26 février, 2011

Scènes de désolation à Tunis, des policiers accusent des "terroristes"

TUNIS (AFP)

AFP

Des milliers de manifestants sont rassemblés le 25 février 2011 à Tunis pour réclamer le départ du gouvernement Gannouchi

Commissariats incendiés, voitures de police brûlées, cafés saccagés, arbres et bancs arrachés: l'avenue Habib Bourguiba à Tunis a ressemblé dans la nuit à un véritable champ de bataille, avec des policiers lancés à la poursuite de "terroristes" accusés de vouloir "semer le chaos".

Vendredi 23h00: une véritable chasse à l'homme est en cours dans le centre de Tunis, où des groupes de manifestants ont provoqué durant plus de cinq heures des forces de l'ordre déployées près du ministère de l'Intérieur, réclamant la "chute du gouvernement" après une manifestation géante devant la Kasbah.

Rafales de tirs de sommation, gaz lacrymogènes, suivis par des tirs d'automatiques, la panique s'empare de la population dans la capitale qui se terre et n'avait pas vu une telle violence après la chute du régime policier du président Ben Ali à la mi-janvier.

Soldats, forces anti-émeutes, policiers en civil cagoulés armés de matraques sillonnent ensuite la ville. Des hélicoptères de l'armée survolent à basse altitude la capitale durant des heures.

Mais rien n'arrête une poignée d'irréductibles déterminés à vouloir pénétrer dans le ministère de l'Intérieur, entouré de barbelés et de chars de l'armée: des véhicules de police dans le parking du ministère de l'Intérieur brûlent.

L'avenue Bourguiba s'enfonce dans d'épaisses colonnes de fumée noire après plusieurs foyers d'incendie allumés par des manifestants. L'air, chargé de gaz lacrymogène et de fumée des incendies, brûle les yeux et est irrespirable.

Des policiers armés et cagoulés s'approchent de journalistes de l'AFP. Leur attitude est presque menaçante pensant qu'il s'agit de manifestants qui ont semé les troubles.

A proximité, deux motos de police brûlent encore. Quelque mètres plus loin, la façade d'un commissariat près de la rue de Yougoslavie, est noire de suie. Les dalles de marbre à l'entrée sont arrachées et les fenêtres brisées.

"Ils (manifestants) étaient nombreux, environ 200 ou plus, à vouloir s'introduire dans le bâtiment, ils ont mis tout d'abord le feu à deux voitures de police garées près du poste. J'avais peur pour ma vie surtout quand ils ont essayé de m'attraper après avoir menacé de me brûler vif", raconte un policier, Saleh, 30 ans, encore sous le choc.

"+Allah Akbar, Allah Akbar+, c'est votre jour, nous allons vous tuer bande d'abrutis" nous lançaient ces manifestants alors que "nous étions retranchés dans le bâtiment en attendant des secours", dit-il.

Ces "terroristes" ont "mené une action coordonnée", selon un autre policier, "ils nous disaient: +Vous avez été augmentés, vous les soldats de Ben Ali mais vous saurez toujours des minables+".

Deux carcasses de voitures de police et deux motos fument encore à proximité.

"J'ai vraiment cru que c'était mon dernier jour, il y avait tellement de haine dans leur regards et leur paroles", ajoute un autre policier, matraque en main.

Plus loin encore, alors que résonnent encore des détonations, un Monoprix situé près de l'ambassade de France, saccagé, finit de se consumer.

Les forces de l'ordre arrêtent des manifestants à tout va, procédant à des passages à tabac musclés, certains n'hésitant pas à frapper au sol un homme interpellé et hurlant de terreur.

Puis soudain, elles arrêtent un tramway pour en sortir de force des hommes de l'intérieur. Les coups pleuvent. Les hommes arrêtés sont engouffrés dans des fourgons de police.

Alors que le centre de Tunis n'est plus que désolation, des cris résonnent. Un jeune vient d'être arrêté par plusieurs policiers. L'un d'eux le frappe violemment derrière la nuque avant de le laisser partir.

Le jeune traverse la rue en courant avant de s'agenouiller rapidement comme pour demander pardon avant de disparaître. Tunis s'enfonce dans une nuit secouée par des détonations.

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