17 décembre, 2010

Du pain contre le paludisme

De l'amidon comme vaccin antipalu. Une nouvelle piste pour éliminer l'un des principaux fléaux de la planète.Du pain contre le paludisme

Avec plus de neuf cent mille victimes de la maladie chaque année, dont un enfant toutes les 30 secondes ; l'éradication du paludisme est une priorité qui a été inscrite parmi les objectifs du Millénaire pour le développement © L. Estrada / Maxppp

Frédéric Lewino

"Germaine, jette la nivaquine et la moustiquaire à la poubelle. Passe-moi plutôt le pain !" Demain, au lieu de se bourrer de cachets pour éviter d'attraper la malaria, il suffira peut-être d'avaler un peu d'amidon. Effectivement, deux équipes lilloises de l'Inserm et du CNRS ont réussi à vacciner des souris en leur faisant manger de l'amidon modifié. C'est un premier pas vers une nouvelle technique de vaccination extrêmement prometteuse, car très simple à mettre en oeuvre dans les pays du tiers-monde et sans risque sanitaire (pas de seringue avec un risque de contamination par le sida).

Pour mettre au point ce procédé très original, les chercheurs français ont commencé par sélectionner un antigène ayant déjà démontré son efficacité lors de vaccinations chez la souris. Rappelons que l'antigène est une molécule (généralement une protéine) qui, injectée chez la victime potentielle, déclenche l'immunité de cette dernière. Bref, nos braves chercheurs ont modifié le génome d'une algue verte (Chlamydomonas reinhardtii) pour lui faire produire artificiellement l'antigène en question, mais enrobé dans les grains d'amidon produit normalement par la plante. Un cocon formidable !

Dans l'amidon, tout est bon

"Dans l'amidon, explique Stanislas Tomavo (Inserm/Institut Pasteur), l'antigène est totalement protégé contre les agressions extérieures. Plus besoin de stockage au froid comme dans un vaccin ordinaire." À l'étape suivante, l'amidon est mélangé à la nourriture habituelle des souris blanches qui, pas très futées, n'y ont vu que du feu. Miam, miam ! Mais avant de les convier à ce festin, les chercheurs s'étaient bien gardés de leur expliquer qu'on leur inoculerait aussitôt après le paludisme. Heureusement, très peu de souris ont développé la maladie. Tomavo et son équipe ont pu sabler le champagne, le procédé fonctionnait !

Explication : dans l'estomac des souris, les molécules d'amidon se déroulent sous l'attaque des sucs digestifs et libèrent ainsi les antigènes. Certains d'entre eux, effrayés par le milieu hostile, se réfugient aussitôt dans les cellules de l'intestin toutes proches. Ils s'y croient à l'abri, mais très bientôt, les voilà attaqués par des anticorps qui les exterminent. Ces anticorps sont désormais prêts à répondre à toute nouvelle agression, y compris du véritable parasite. C'est le principe de la vaccination.

Reste à expérimenter sur l'homme

Mais ce qui est bon pour la souris ne l'est pas forcément pour l'homme. En premier lieu, il faudrait déjà disposer d'un vaccin humain parfaitement efficace contre le paludisme. Ce qui n'est pas encore le cas. "L'idéal, explique Stanislas Tomavo, ce serait d'utiliser comme antigène une protéine du parasite qui lui sert à pénétrer dans les globules rouges. Il reste à l'identifier."

Une fois le vaccin sélectionné, il faudra choisir la meilleure plante pour l'intégrer dans l'amidon. L'algue Chlamydomonas n'est pas forcément la meilleure candidate. Tomavo cite la spiruline, le maïs, la pomme de terre ou encore la pomme fruit. "Il faudra, évidemment, sélectionner un amidon ne nécessitant pas une cuisson trop forte afin de ne pas dénaturer l'antigène." Cet amidon-vaccin mis au point, la meilleure façon de l'administrer serait de l'incorporer quotidiennement dans la nourriture des enfants du tiers-monde jusqu'à l'âge de trois ans, au moins. "Mais encore faudra-t-il vérifier que cette absorption continuelle d'amidon ne déclenche pas d'effets pervers", poursuit le chercheur. Cette méthode vaccinale concerne le paludisme, mais ses concepteurs envisagent déjà de l'utiliser pour lutter contre d'autres agresseurs microbiens, notamment stomacaux et intestinaux. "Germaine, repasse-moi un morceau de pain, je crois que je couve la grippe !"lepoint.fr

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