29 décembre, 2010

La course au "chèque-bébé"

Le Point.fr Dès le 1er janvier, les familles espagnoles ne recevront plus une aide de 2.500 euros par naissance. Au seuil de l'année, les femmes se bousculent dans les cliniques.

La course au "chèque-bébé"

Dans les cliniques privées, des professionnels de la santé attirent l'attention sur la hâte d'accoucher de nombreuses femmes enceintes, dont la grossesse dépasse les huit mois et demi © Beth Nakamura/Landov/Maxppp

De notre correspondant à Madrid, François Musseau

Pour de nombreuses femmes, un sprint est engagé dans les cliniques espagnoles : mettre au monde un enfant avant le 31 décembre, à minuit. Coûte que coûte. Le cas échéant, chaque mère reçoit un chèque de 2.500 euros, connu sous le nom de "chèque-bébé". Cette mesure aux prétentions natalistes, en vigueur depuis trois ans, sera supprimée à compter de la nouvelle année. La fin d'une aubaine dans un pays plongé dans une crise profonde, où le chômage touche 20 % des actifs (4,5 millions) et où les demandeurs d'emploi en fin de droit atteignent le demi-million.

Dans les cliniques privées, en particulier, des professionnels de la santé attirent l'attention sur la hâte d'accoucher de nombreuses femmes enceintes, dont la grossesse dépasse les huit mois et demi. "Des dizaines invoquent des ennuis de santé, des complications internes, et nous demandent des accouchements provoqués", explique un médecin d'un grand hôpital valencien. D'autres cliniques confirment que jamais elles n'avaient reçu autant de demandes pour des "césariennes programmées" à la veille d'un réveillon. Voyant l'afflux de demandes d'accouchements anticipés, certaines institutions ont eu recours à davantage de personnel sanitaire que d'habitude. Une infirmière, à Séville, confirme : "Ce genre d'anticipation nous est généralement demandé avant des périodes de vacances, comme la semaine sainte. Mais, ce mois-ci, c'est une avalanche jamais vue."

Victimes de la crise

D'après les témoignages, certes, rares sont les femmes disposées à mettre leur santé en danger pour toucher le chèque-bébé. Mais nombreuses sont celles qui, si les dates le permettent, tentent d'avancer l'accouchement. Pourquoi ne pas avoir davantage anticipé l'événement, pourrait-on objecter, évitant, ainsi, tant d'affolement ? La réponse tient à l'optimisme impénitent de José Luis Zapatero, qui, il y a un peu moins d'un an, affirmait sans sourciller : "Il n'existe pas la possibilité, la plus minime soit-elle, de renoncer au chèque-bébé." Une telle annonce n'a pas dû beaucoup stimuler les naissances en 2010 !

Adopté en 2007, en pleine prospérité économique, ce "chèque-bébé" aura suscité des réactions contrastées. Ces jours-ci, de nombreuses voix s'élèvent pour fustiger sa suppression. À l'instar de la Fédération des familles nombreuses, pour qui la famille est la première victime de la crise économique. Mais, jusqu'alors, ces 2.500 euros (versés pour chaque naissance ou chaque adoption) avaient été critiqués par l'immense majorité. Les conservateurs avaient taxé le "chèque-bébé" de "mesure électoraliste", car il est entré en vigueur quatre mois avant les législatives générales de mars 2008 ; l'Église critiquait le fait que des mères célibataires, ou des hommes seuls désirant adopter, pouvaient en bénéficier ; les milieux de gauche, eux, trouvaient injuste que familles modestes ou aisées touchent la même somme. Quant aux spécialistes, ils assuraient qu'il n'a eu aucun impact sur la natalité. Le paradoxe est que, au moment même où le chèque-bébé s'apprête à disparaître, beaucoup voudraient bien qu'on ne l'enterrât point !

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