16 mars, 2011

L'Europe veut éviter que le piège libyen ne se referme sur elle

BRUXELLES (AFP)

AFP

Les ministres des Affaires étrangères français et allemand, réunis au G8 à Paris le 15 mars 2011.

Le président français Nicolas Sarkozy a appelé "solennellement" les membres du Conseil de sécurité de l'ONU à "soutenir" l'appel de la Ligue arabe en faveur d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, dans une lettre adressée mercredi à leurs dirigeants.

L'Europe, après avoir résolument parié sur la rébellion libyenne, redoute de se retrouver dans une position fort embarrassante en cas de victoire du colonel Kadhafi, qui lui ferait perdre la face et poserait le risque d'une grave crise humanitaire à gérer à sa porte.

"Benghazi peut devenir un nouveau Dubrovnik pour l'Europe", met en garde Alvaro de Vasconcelos, président de l'Institut d'études de sécurité européen, en référence aux bombardements de l'ex-armée yougoslave sur le port croate en 1991, auxquels les Européens avaient assisté impuissants.

"Tout cela me rappelle aussi la Bosnie et les Balkans. Il était alors clair pour tout le monde que des crimes contre l'humanité y étaient commis mais on n'a pas pris les mesures nécessaires", estime-t-il.

Les pays européens sont cette fois aussi en première la ligne car le conflit se déroule devant chez eux, sur la rive Sud de la Méditerranée. Ils ont aussi été prompts à couper les ponts avec le dirigeant libyen et à encourager les mouvements démocratiques en Afrique du Nord.

Si le colonel Kadhafi parvient à mater la rébellion, ce sera "un échec" pour l'Europe et toute la communauté internationale mais aussi "un camouflet terrible" pour le président français Nicolas Sarkozy qui a pris une position de pointe contre le régime à Tripoli et "commis une imprudence" en reconnaissant en premier officiellement l'opposition à Benghazi, juge Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman.

AFP

Les ministres des Affaires étrangères du G8 réunis à Paris, le 15 mars 2011.

La France et la Grande-Bretagne continuent à militer avec vigueur en faveur d'une opération militaire, alors que l'armée de Mouammar Kadhafi fonce vers Benghazi, fief des insurgés. Elles s'activent pour obtenir un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU qui donnerait son feu vert.

Le numéro deux de la diplomatie européenne, Pierre Vimont, veut encore croire à l'éventualité d'une telle intervention de la dernière heure.

"Ce n'est pas impossible" car "tout le monde est assez conscient qu'il faut faire quelque chose, qu'on ne peut pas laisser la population de Benghazi abandonnée comme cela" et prendre le risque de "massacres", a-t-il dit mercredi à Bruxelles dans une interview aux chaînes parlementaires françaises.

Mais l'UE, à l'image de la communauté internationale dans son ensemble, reste profondément divisée. "La communauté internationale ne veut pas et ne doit pas faire la guerre" en Libye, a encore martelé mercredi le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini.

"Nous ne voulons et ne pouvons pas devenir partie prenante à une guerre civile en Afrique du Nord", lui a fait écho son homologue allemand Guido Westerwelle.

Rome et Berlin, à l'instar d'autres capitales, prônent plutôt une stratégie d'isolement international du colonel Kadhafi et de sanctions renforcées. "Un cessez le feu et des négociations sont la voie à suivre pour résoudre la crise libyenne", estime l'International Crisis Group.

Mais pour l'Europe, une chute de Benghazi risque de se traduire par un afflux de Libyens fuyant leurs pays en catastrophe vers l'Egypte et la Tunisie avec la nécessité d'y mettre en place des zones humanitaires.

Plus fondamentalement, elle risquerait de donner non seulement un coup d'arrêt aux mouvements pro-démocratiques naissants dans le monde arabe mais aussi de fragiliser la situation en Tunisie et Egypte voisines.

"L'attitude de l'UE me dégoûte et me rend malade", a dénoncé mercredi l'ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, amer face à la passivité de nombreux pays européens. "Nous n'avons rien appris du passé, rien du tout", a-t-il condamné.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire