19 août, 2010

Incendies en Russie. Le «Tchernobyl» de Poutine?


En 1986, l'explosion de Tchernobyl révélait les failles béantes du communisme. Sans aller aussi loin, les incendies en Russie, témoignage éclatant de l'incurie et de la corruption des élites, risquent de constituer un tournant dans la vie politique du pays.



De notre correspondante à Moscou.
Alors que le front des incendies régresse progressivement, politologues et experts tentent d'évaluer les conséquences et de mesurer l'impact de la catastrophe écologique que vient de connaître la Russie sur le système Poutine et surtout sur la survie politique du tandem qui tient les rênes du pays.

La verticale en question

L'hypercentralisation, la fameuse verticale du pouvoir, vient de faire la preuve éclatante qu'elle ne permet pas de répondre de façon adéquate à une situation de crise. Les gouverneurs de région nommés depuis 2005 par le Kremlin sur proposition du parti gouvernemental, Russie unie, n'ont aucun pouvoir. Ils ne peuvent même pas disposer sans concertation avec le pouvoir central des fonds qui leur sont alloués. Ce système vicié à la base renforçant l'inefficacité et la corruption des administrations locales a contraint le Premier ministre à surveiller en personne la construction de logements pour les sinistrés afin d'empêcher les détournements de fonds. Dans ce contexte, il y a fort à parier que la rentrée du Parlement, en septembre, sera houleuse et que la question du retour au système de l'élection des chefs de région et à une décentralisation du système décisionnel pour les problèmes locaux sera à nouveau posée par le second parti de la majorité gouvernemental, Russie juste, soutenu pour la circonstance par les élus communistes.

Haro sur le Premier ministre

La semaine dernière, en lisant la presse quotidienne, on se serait cru revenu au temps de Boris Eltsine quand le pluralisme permettait aux journaux de critiquer les représentants du pouvoir. Dès l'arrivée au Kremlin de Poutine, la liberté de la presse s'est réduite comme peau de chagrin... Et pourtant, dès les premiers incendies, les journaux ont mis en cause la gestion du chef du gouvernement, critiquant pêle-mêle la nomination des gouverneurs, la centralisation du pouvoir, le nouveau code forestier, l'absence de mesures préventives au début de la vague de chaleur. Reste que, si on ne peut que se réjouir de cette attitude, on a du mal à imaginer que les rédacteurs en chef aient pris de tels risques sans avoir un feu vert venu de quelque part... Conscient que la meilleure défense est souvent l'attaque, Vladimir Poutine a lutté contre les incendies sur le terrain: aux commandes d'un avion canadair; sur les tourbières fumantes, une lance à incendie à la main, dans les hôpitaux au chevet des brûlés. Le chef du gouvernement, à la fois populiste et paternaliste, a subi les critiques, écouté les doléances, admis ses erreurs. Reste que toute cette activité n'a pas vraiment convaincu ni la population ni les médias. «On dirait par moments que certains feux ont été allumés juste pour permettre au Premier ministre de les éteindre», écrivait la semaine dernière le quotidien Vedomosti.

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