18 janvier, 2011

Blocage des activités au port d’Abidjan - L’hinterland évite la Côte d’Ivoire

Les pays de l’hinterland abandonnent le débouché maritime ivoirien à cause du blocage politique à Abidjan. Ainsi, le transit de marchandises à destination et en provenance du Mali, du Burkina Faso et du Niger a pris un sacré coup. Ce qui dope les chiffres des corridors de Lomé, de Cotonou, de Tema et même de Dakar.


L’après-élection devait rétablir la compétitivité du port d’Abidjan. Malheureusement, il est en train de l’enfoncer dans l’abîme. Selon certaines statistiques, les opérations à destination et en provenance du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont littéralement chuté de 25%. L’année dernière, elles avaient plutôt enregistré une embellie dans l’ordre de 22 %. Le bétail, les terminaux pétroliers et, par intermittences, le terminal à conteneurs souffrent d’un étiage sans précédent. En cause, les perturbations de l’activité économique liées au volcan politique entretenu par le candidat malheureux, Laurent Gbagbo. En effet, si certains bateaux sont en errance en mer, d’autres armements ont décidé, purement et simplement, de contourner le corridor ivoirien. «Nous avions déjà décidé de faire passer les deux tiers de nos flux par d’autres ports. Aujourd’hui, c’est la totalité, regrette, un des leaders français des fruits et légumes frais». Une expérience qui risque à la longue de coûter cher à la plate-forme abidjanaise d’autant que chez les concurrents, les tarifs de fret sont plus compétitifs. 20% moins élevés à Tema qu’à Abidjan.

Gbagbo, la source du mal
Par ailleurs, le coût de déchargement des conteneurs y est 10% moins onéreux. Abidjan a perdu, en quelques mois, le niveau de son trafic vers l’hinterland. Avant la crise, plus de 75 % du trafic de transit avec ces pays s’effectuait par le seul port d’Abidjan. Soit environ 10 millions de tonnes de marchandises. Le solde était partagé entre Cotonou (19 %), Lomé (17 %), Dakar (11 %) et Tema (1 %). Si la prédominance du port d’Abidjan tenait à sa position géographique vis-à-vis du Mali et du Burkina Faso, elle était également liée à la qualité relative des liaisons routières et à l’existence du chemin de fer reliant Ouaga à la capitale économique ivoirienne. Mais en raison de la résurgence de l’instabilité politique, les flux commerciaux avec ces pays enclavés ont progressivement décalé vers Tema, Lomé voire Dakar. D’ailleurs, des milliers de tonnes de marchandises sont en ce moment en souffrance au port d’Abidjan. Sur les fibres, les opérations avec le Burkina Faso ont été divisées par trois. De tradition, ce pays faisait passer 80 % de son coton par le port d’Abidjan. Mais aujourd’hui, la situation s’est inversée. La crise stupide créée par Gbagbo a finalement montré en accéléré la capacité des acteurs de la région à adapter l’activité de transit aux circonstances et aux opportunités. On peut craindre que les grands flux de transport connaissent à l’avenir des mouvements de balancier. Non seulement pour contourner les foyers d’instabilité politique, mais aussi pour exploiter les ports les plus compétitifs et rouler sur les routes les plus rapides et les moins coûteuses. «Beaucoup de nos clients sont excédés et ne veulent plus passer par Abidjan. Ils ont décidé de ne pas y revenir», se désole la présidente de Technotrans, Marie-Louise Artie qui s’inquiète pour l’avenir de sa société. Certains armateurs ont dérouté des lignes. D’autres ont carrément arrêté leurs lignes qui acheminaient parfois 80 conteneurs par semaine. «C’est un vrai problème, explique Raymond Vilde, gestionnaire de navires. L’essentiel de ce qu‘on achète pour la vie courante, vient de Chine mais la moitié ne transite déjà plus par nos ports». Cette situation témoigne de la perte de compétitivité de l’ensemble des ports ivoiriens face à leurs concurrents. « En 2010, Tema a certes doublé de taille, mais Dakar a été multiplié par quatre», détaille-t-il. «La porte océane de l’Afrique », le slogan du Port de Dakar n’a jamais autant collé à la réalité qu’en ce moment. Déjà sur une pente ascendante depuis plusieurs années, notamment sur les trafics conteneurisés, la place portuaire sénégalaise semble capter depuis ces derniers mois une part significative des opérations jusqu’alors réalisées sur Abidjan. «Ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire est dramatique et dommageable pour toute la sous-région», déclare Bara Sady, le directeur général. Il est encore difficile, pour l’instant, de quantifier précisément cette hausse constatée des trafics, qui concerne les entrées de marchandises comme les sorties. La direction affiche une augmentation de près de 20 % des tonnages de marchandises qui passent par le port depuis le début de l’année. Cette hausse est rendue possible grâce à la mise en place, depuis septembre dernier, d’une politique tarifaire incitative pour les armateurs. La communauté portuaire de Dakar, dans son ensemble, reconnaît clairement que la crise ivoirienne a dopé les importations de marchandises conteneurisées, notamment en matière de transbordement et de transit, là où la concurrence est la plus vive entre les places de la sous-région. Les autorités portuaires tablent sur une augmentation comprise entre 6 et 10 % en 2011, contre 3 % en moyenne les années précédentes. Le transbordement de conteneurs (une partie des marchandises est destinée à partir vers d’autres régions ou pays, l’autre partie reste sur place) a ainsi repris à la hausse après plusieurs mois de stagnation, les grands armements ayant donné pour consigne à leurs navires de se détourner d’Abidjan pour aller décharger leurs boîtes à Dakar.

Dakar-Tema, les grands bénéficiaires
Mais, c’est le transit de marchandises destinées au Mali qui enregistre la fluctuation la plus importante en comparaison avec le transbordement, avec une hausse de près de 40 % sur les trois derniers mois de l’année dernière. D’après les chiffres fournis par les Entrepôts du Mali au Sénégal (Emase), les importations de marchandises conteneurisées ont été multipliées par trois depuis octobre 2010, pour atteindre une moyenne mensuelle de 1.500 boîtes.
Ces conteneurs sont essentiellement destinés aux régions frontalières de Kayes et de Kita au Mali et renferment des produits pharmaceutiques, ainsi que diverses importations alimentaires comme le riz, le sucre, le lait ou encore le blé. Dans l’autre sens, les exportations de coton malien ont également été relancées à la suite de la perturbation de l’axe ivoirien. Le port de Dakar s’attend à réceptionner près de 70.000 tonnes cette année, contre moins de la moitié en 2010. Comme Tema, Lomé ou encore Cotonou, le port de Dakar tire son épingle du jeu régional en récoltant sa part du transit malien traditionnellement traité aux deux tiers par Abidjan. Le PAD aurait même pu profiter davantage de la situation s’il n’était confronté aux problèmes récurrents que constituent le manque d’aires de stockage disponibles et la lenteur de l’évacuation des marchandises sur Bamako. Depuis plusieurs années, les importations nigériennes par le port d’Abidjan tournent autour de 1.500 tonnes par an. Si l’on peut espérer que le Burkina Faso et le Mali ont pour port naturel les ports ivoiriens et qu’ils peuvent revenir, le Niger, quant à lui, demeure une nouvelle conquête pour tous. Ce marché représente environ 2 millions de tonnes de marchandises à l’import comme à l’export par an. Elles sont constituées pour l’essentiel d’importations de produits de consommation et d’exportations de produits agricoles (coton principalement).
Nord-Sud

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