30 décembre, 2010

Boliviens dressés contre l'essence chère, Morales entre fronde et inflation

LA PAZ (AFP)

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Un manifestant porte une pancarte "Le président Evo Morales ennemi des pauvres" à El Alto le 29 décembre 2010.

Le président bolivien Evo Morales, un des leaders de la gauche radicale latino-américaine, affronte son épreuve sociale la plus tendue à ce jour, avec des grèves et manifestations jeudi contre une hausse des carburants, que l'Etat tente d'amortir en dopant les salaires.

Les principales villes du pays andin ont tourné au ralenti, la circulation quasi-paralysée par une grève des transporteurs, qui rejettent le bond des prix à la pompe -entre 73% et 83%- et les répercutent déjà sur les usagers.

Plusieurs manifestations étaient prévues, à l'appel de syndicats ou groupes sociaux, dont une grande marche à La Paz, où le transport en commun était anémique jeudi matin, a constaté l'AFP. Des camions de l'armée assuraient le transport des habitants à leur travail.

Dans l'immense cité-dortoir d'El Alto jouxtant la capitale et site de l'aéroport international, des habitants avaient bloqué des axes dès mercredi soir et tenaient jeudi des barrages de pneus enflammés.

L'accès à la Place Murillo, siège de la présidence, était coupé par un important cordon de forces de l'ordre.

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Le président bolivien Evo Morales à La Paz le 29 décembre 2010

A Cochabamba, principale ville du centre du pays, des poids lourds postés aux carrefours-clefs paralysaient la circulation. Les médias rapportaient un trafic perturbé dans la capitale économique Santa Cruz (est), à Oruro (ouest) et Potosi (sud).

La mobilisation ponctue quatre jours de grogne sociale depuis la suppression dimanche de subventions d'Etat aux carburants.

Elles maintenaient l'essence et le gazole à des prix artificiellement bas, une "saignée" qui alimentait la contrebande vers le Pérou, le Chili ou le Brésil voisins, selon le gouvernement.

Mais les hausses à la pompe ont suscité des peurs paniques de répercussion sur les denrées de base, dans un pays où 60% environ de la population vit dans la pauvreté.

Dans les rues d'El Alto, le mot "trahison" revenait jeudi sur les lèvres envers le socialiste Morales, porté au pouvoir par les délaissés historiques de la Bolivie, pauvres et Indiens, et réélu triomphalement fin 2009.

Pour les Boliviens, le "gasolinazo", comme ils surnomment le décret "criminel" augmentant le prix de l'essence ("gasolina" en espagnol), va surtout frapper les plus pauvres.

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Manifestation à El Alto le 29 décembre 2010

"Habitants, transporteurs, nous sommes tous unis contre le coup bas de ce gouvernement maudit. Tout a augmenté", enrageait Patricia Coyo, une habitante d'El Alto, menaçante: "On l'a fait monter (au pouvoir) mais on peut aussi bien le faire descendre".

"L'Evo antilibéral et antimarché a disparu, l'Evo néolibéral et soumis aux règles du marché est né", a ironisé l'opposant et ancien vice-président Victor Hugo Cardenas.

Morales a annoncé mercredi soir des mesures pour amortir l'impact, dont une hausse de salaires de 20% pour l'armée, la police, la santé, l'éducation. Il a aussi annoncé une "assurance agricole" pour les paysans pauvres, des primes aux fonctionnaires, une intervention sur certains prix comme le maïs, le riz.

Ces annonces n'ont en rien désamorcé la mobilisation, alors que la puissante Centrale ouvrière bolivienne (COB), évoquait une autre journée d'action lundi.

"Le message du président avait un goût de rien", a dénoncé la Confédération des transporteurs.

Par contre, les annonces alimentent la peur d'une inflation galopante. Morales a reconnu que celle-ci, initialement prévue à 5-6% pour 2010, devrait atteindre 7 à 8%, "peut-être un peu plus".

L'organisation patronale du secteur privé CEPBE a supplié le ministre des Finances et l'entourage de Morales de "lui dire la vérité sur la réalité économique du pays (...) Il n'est pas possible de générer de fortes hausses de salaire, parce qu'il n'y a pas de compétitivité".

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