22 septembre, 2010

Niger : "On peut s'attendre à une revendication pour la fin de semaine


Décryptage - Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements islamistes, détaille à TF1 News le circuit habituel de transmission des otages entre le commando et les chefs de la mouvance d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.Mathieu Guidère, professeur de veille stratégique, est l'auteur de plusieurs livres sur les mouvements islamistes, notamment Al-Qaïda à la conquête du Maghreb -Le terrorisme aux portes de l'Europe (Editions du Rocher, 2007).TF1 News : L'enlèvement a eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi derniers. Ce lundi après-midi, il n'y avait toujours aucune demande de rançon, aucune revendication ni aucune preuve de vie des employés d'Areva et Vinci. Doit-on s'inquiéter ?
Mathieu Guidère : A ce stade, non. Si Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est bien à l'origine de l'enlèvement, ce délai est habituel. Le circuit de transmission entre le rapt et la diffusion d'une revendication prend en effet un certain temps.

TF1 News : Quel est ce circuit ?
M.G. : Après le kidnapping, le commando sort très rapidement les otages du secteur. Il les conduit à une seconde équipe, que l'on pourrait qualifier d'"équipe d'acheminement". Cette équipe guide le groupe jusqu'à l'endroit où il doit changer de main. Ce sont en fait des "passeurs". Dans ce cas, au lieu de faire passer des Africains vers l'Europe, ils amènent les Occidentaux à une section spécialisée d'Aqmi. Celle-ci prend alors les choses en main. C'est là que commence la partie terroriste proprement dite.

L'un des chefs d'Aqmi -probablement d'Abou Zeid, le patron de l"émirat du Sud" (qui correspond au Sahara)- se rend auprès des otages. Il les prend en photos, tourne des vidéos, contrôle leurs identités, leur histoire et note toutes les informations nécessaires pour les transmettre à Abdelmalek Droukdal, le chef d'Aqmi. C'est seulement à ce moment que ce dernier enregistre de manière audio le communiqué de revendication, comme ce fut le cas notamment pour Pierre Camatte et Michel Germaneau. Après avoir vérifié que toutes les mesures de sécurité ont été prises, une "équipe médiatique" fait ensuite parvenir le document sonore à une chaîne de télévision, généralement Al-Jazira. Elle le met également en ligne sur des sites djihadistes au cas où il ne soit pas diffusé.
exergue "4 jours pour la remontée d'information, deux jours pour la descente de la revendication"

TF1 News : Combien de temps dure ce circuit ?
M.G. : La remontée de l'information vers la direction d'Aqmi prend 3 à 4 jours. La descente de la revendication s'effectue ensuite entre 24 et 48 heures. Ces délais peuvent bien sûr être allongés pour différentes raisons. On peut donc s'attendre à une revendication d'ici à la fin de la semaine au plus tard.

TF1 News : L'affrontement entre l'armée mauritanienne et Aqmi ce week-end au Mali peut-elle avoir une incidence sur le processus de revendication ?
M.G. : Oui, même s'il n'a pas forcément de liens avec les otages, voire probablement pas du tout. Mais, d'un point de vue médiatique, cette bataille est plus importante pour Aqmi que les otages. Elle passera en priorité devant la revendication dans le processus.
exergue "Logique de confrontation entre Aqmi et la France"

TF1 News : Le commando qui a agi à Arlit est-il un groupe d'Aqmi ou bien est-ce un "sous-traitant" agissant pour le compte de l'organisation ?
M.G. : En l'absence de toute revendication, difficile à dire. Une chose est sûre : même s'il n'a pas agi sur commande mais pour son propre compte en espérant revendre ensuite ses otages, il a forcément des contacts avec Aqmi. Ces locaux connaissent parfaitement le secteur et ont intérêt à s'en débarrasser le plus vite possible s'ils ne réalisent pas un contrat. Généralement, les brigands ne revendiquent d'ailleurs rien. Et si la rébellion touareg (ndlr : qui avait brièvement enlevé des employés d'Areva en 2008) était l'auteur du rapt, un ancien chef repenti aurait déjà probablement dit quelque chose sur la revendication.

TF1 News : La confrontation entre Aqmi et la France s'annonce tendue sur ce dossier.
M.G. : Oui. Depuis l'opération franco-mauritanienne et la mort de Michel Germaneau fin juillet, les communiqués d'Aqmi contre la France avaient été très hargneux. C'est la première fois qu'ils étaient aussi véhéments. De son côté, Paris a pris des mesures fortes, aussi bien au niveau diplomatique que militaire. Les deux parties sont donc clairement dans une logique de confrontation et d'escalade.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire