21 février, 2011

L'insertion par la gastronomie, une chance pour quelques femmes

Halima, 40 ans, travaille dans les cuisines du restaurant 3 étoiles "Le Jules Verne" à la Tour Eiffel, le 18 février 2011 à Paris
AFP/Martin Bureau

Par Ludovic Luppino

SARCELLES

Elles n'étaient pas prédestinées à travailler dans la gastronomie, mais depuis le mois de septembre Linda et Halima suivent une formation en alternance dans des restaurants du chef Alain Ducasse, comme treize autres femmes de Sarcelles (Val-d'Oise) sans qualification.

Trois jours par semaine, Linda, 34 ans, quitte le quartier des Vignes blanches et prend le RER D pour se rendre au Plaza Athénée, l'hôtel de luxe de l'avenue Montaigne à Paris (VIIIe). Halima, 40 ans, rejoint la capitale et emprunte un ascenseur panoramique de la Tour Eiffel pour retrouver ses collègues au sommet, dans le restaurant le Jules-Verne.

"Je ne m'imaginais pas un jour être là. Pour moi, la cuisine française, c'était un autre monde. Je voulais juste obtenir un emploi pour ramener de l'argent à la maison à la fin du mois", explique la quadragénaire, en peaufinant des amuse-bouches dans une cuisine en pleine effervescence.

Installée en France depuis onze ans, cette petite brune, mère de quatre enfants et originaire d'Oran (Algérie), avait été secrétaire, assistante maternelle et avait nettoyé des avions à l'aéroport de Roissy avant d'être retenue pour l'opération "Quinze femmes en avenir". Elle était au chômage au moment de se présenter à la sélection, qui avait attiré 85 candidates en juin.

Toutes deux ont appris l'existence de ce projet par le biais du bouche à oreille. C'est une connaissance qui en a parlé un soir à Halima alors qu'elle récupérait son plus jeune fils à la halte-garderie. Linda, elle, l'a su par une responsable d'association. "A l'époque, je ne savais pas qui était Alain Ducasse", se souvient la Sarcelloise aux yeux clairs et au visage poupin.

Seule femme de sa promotion à avoir déjà exercé dans ce domaine - intérimaire, elle s'occupait des repas du personnel d'Air France - Linda voulait découvrir l'univers de la haute gastronomie. Au Plaza Athénée, elle est servie. "Ici, cela n'a rien à voir avec la cuisine collective. Et ce n'est pas facile d'y faire sa place", souligne la Valdoisienne d'origine kabyle.

Linda, 34 ans, travaille dans les cuisines du restaurant 3 étoiles du palace Plaza Athénée, le 18 février 2011 à Paris
AFP/Martin Bureau

Un peu "perdue" au début, elle a progressivement trouvé ses marques dans un univers essentiellement masculin. "Comme j'adore les plats sucrés, je prépare chaque jour un goûter pour l'équipe. Certains commis m'appellent maman", confie-t-elle, un brin amusée.

Hormis des desserts, Linda et Halima doivent être capables de réaliser coq au vin, entrecôte sautée bercy, poularde pochée sauce suprême et d'autres mets salés afin de réussir l'examen du CAP cuisine en mai. "On goûte les plats avec elle et on lui dit ce qui va ou ne va pas. Linda fait à manger comme une mère de famille, avec sincérité et amour. L'objectif n'est pas de la transformer en chef mais de lui apporter professionnalisme, rigueur et organisation", explique Christophe Saintagne, chef au Plaza.

"Halima est quelqu'un de volontaire, ponctuel et ne rechigne pas à la tâche. Mais elle doit maintenant prendre des initiatives. Elle reste encore un peu trop discrète", affirme Benoît Ducauze, sous-chef au Jules-Verne.

Dans une profession aux horaires amples, les deux commis de cuisine bénéficient d'un emploi du temps adapté à leur vie de famille. "Ce sera sans doute un handicap à terme. Le fait d'avoir des enfants les rend moins disponibles pour ce métier qu'un jeune", estime Patrick Margery, leur enseignant à l'institut des métiers et de l'artisanat (IMA) de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), où elles suivent des cours théoriques et pratiques.

Leur rêve? Ouvrir leur propre restaurant. A Sarcelles pour Linda et dans le sud de la France pour Halima. Avant, elles continueront peut-être chez Alain Ducasse. Le chef étoilé a promis de les embaucher si elles décrochent leur diplôme.

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