03 mars, 2011

Pakistan: trois jours de deuil national pour le ministre chrétien assassiné

Pakistan: trois jours de deuil national pour le ministre chrétien assassiné

M. Bhatti, 42 ans, était comme M. Taseer un des rares hommes politiques ouvertement favorables à une modification de la loi prévoyant la peine de mort en cas de blasphème contre l'islam.

Le gouvernement pakistanais a décrété jeudi un deuil national de trois jours au lendemain de l'assassinat de son ministre des Minorités religieuses, un chrétien menacé par les extrémistes islamistes et qui avait avait prédit sa propre mort il y a moins de trois mois.

Le drapeau national sera également mis en berne à travers le pays en mémoire de Shahbaz Bhatti, qui était le seul ministre chrétien du gouvernement, ont annoncé les services du Premier ministre Yousuf Raza Gilani.

Le commando de trois ou quatre hommes qui l'a abattu dans sa voiture alors qu'il sortait de la maison de sa mère à Islamabad était toujours en fuite. Les enquêteurs s'intéressent notamment à son escorte armée, à qui le ministre aurait demandé de l'attendre à son bureau plutôt que de venir le chercher, a indiqué à l'AFP un responsable de la police sous couvert de l'anonymat.

M. Bhatti est le second homme politique de premier plan assassiné à Islamabad en deux mois, après le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Taseer, criblé de balles en plein centre ville par un des policiers d'élite chargés de l'escorter.

M. Bhatti, 42 ans, était comme M. Taseer un des rares hommes politiques ouvertement favorables à une modification de la loi prévoyant la peine de mort en cas de blasphème contre l'islam.

Cette prise de position, et sa fervente défense de la minorité chrétienne souvent discriminée, lui avait valu des menaces de mort émanant d'islamistes.

M. Gilani a dénoncé une "ultime tentative des forces anti gouvernementales pour mettre en oeuvre leurs desseins diaboliques".

Shahbaz Bhatti avait prédit sa mort dans une vidéo qui aurait été enregistrée il y a trois mois, et mise en ligne par le First Step Forum, une organisation européenne de promotion du dialogue inter-religieux.

"Je crois en Jésus Christ qui a donné sa vie pour nous" et "je suis prêt à mourir pour une cause" y déclare M. Bhatti, qui se disait traqué par ces extrémistes. "Je vis pour ma communauté et les gens qui souffrent, et je mourrai pour défendre leurs droits", ajoutait-t-il.

Plusieurs imams et dirigeants de mouvements fondamentalistes avaient publiquement répété ces derniers temps que l'islam récompensait ceux qui tueraient des apostats.

En janvier, plusieurs centaines de gens avaient manifesté pour la libération du policier qui a avoué avoir tué Salman Taseer, estimant qu'il ne devait pas être condamné car il avait défendu l'islam.

Une lettre dactylographiée en ourdou signée par la branche pendjabie du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP) et d'Al-Qaïda a été retrouvée sur les lieux du drame, mais les enquêteurs se refusent pour l'heure à l'authentifier et n'excluent pas une tentative de leurre, a estimé jeudi un responsable de la police, Muhammad Ishaq Warraich.

La police s'interroge notamment sur l'absence d'escorte armée de M. Bhatti. Celui-ci avait récemment confié à l'AFP qu'il se méfiait des escortes officielles après le meurtre de Salman Taseer.

"Il pensait ainsi améliorer sa sécurité, et je pense qu'il avait tort", a commenté le ministre de l'Intérieur Rehman Malik.

L'assassinat de Shahbaz Bhatti a provoqué une vague de réactions indignées en Occident, le Vatican ayant été le premier à s'émouvoir mercredi. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, l'a "fermement condamné", et le président américain Barack Obama a appelé Islamabad à punir les coupables.

La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navy Pillay, a appelé le Pakistan à réformer la loi sur le blasphème. Mais selon les analystes, ce nouveau meurtre a peu de chance de faire réagir un gouvernement faible et soumis à une pression croissante des islamistes.

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