confié Adama Ouédraogo, un des responsables de la station. Selon ses explications, c’est aux environs de 3h du matin que les mutins ont obligé le pompiste qui était de garde à mettre sa station en marche afin qu’ils puissent se servir en essence.

Il a fait noter qu’un huissier a été saisi pour le constat des dégâts causés à la station. Sur notre chemin, nous avons constaté d’autres dégâts matériels en face de Ouagarinter. Il s’agit d’un véhicule Peugeot 406 de type ministériel complètement calciné et abandonné à l’extrême gauche de la route. Il ne comportait pas de plaque d’immatriculation. Mais des impacts de balles étaient visibles sur le capot et au niveau des jantes du véhicule. Du côté du palais de Kosyam où nous avons fait un tour aux environs de 11h 20mn, c’était le calme plat. Le boulevard Mouammar Khadafi était pratiquement sans usagers. Seul un cycliste qui se dirigeait vers le palais et un pick-up militaire qui était en mouvement vers les lieux, étaient visibles. C’est ce mouvement de pick-up qui nous a amenés à rebrousser chemin. Pour tout dire, la zone était déserte. Par contre, lorsque nous remontions vers le rond-point de la Patte-d’oie, nous avons croisé un véhicule tout- terrain rempli de militaires lourdement armés. Certains avaient pris appui sur les portières avec des armes dirigées vers le ciel. Nous avons aussi fait un tour vers le camp Guillaume, mais des militaires nous ont déconseillés de nous approcher davantage du camp. Cependant, nous avons pu voir le dispositif sécuritaire qui était mis en place. Des hommes armés faisaient des va-et-vient entre le camp et les environs.

Descente de treillis dans un "lupanar"

Les résidents du quartier Gounghin comme ceux d’autres secteurs de la ville ont subi une descente des militaires dans un hôtel où officient des filles de joie. Témoignage...

Vendredi 15 avril aux environs de 22h, un véhicule, avec à son bord un groupe de jeunes militaires bien armées de mitraillettes, fait escale dans un hôtel situé à quelques encablures du lycée mixte de Gounghin. C’est la débandade au sein des résidents de l’hinterland de cet hôtel. On apprend que la plupart des clients de cet établissement hôtelier prennent rendez-vous avec des filles qui fréquentent les lieux pour y vendre leurs charmes.

Apeurés par des tirs en l’air que les visiteurs ont effectués dès leur descente, les habitants jouent la carte de la prudence en se réfugiant qui, chez eux, qui, chez des voisins. Ils observent néanmoins la scène à travers les murs et les ouvertures des portails. "D’emblée, nous nous sommes demandé ce qu’ils étaient venus chercher, étant donné que l’hôtel ne fonctionne pratiquement pas ou du moins tourne au ralenti", nous a confié une dame qui habite dans une cour juste à deux pas de l’entrée de l’établissement. Les visiteurs en treillis préciseront leurs intentions, quelques minutes après, quand des cris des filles qui se trouvaient à l’intérieur ont commencé à retentir. "Ils ont contraint une blanche qui sortait de l’hôtel avec un monsieur à coucher avec eux.

Les autres filles qui s’y trouvaient ont subi le même sort". A en croire, F. N, l’une des infortunées, les militaires sont passés à au moins trois à trois sur chaque fille, avec une rudesse caractéristique de l’état d’ébriété dans lequel ils se trouvaient.

Dabadi ZOUMBARA et Yembi Richelieu ZONGO

Le Pays

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