10 décembre, 2010

Capitaine Isidore Thomas Sankara, père de la Révolution Espoir de tout un peuple et tragédie d’un président à 34 ans

Militaire hors pair et grand tribun, celui qui va se révéler à ses compatriotes en tant que leur chef de l’Etat, le 4 août 1983, s’illustre aussi bien dans le métier des armes que dans l’art de la politique. Homme singulier, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara a incarné la Révolution burkinabè par ses quatre ans de pouvoir très mouvementés. Son tragique destin, le jeudi 15 octobre 1987, l’ancien commandant du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô, le secrétaire d’Etat à l’Information, le Premier ministre, le président du Conseil national de la Révolution (CNR) refuse d’être oublié.

La seule évocation de son nom pendant les grandes conférences du cinquantenaire à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou ne laisse pas indifférent. « Après la déclaration de Jean-Baptiste Ouédraogo, il eût un court temps de silence. Puis apparaît un jeune capitaine à l’écran qui annonce : une page vient de se tourner, une autre s’ouvre. Thomas Sankara accède au pouvoir et proclame la Révolution du 4-Août ». Voilà comment le conférencier, Basile Laetare Guissou, Délégué général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) rappelle l’arrivée à présidence du Faso à 34 ans de cet officier de l’armée qui va bouleverser l’histoire socioéconomique et politique de son pays.

Haute-Volta devient Burkina Faso le 4 août 1984 et l’hymne national « Fière Volta » change pour devenir « Ditanyè » (le chant de la victoire en langue nationale lobiri). Rien que ces deux faits majeurs donnent une idée de la transformation profonde à venir. « Il a donné à ce pays, la Révolution », retient de lui son successeur Blaise Compaoré dans un numéro d’octobre 2007 de « Jeune Afrique ». En quatre ans, son nom et celui de son pays ont fait le tour du monde. Son souvenir reste toujours vivace.

Co-auteur de la Révolution burkinabè, Thomas Sankara est né à Yako le 21 décembre 1949, d’un père ancien combattant et prisonnier de guerre de la Seconde guerre mondiale dans l’armée coloniale, gendarme dans l’armée voltaïque. Il entame ses études primaires dans sa ville natale puis à Gaoua, entre en sixième au Lycée Ouezzin-Coulibaly de Bobo-Dioulasso, obtient le BEPC au Lycée Philippe-Zinda-Kaboré de Ouagadougou et le baccalauréat au Prytanée militaire du Kadiogo (PKM) de Ouagadougou. En 1976, il est commandant du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô. La même année, il se lie d’amitié avec Blaise Compaoré, Henri Zongo, Boukary Kaboré et Jean-Baptiste Lingani.

Ensemble, ils fondent le Regroupement des officiers communistes (ROC), un groupe de cadres de l’armée qui se réclame du marxisme. Lors d’une formation d’officiers à l’Académie militaire d’Antsirabé, à Madagascar, il assiste là-bas à la révolution qui renverse le régime de l’époque. D’aucuns estiment que c’est cette révolution qui est à l’origine de ses idées relatives à la "Révolution démocratique et populaire". De retour en Haute-Volta en 1981, il est d’abord secrétaire d’Etat à l’Information sous le régime de Saye Zerbo, d’où il démissionnera le 21 avril 1982, déclarant notamment : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! ».

Le 7 novembre 1982, un nouveau coup d’Etat portait au pouvoir le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo sous lequel il devient Premier ministre en janvier 1983. En mission en New-Dehli, il rencontre Fidel Castro et Samora Machel, respectivement président de Cuba et de Mozambique, tous deux dirigeants de régimes révolutionnaires. Cette même année, il est limogé et mis aux arrêts le 17 mai. Son ami Blaise Compaoré le libère et il devient président, le 4 août 1983. Commencent ici ses œuvres pour redonner au Burkina Faso une dignité, une autonomie et une indépendance économique avec le slogan "Consommons burkinabè".

Dans ses interventions, il dénonce le colonialisme et le néo-colonialisme, notamment de la France. A l’ONU, il défend le droit des peuples à pouvoir manger à leur faim, boire à leur soif et à être éduqués. A la tribune de l’OUA, il denonce le poids de la dette sur le développement des pays africains et demande son annulation. Des combats d’avant-garde devenus si actuels. Il s’érige donc contre la domination historique des grandes puissances sur son pays. Après quatre ans de pouvoir intenses, de profondes dissensions éclatent au sein du Conseil national de la Révolution (CNR), l’organe dirigeant et amènent le quatuor (Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo, Jean Baptiste Lingani) à ne plus parler le même langage.

Depuis le 28 décembre 2005, une avenue de Ouagadougou porte son nom, dans le cadre plus général d’un processus de réhabilitation décrété en 2000. En politique, plusieurs partis politiques « sankaristes » ont vu le jour dans l’optique de consolider l’idéologie de leur « idole ». A l’orée du vingtième anniversaire de son décès, en 2007, diverses initiatives ont été créées aux fins de rassembler les « sankaristes » et leurs sympathisants, notamment par le biais d’un comité national d’organisation. Des manifestations culturelles, tant au Burkina Faso que dans divers pays, ont été organisées.

sidwaya.bf

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