31 mars, 2011

Les forces pro-Ouattara aux portes d'Abidjan, le régime Gbagbo vacille

AFP

Les forces pro-Ouattara le 29 mars 2011 à Duekoué

Le président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara n'avait jamais été aussi près de la victoire jeudi soir: ses combattants étaient aux portes d'Abidjan, suspendu à un couvre-feu, tandis que le chef d'Etat sortant Laurent Gbagbo était sous le coup d'un ultimatum pour démissionner.

Le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo a "jusqu'à 19H00 (locales et GMT) pour démissionner", a indiqué à l'AFP Guillaume Soro, Premier ministre du président reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara, sinon "on viendra, hélas, le chercher là où il est".

"S'il démissionne, c'est bien, sinon il sera traduit devant la justice internationale", a-t-il déclaré. "On est aux portes d'Abidjan".

Alors que l'heure de l'ultimatum était dépassée, sans nouvelles du camp Gbagbo, les forces des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) ont pris le contrôle de l'aéroport d'Abidjan, a indiqué un responsable de l'ONU.

Le commandant en chef de l'aéroport d'Abidjan, à la tête d'une centaine de soldats, a remis le contrôle de l'aéroport aux forces de l'Onuci pacifiquement, a ajouté ce responsable.

Côte d'Ivoire : Abidjan «encerclé», le régime Gbagbo vacille

Un couvre-feu a aussi été instauré à Abidjan, à partir de jeudi et jusqu'à dimanche, de 21H00 à 06H00 (locales et GMT), a indiqué à l'AFP Anne Ouloto, porte-parole du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara.

"Un couvre-feu a été instauré à compter d'aujourd'hui (jeudi) jusqu'à dimanche, de 21H00 à 06H00. Les miliciens de (Laurent) Gbagbo (le président sortant) pillent et terrorisent la population. Il faut donc remettre les choses en place, il faut mettre fin à ce désordre", a-t-elle ajouté.

Selon une source diplomatique occidentale, "l'avancée des forces de Ouattara a été étonnamment rapide" et il "reste à savoir si (...) le camp Gbagbo comprend que le jeu est fini ou s'il préfère jouer Fort Alamo".

"Nous savons que l'entourage de Gbagbo est pour une renonciation" mais "sa femme semble s'y opposer", a ajouté cette source, jugeant que "les sanctions (contre Gbagbo) ont fait leur effet. Il n'a payé personne en fin de mois".

De son côté, Alassane Ouattara a promis que l'"intégrité physique" de Laurent Gbagbo serait préservée s'il se rendait, selon Ally Coulibaly, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France nommé par M. Ouattara.

Abidjan, hérissée de barrages de jeunes pro-Gbagbo, était sous haute tension, et la plupart des habitants préféraient rester chez eux dans la crainte d'une bataille finale dans cette métropole d'au moins quatre millions d'habitants.

Le chef de l'ONU en Côte d'Ivoire, Choi Young-jin, a annoncé que le blocus de l'hôtel du Golf à Abidjan - qui servait de base à Alassane Ouattara depuis l'élection présidentielle du 28 novembre - a été levé jeudi.

"Les 50.000 policiers et gendarmes armés ont tous quitté Gbagbo. Il n'y a que les forces spéciales de la Garde républicaine et les Cecos (commandos de forces spéciales)" qui restent, a-t-il déclaré sur France-Info, précisant que les forces encore fidèles à Gbagbo sont positionnées au "palais présidentiel" et la "résidence" de ce dernier.

AFP/Archives

Laurent Gbagbo le 17 décembre 2010 au palais présidentiel à Abidjian

Au quatrième jour d'une offensive éclair, alors que son rival gardait le silence, les troupes de M. Ouattara présentes dans la moitié nord depuis 2002 avaient pris le contrôle de la grande majorité du pays, sans rencontrer de résistance majeure sauf dans quelques villes de l'ouest, région natale de M. Gbagbo.

Depuis le début de la crise post-électorale fin novembre, qui a fait près de 500 morts selon le dernier bilan de l'ONU, M. Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, a résisté aux sanctions internationales, tant politiques qu'économiques, avant que son régime ne vacille sous l'effet de la pression militaire et d'une défection de poids.

Le chef d'état-major de l'armée, le général Philippe Mangou, s'est réfugié mercredi soir à la résidence officielle de l'ambassadeur sud-africain à Abidjan.

D'autres généraux se sont ralliés à Alassane Ouattara, a affirmé sur la télévision France 24 son Premier ministre Guillaume Soro, exigeant que Laurent Gbagbo "parte maintenant" car Abidjan est "encerclé".

Jeudi, dans une solennelle adresse à la Nation diffusée sur sa radio et sa télévision, M. Ouattara a appelé les militaires encore fidèles au chef d'Etat sortant à rallier ses forces.

"Il est encore temps de rallier vos frères d'armes des Forces républicaines. Le pays vous appelle", leur a-t-il lancé.

Depuis le début de l'avancée lundi, les troupes de M. Gbagbo, sauf exceptions locales, ont officiellement opéré vers Abidjan un "repli" tactique, mais qui avait tout l'air d'une déroute.

AFP/Archives

Le chef d'état-major de l'armée ivoirienne Philippe Mangou à Yammasoukro le 17 février 2010

Au fil des jours, les principales villes du pays sont tombées aux mains des combattants pro-Ouattara, souvent à bord de pick-ups surmontés de mitrailleuses: la capitale politique Yamoussoukro (centre) mercredi, et jeudi le premier port d'exportation de cacao au monde, San Pedro (sud-ouest).

Des tirs à l'arme lourde ont été entendus à la mi-journée à Abidjan près d'un important camp de la gendarmerie fidèle au président sortant. Et des rafales d'arme automatique étaient signalées par intermittences, notamment dans le quartier du Plateau, qui abrite le palais présidentiel.

Des soldats de la force française Licorne (900 hommes) sont intervenus à la suite de pillages dans un quartier sud de la ville où habitent des ressortissants européens, notamment français, et qui abrite de nombreux commerces.

Amnesty International a mis en garde jeudi contre un risque de "violations massives des droits de l'Homme" au moment où les forces d'Alassane Ouattara entreraient à Abidjan, "au bord du chaos".

Les Etats-Unis ont réclamé aux deux camps opposés de faire de la protection des civils "leur principale priorité", Washington annonçant que Gbagbo devra rendre des comptes en cas de violences à Abidjan.

Malgré le vacillement rapide de son régime, le président sortant entretenait le mystère sur ses intentions, livrer bataille ou se retirer.

A la mi-journée, la télévision d'Etat RTI, pilier de son pouvoir, avait assuré qu'il était "dans sa résidence" d'un quartier chic d'Abidjan.

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