31 décembre, 2010

«Les voeux politiques sont souvent des discours artificiels et convenus»

INTERVIEW - Mariette Darrigrand, sémiologue spécialisée dans la parole politique, auteur de «Ces mots qui nous gouvernent»...

Comme chaque 31 décembre, le chef de l’Etat va s’adresser aux Français. De nombreux responsables politiques de gauche et de droite ont déjà pris les devants et diffusé leurs propres vœux, sur Internet. Pourtant, selon la sémiologue Mariette Darrigrand, ces discours sont souvent «artificiels» et «pas impliquants».

Comment caractériser ce type de discours politique que sont les vœux de fin d’année?
Ce sont en général des discours très convenus. Le réveillon du 1er janvier est un moment de réconciliation, de concorde, où tout le monde est d’accord : personne n’est contre la nouvelle année. Dans le discours, il en ressort quelque chose de rituel, de superstitieux et de presque religieux: c’est un des seuls moments où les responsables s’adaptent à un calendrier qui n’est pas politique mais universel.

A qui s’adressent les vœux?
La difficulté, c’est justement que les politiques parlent «aux Français». Mais «les Français» n’existent pas en tant que tels, ils sont répartis en groupes: il y a par exemple les retraités qui vivent confortablement, les jeunes diplômés qui ne trouvent pas de travail, les immigrés… Les politiques s’adressent à une image platonicienne, qui relève de l’imaginaire. Aujourd’hui, la nation est plus que jamais une mosaïque et les vœux sont un discours pas du tout impliquant: ils interpellent, au mieux, seulement quelques-uns de ces groupes.

Le contenu du discours est donc voué à être inefficace?
Un discours doit être très ciblé, ce qui est difficile pour le Président, qui veut parler à tous les Français. Pour prononcer un discours efficace, Nicolas Sarkozy devrait, par exemple, s’adresser spécifiquement à des membres de la majorité qui s’éloignent de lui. Les vœux ne sont pas un temps d’annonces; il y a un mélange entre la parole rituelle et la parole politique. Le discours qui en résulte est généralement artificiel, contrairement par exemple au 14-juillet où le Président s’adresse aussi aux Français mais où la parole politique domine.

Propos recueillis par Enora Ollivier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire