09 mars, 2011

Côte d'Ivoire: «Le risque de guerre civile de plus en plus clair»

INTERVIEW - Selon Michel Gally, politologue et spécialiste de la Côte d'Ivoire au Centre d'études sur les conflits, le pays est toujours dans l'impasse politique...

Quatre mois après l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire est toujours dans l’impasse, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara refusant tout deux de céder le pouvoir à l’autre. De plus, aucune médiation n’a permis de faire évoluer la situation dans un sens ou dans l’autre. Pour Michel Gally, politologue et spécialiste de la côte d'Ivoire au Centre d'études sur les conflits, le risque de guerre civile se dessine de plus en plus nettement, comme en témoignent les affrontements qui continuent à Abidjan et à l’intérieur du pays entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara.

Où en est-on de la médiation de l’Union Africaine en Côte d’Ivoire?

Pour le moment, c’est un peu le black-out sur les résolutions qu’ont prises les médiateurs de l’Union Africaine. On ne sait pas vraiment ce qu’ils proposent, circulent seulement des hypothèses plus ou moins farfelues, comme la partition du pays , avec chaque président qui exercerait son pouvoir sur une partie du pays. Mais il y a plusieurs obstacles: le nationalisme ivoirien, et le fait qu’aucun des deux ne souhaite exercer le pouvoir à moitié. Autre scénario, un des deux devient Président et l’autre Premier ministre, mais cela pose la question de savoir quel rôle sera dévolu à l’un et à l’autre. Enfin, l’hypothèse la moins crédible, celle d’un partage du quinquennat, avec le risque de non-passation du pouvoir dans deux ans et demi.

Et quelle serait la meilleure option?

Selon moi, la partition avec un transfert de population est la meilleure solution, plutôt que de voir se multiplier les massacres réciproques et avoir des dizaines de milliers de morts. Car, vu la situation, les perspectives de médiation s’éloignent devant le risque de guerre civile qui se dessine de plus en plus clairement. Pour le moment, on ne connaît pas la meilleure solution, mais on sait que le pire serait une intervention armée de l’extérieur (Onuci, Cédéao, Force Licorne), car cela inciterait les pro-Gbagbo à descendre dans les rues – ce qu’ils n’ont pas fait pour le moment – et rendrait la situation explosive.

D’autant que la situation est toujours très tendue sur place

Oui. La guerre civile est rampante depuis 2002, et les tensions se ravivent aujourd’hui. Ce qui est neuf, et inquiétant, c’est la guérilla urbaine, très sanglante, qui fait rage dans la capitale. Les quartiers pro-Ouattara, comme Abobo ou Anyama, qui n’étaient pas homogènes, dont la population n’était pas uniquement de l’ethnie Dioula (considérée comme les partisans de Ouattara), sont en train de le devenir, ce qui fait peur. De plus, les «déplacés» de ces quartiers font que d’autres sont touchés, comme ceux de Treichville ou Koumassi.

La réunion spéciale de l’Union Africaine de jeudi à Addis-Abeba ne va donc pas permettre de sortir de l’impasse?

Les médiateurs vont peut-être émettre des propositions contraignantes, mais je ne vois pas qui va pouvoir contraindre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara à quoi que ce soit. D’autant plus que Laurent Gbagbo et ses proches craignent que cette réunion soit un piège. Le problème, c’est surtout que, depuis plusieurs années, la communauté internationale s’implique de façon contre-productive en Côte d’Ivoire. Le pays est sous occupation avec une souveraineté limitée, et ce n’est pas avec plus d’interventionnisme, plus de sanctions provenant de l’étranger que le problème se réglera.

Propos recueillis par Bérénice Dubuc

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