09 janvier, 2011

Pakistan: 50.000 manifestants contre la révision de la loi sur le blasphème

KARACHI (AFP)

AFP

Des chrétiens pakistanais rendent hommage le 9 janvier 2011 à Salman Taseer, le gouverneur de la province du Pendjab

Plus de 50.000 personnes ont manifesté dimanche selon la police à Karachi, dans le sud du Pakistan, contre toute révision de la loi prévoyant la peine de mort en cas de blasphème contre l'islam et en soutien à un policier ayant tué un gouverneur qui souhaitait qu'elle soit amendée.

Mardi à Islamabad, un policier d'élite qui assurait sa protection avait criblé de 29 balles de fusil d'assaut Salman Taseer, gouverneur de la province du Pendjab, la plus riche et la plus peuplée du pays. C'était une personnalité libérale, membre du Parti du peuple Pakistanais (PPP) au pouvoir.

Le policier l'a tué au cri d'"Allah est grand !" parce que le gouverneur soutenait une modification de cette loi contestée par une frange minoritaire de la société civile après la condamnation à mort en novembre d'une chrétienne accusée par des femmes musulmanes de son village d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet.

La manifestation de Karachi, capitale économique du Pakistan peuplée d'environ 18 millions d'habitants, était organisée par des partis islamistes et s'est terminée sans incidents à la tombée de la nuit. Elle a réuni plus de 50.000 personnes, selon Mohammad Ashfaq, un haut responsable de la police locale.

Le gouvernement a de son côté réaffirmé qu'il ne comptait nullement modifier la loi sur le blasphème. "J'ai déjà été clair là-dessus et notre ministre pour les Affaires religieuses a aussi déclaré que nous n'avions aucune intention d'amender cette loi", a déclaré le Premier ministre Yousuf Raza Gilani dimanche à la presse à Islamabad.

Selon un correspondant de l'AFP, nombre de manifestants arboraient la photo de Malik Mumtaz Hussain Qadri, le meurtrier présumé arrêté et qui jouit d'un soutien croissant dans toutes les couches de la société et dans certains médias. Son cas déclenche chaque jour des manifestations de soutien.

"Mumtaz Qadri n'est pas un meurtrier, c'est un héros !", scandaient les manifestants, dont certains appelaient au jihad, la "guerre sainte".

"Nous n'acceptons aucun compromis sur la loi sur le blasphème. C'est une loi divine et personne ne peut la changer", a déclaré devant la foule Qari Ahsaan, responsable du groupe islamiste interdit Jamaat ud Dawa.

Il s'agissait d'une des plus importantes manifestations organisées par des partis fondamentalistes ces dernières années.

L'ancienne ministre de l'Information, Sherry Rehman, qui avait présenté en novembre un projet de loi pour mettre fin à la peine de mort en cas de blasphème, a déclaré dimanche à l'AFP qu'elle ne se laisserait pas intimider par les islamistes. "Ils ne peuvent pas me faire taire... Ils ne peuvent pas décider de ce que nous pensons ou disons, ces lois sont faites par l'homme" et non par Dieu, a-t-elle souligné.

Seuls 3% environ des 167 millions d'habitants de la République islamique du Pakistan ne sont pas musulmans, selon des estimations.

Le pays est le théâtre d'une montée en puissance des partis religieux et d'une campagne extrêmement sanglante d'attentats perpétrés essentiellement par des kamikazes issus des talibans alliés à Al-Qaïda, qui a fait plus de 4.000 morts en trois ans et demi.

Les talibans, à l'unisson d'Oussama ben Laden en personne, avaient décrété à l'été 2007 le jihad contre le gouvernement d'Islamabad pour son soutien à la "guerre contre le terrorisme" faite par Washington depuis fin 2001.

Salman Taseer avait publiquement soutenu Asia Bibi, la mère de famille chrétienne condamnée à mort, dont le sort dépend maintenant d'un appel auprès d'une cour de Lahore (est), et lui avait rendu visite en prison.

Aucune peine capitale pour blasphème n'a été exécutée ces dernières décennies au Pakistan, les cours d'appel les commuant en peines de prison ou annulant les jugements.

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