10 mars, 2011

Libye: les pro-Kadhafi gagnent du terrain, le CICR se prépare au "pire"

AFP

Des rebelles libyens se mettent à couvert, lors de combat contre les forces pro-Kadhafi, le 10 mars 2011 près de Ras Lanouf

Les forces de Mouammar Kadhafi, à la faveur de bombardements aériens et terrestres, semblaient gagner du terrain jeudi face aux insurgés moins bien armés en Libye, alors que le CICR disait se préparer "au pire" en évoquant une guerre civile.

A quelques heures de réunions à Bruxelles de l'Otan et de l'Union européenne sur les moyens de stopper la crise aux effets potentiellement dévastateurs dans ce pays producteur de pétrole, Paris a annoncé reconnaître le Conseil national de l'opposition (CNT) comme le seul "représentant légitime du peuple libyen".

Parallèlement aux combats, le régime Kadhafi, qui contrôle Tripoli et sa région proche, et l'opposition maîtresse de la région pétrolifère orientale, étaient engagés dans une bataille diplomatique, chaque camp dépêchant des émissaires en Occident ou en Egypte.

Face à l'escalade, le chef de l'opposition, Moustafa Abdeljalil, a lancé un appel à l'aide internationale, affirmant que dans le cas contraire "Kadhafi anéantira" le pays. Il a réclamé une zone d'exclusion aérienne pour empêcher les raids, mais rejeté toute présence de soldats étrangers sur le sol libyen.

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Des insurgés libyens près de Ras Lanouf, le 10 mars 2011

Poursuivant sa contre-offensive, le régime a de nouveau lancé son aviation contre des positions rebelles à l'est de Ras Lanouf, ville pétrolière stratégique tenue par les insurgés qui avaient déjà dû se replier après des raids à l'ouest de la localité.

Les loyalistes se rapprochaient de Ras Lanouf, tirant des obus dont au moins un est tombé sur le centre-ville et quatre obus à 1 km à l'ouest.

Dans l'ouest de la ville, des rebelles ont ouvert le feu sur un avion. "Ils nous bombardent aussi" avec des roquettes Grad, a crié un combattant insurgé, après une nuit de combats. Des ambulances revenant du front se dirigeaient vers l'est.

La fumée s'échappait toujours de la raffinerie d'As-Sidra près de Ras Lanouf, endommagée la veille par les raids aériens. C'est la première fois depuis le début le 15 février de l'insurrection armée qu'une installation pétrolière est touchée.

Le chef de la Compagnie pétrolière nationale, Choukri Ghanem, a minimisé les dégâts, affirmant que seule une "petite installation de stockage" de diesel avait été touchée, tout en reconnaissant que la production de pétrole avait été divisée par trois (de 1,6 million de barils par jour à 500.000).

TV libyenne/AFP

Capture d'image de la télévision officielle libyenne du dirigeant Mouammar Kadhafi, lors d'une intervention le 9 mars 2011

A 40 km à l'ouest de Tripoli, Zawiyah était sous contrôle des pro-Kadhafi, après d'intenses combats, selon un habitant qui a réussi à quitter la ville.

Zawiyah, qui abrite la principale raffinerie de pétrole alimentant la capitale et l'ouest du pays, était jusque-là le bastion des insurgés le plus proche de Tripoli.

"La ville est actuellement sous contrôle de l'armée. Les combats ont cessé (...) Les téléphones sont coupés à Zawiya", a dit cet habitant.

A 150 km à l'est de Tripoli, un "calme total" règne à Misrata sous contrôle de la rébellion, selon un témoin. "Les révolutionnaires contrôlent totalement la ville. Il n'y a plus de combats". Mercredi, des témoins avaient affirmé que des forces loyalistes convergeaient en nombre vers Misrata.

"Nous devons nous préparer au pire", "à une intensification des combats", a lancé le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Jakob Kellenberger de Genève.

M. Kellenberger a souligné n'avoir "aucun problème" à utiliser le "terme de guerre civile" pour décrire les combats qui ont fait depuis le 15 février des centaines de morts et poussé à la fuite près de 200.000 personnes.

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Carte de localisation des combats entre pro et anti-Kadhafi

A Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l'UE, puis ceux de la Défense de l'Otan se retrouvent pour trouver une difficile position commune sur la Libye, notamment sur une éventuelle zone d'exclusion aérienne.

Mais alors que la chef de la diplomatie de l'UE Catherine Ashton a refusé de soutenir la demande du CNT d'être reconnu comme seule autorité légitime en Libye, la France a annoncé qu'elle le reconnaissait, devenant le premier pays à le faire.

Après leur visite à Strasbourg, deux émissaires du Conseil national basé à Benghazi, siège de la contestation à près de 1.000 km à l'est de Tripoli, devaient être reçus par le président français Nicolas Sarkozy, alors qu'un autre a rencontré la présidente suisse Micheline Calmy-Rey.

Le régime a promis une récompense de 410.000 dollars à toute personne lui livrant M. Abdeljalil, le président du Conseil national libyen.

De son côté, M. Kadhafi a dépêché au Caire un membre de son cercle rapproché. Un autre émissaire a rencontré le chef de la diplomatie portugaise, Luis Amado, et un troisième a été reçu à Athènes.

Après avoir juré de réprimer dans le sang la rébellion qui veut son départ après plus de 40 ans de règne sans partage, Mouammar Kadhafi a réaffirmé mercredi qu'il ne quitterait pas le pouvoir, malgré les sanctions internationales et une enquête internationale pour crimes contre l'humanité.

Il a aussi estimé qu'en cas de mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, "les Libyens verront ce que ces pays veulent vraiment faire - prendre leur pétrole - et ils prendront alors les armes".

A Tripoli, un porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, a accusé les rebelles de commettre des exactions dans l'est, insistant une nouvelle fois sur leurs liens avec Al-Qaïda. Il a montré des photos de corps présentés comme les dépouilles de soldats exécutés sommairement.

Sur le marché pétrolier, les cours étaient orientés à la hausse dans les échanges électroniques en Asie, l'inquiétude des risques de contagion de la crise libyenne demeurant.

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