13 août, 2010

AU BURKINA FASO Hermann Yaméogo face au déverrouillage annoncé de l’article 37 de la Constitution


La présence de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), parti qui se réclame de "l’opposition non alignée", aux récentes manifestations organisées par la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap/BC) et le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, parti au pouvoir), a intrigué une partie de l’opinion publique nationale, et fait courir la rumeur d’une accointance entre Me Hermann Yaméogo, le président de l’UNDD et fils du premier président de notre pays, et le pouvoir en place. L’intéressé, qui nous a reçus à son domicile le mardi 10 août dernier, s’en amuse. Il s’étonne et se réjouit même de ce que les faits et gestes de l’UNDD aient autant d’impact au-dedans comme au-dehors du pays. Et puis, plus sérieux, il nous ramène à la réalité des choses en nous invitant à lire les messages livrés à cette occasion, au lieu de donner foi aux potins.

Fasozine.com : La présence de l’UNDD à la manifestation de la Fedap/BC et au dernier congrès extraordinaire du CDP est pour le moins insolite aux yeux de certains, qui se demandent si vous avez décidé de cheminer avec le parti au pouvoir…

Me Hermann Yaméogo : Ceux qui trouvent cela insolite ne sont pas au bout de leur étonnement. Qu’ils sachent qu’à chaque fois que l’occasion se présentera, que ce soit devant le CDP, la Fedap/BC, à la télévision, à la radio… l’UNDD ira défendre ses idées. Quant à ceux qui tirent la conclusion d’un cheminement avec le CDP, nous disons que nous ne sommes pas un parti à qui on peut faire un chantage avec ce genre d’arguments. Si nous devions cheminer avec ce parti, encore que ce ne soit pas le cas, nous le ferions savoir haut et fort en assumant parfaitement nos décisions.

Il n’y a donc pas anguille sous roche ?

Il y a seulement que nous avons été invités, par la Fedap/BC et par le CDP, à leurs manifestations respectives. Comme nous sommes des gens bien éduqués, qui n’avons pas été nourris au biberon de la démarcation physique, nous y sommes allés. Ce n’était pas une mauvaise chose puisque nous avons eu la possibilité d’envoyer un message à la Fedap/BC, et même d’en lire un au congrès du CDP. Nous avons pu ainsi parler de choses qui nous tiennent à cœur comme la refondation, les réformes, etc. Et tenez-vous bien, sans nous y faire huer et encore moins casser la figure ! Cela veut dire que pour peu que les femmes et les hommes de ce pays acceptent de se libérer de leurs entraves subjectives et comprennent que les choses évoluant, nous ne pouvons pas faire la politique comme à l’époque de Maurice Yaméogo ni celle de Thomas Sankara, les choses peuvent changer au Faso.

Ceux qui espéraient tailler des croupières à l’UNDD en seront pour leurs frais. Tant pis aussi pour ceux-là qui s’activaient déjà à bâtir des thèmes de campagne sur ce qui n’a pas lieu d’être, en oubliant que l’adversaire, en l’occurrence, ce n’est pas Hermann Yaméogo, mais bel et bien Blaise Compaoré, candidat que l’on accompagnera à la légitimation et au déverrouillage de l’article 37 de la Constitution. Mais vous savez, les petits s’attaquent toujours aux grands, espérant ainsi grandir par l’audace de leurs affronts, et ils enragent quand ils sont royalement ignorés. Nous disons seulement aux personnes bien pensantes, plus soucieuses de comprendre les faits plutôt que de les travestir, de se rappeler que Laurent Gbagbo est venu avec Henri Konan Bédié dans l’avion présidentiel pour la prestation de serment de Blaise Compaoré en 1998. On n’a pas pour autant conclu qu’il avait basculé au PDCI !

Nous disons également de se rappeler que François Mitterrand a accepté des missions de Valéry Giscard d’Estaing, notamment aux Nations unies, sans qu’on juge qu’il avait viré de bord ! Nicolas Sarkozy confie des missions à des personnalités de gauche ; on voit des femmes et des hommes de droite et de gauche signer ensemble des chroniques sur des sujets d’importance les plus divers, mais on ne va pas crier sur tous les toits qu’ils ont perdu la boule en péchant par des fréquentations incestueuses. Il n’y a qu’au Faso où, -comme on dit, les gens aiment puiser l’eau sans arriver à la rivière- persistent de tels raisonnements ! Pas étonnant aussi que la politique vole bas au grand contentement de Blaise Compaoré et des siens.

Vous avez également été désigné comme parrain de la grande conférence inaugurale des activités du cinquantenaire de l’indépendance du Burkina en juin dernier. Ce qui a été parfois perçu comme un clin d’œil des autorités à votre égard…

J’ai déjà eu amplement l’occasion d’expliquer les symboles que je voyais dans ce parrainage qui m’a été confié. Je n’y reviendrai pas. Je vous rappellerai simplement que l’occasion m’a été donnée de relever que l’une des lacunes qu’on constate dans la gestion de notre pays, c’est l’oubli du passé, je veux dire d’un certain passé. C’est pourquoi, du reste, je plaide pour un Haut-Conseil de la Mémoire historique.

Il faut avoir le courage de relire notre histoire, non pas avec un œil subjectif et partisan, mais avec un œil qui la rétablisse dans ses droits. Si Blaise Compaoré est aujourd’hui au pouvoir, et avant lui Thomas Sankara, Jean-Baptiste Ouédraogo, Saye Zerbo, Sangoulé Lamizana, c’est parce qu’il y a eu Maurice Yaméogo, qui a posé l’acte d’indépendance qui a constitué la République. Et quand on parle de ces devanciers, il ne faut pas voir en eux des démons ni des anges, mais des hommes qui, avec les moyens de leur époque, ont essayé de servir leur pays.

C’est vrai que sous la présidence de Maurice Yaméogo, il y a eu des débordements, des excès… Mais quel régime n’en a pas connus, encore que le sien n’ait jamais fait couler de sang ? On ne peut pas aujourd’hui parler d’écologie, de la question genre, de la thématique du développement durable sans en référer à l’homme qui s’est investi dans la plantation d’arbres, la construction de barrages, l’émancipation de la femme, qui s’est consacré à l’éducation, la santé, etc. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’à côté du père de l’indépendance, d’autres personnes ont apporté leurs contributions à la construction de la nation, et qui ne sont pas davantage considérées comme cela se devrait par l’Histoire. Je veux parler, entre autres, de Philippe Zinda Kaboré, Daniel Ouezzin Coulibaly, Darsalam Diallo, Arba Diallo, Henri Guissou, Al Ouatta Diawara…

On considère, et c’est un grand tort, que notre Histoire n’a commencé qu’avec la révolution et, malheureusement, notre hymne national tend à perpétuer ce mensonge. Le cinquantenaire gagnerait à courageusement restaurer la vérité sur ce plan.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire