27 août, 2010

50e anniversaire du Burkina Faso : Bobo-Dioulasso, le cinquantenaire et après ?


Fleuron économique sous la colonisation, Bobo-Dioulasso tourne aujourd’hui au ralenti. Fermetures d’usines, chômage des jeunes, programme public de relance sans grands résultats pour le moment… La capitale économique du Burkina Faso accueille sans passion la célébration du cinquantenaire de l’indépendance.

Bobo-Dioulasso, à 360 km au sud-ouest de Ouagadougou, est un vaste chantier à ciel ouvert en ce mois de juillet. Vrombissement de bulldozers, bruit strident de marteaux piqueurs... Depuis mars dernier et le lancement officiel des activités commémoratives des 50 ans de l’indépendance du Burkina Faso, obtenue le 5 août 1960, la ville se fait belle pour accueillir dignement, les milliers d’invités attendus de tout le pays et de la sous-région. Conférences sur l’histoire du pays, concert géant et défilé militaire sont au programme des festivités organisées à Bobo en décembre prochain, pour permettre aux paysans de participer à la fête après l’hivernage et ses multiples travaux champêtres.

Le toilettage de Bobo-Dioulasso (plus de 500 000 habitants), s’imposait… "Le secteur économique de la région végète", avoue Pascal Benon, gouverneur des Hauts-Bassins, dont Bobo est le chef-lieu. Hamidou Sawadogo, 32 ans, assis dans son grin, club de jeunes buveurs de thé, vit la précarité au quotidien depuis la fermeture, en 2002, de l’usine dans laquelle il travaillait. "Je fais tous les métiers de la construction pour que ma famille ne meure pas de faim", confie-t-il amer. En face de lui, Abdoulaye Konaté 27 ans, est au chômage depuis neuf mois. Ouvrier saisonnier dans une usine de fibre textile, il a fait les frais de la baisse de la production cotonnière. Son équipe n’a pas été engagée cette année. Avec ses camarades de grin, il a sillonné différents chantiers. "Nous nous sommes présentés comme manœuvres. Malheureusement, les entrepreneurs avaient déjà leurs équipes venant parfois d’autres villes", regrette-t-il.

La fin d’une époque

Des histoires de ce genre, on en entend par centaines à Bobo-Dioulasso. La ville a même connu, en 2008, des émeutes de la faim. Sya, l’ancien nom de Bobo, était pourtant autrefois une des cités par lesquelles passait le commerce caravanier transsaharien. La ville est devenue un fleuron économique sous la colonisation avec la construction d’une gare ferroviaire de la Régie Abidjan Niger (RAN) qui la reliait à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. L’embellie s’est poursuivie jusque dans les années 70 pour s’estomper au milieu des années 80. La dévaluation du CFA en 1994 conjuguée à la privatisation de la RAN la même année a ouvert définitivement une page sombre.

Depuis les années 90, une vingtaine d’usines, grandes pourvoyeuses d’emplois, ont fermé leurs portes à Bobo et ses environs. Fin 2009, la dernière fermeture a fait du bruit : celle d’une chaîne de montage de cyclomoteurs, succursale d’un concessionnaire du groupe Peugeot. Elle employait plus de 300 ouvriers... Quant aux usines de fabrication de piles Winner et d’agro-alimentaire SN CITEC, elles sont en crise.

Peu compétitives, les unités industrielles bobolaises souffrent de la fraude, mais surtout de la forte concurrence des produits des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Depuis l’instauration de la libre circulation dans cet espace, le 1er janvier 2000, la part de marché des sociétés burkinabè se réduit comme une peau de chagrin. Par ailleurs, la crise politique ivoirienne depuis 2002 a eu un impact négatif sur l’économie de la ville, le port d’Abidjan étant le principal port d’approvisionnement. Conséquence : les jeunes migrent vers la capitale, Ouagadougou, et le Mali en quête d’un mieux-être. "Dans les années 1970, se souvient Abdoulaye Sanou, un retraité, il faisait bon vivre à Bobo. Des jeunes venaient du Sénégal, du Mali et de la Guinée pour travailler. De nos jours, ce sont nos enfants qui s’exilent", constate-t-il, nostalgique.
Pour permettre à la ville de retrouver un peu de sa splendeur d’antan, le gouvernement soutient, depuis 1996, un programme de relance économique. Au nombre des infrastructures réalisées, des routes vers le Mali et la Côte d’Ivoire, une université, la rénovation du marché central, sans oublier la récente construction d’un port sec. Les investissements consentis se montent à 100 milliards de CFA (environ 152 millions €). Mais pour l’heure, ce programme n’a pas encore produit les résultats escomptés. Ouagadougou est devenue ces dernières années le nouveau centre des affaires. La capitale politique concentre désormais l’essentiel des activités économiques.

Depuis 5 ans, des membres du gouvernement et des opérateurs économiques du secteur privé se rencontrent à Bobo chaque année. L’État espère que la commémoration du cinquantenaire insufflera un nouveau dynamisme à la ville. Moumouni, 30 ans, quincaillier, semble confiant : "Les chantiers créent des emplois. Les infrastructures vont attirer des investisseurs. Tout cela est bon pour la ville."

La majorité des jeunes voit plutôt dans les travaux en cours une opération de charme du pouvoir en place pour préparer la réélection de son candidat, Blaise Compaoré, en novembre prochain. "Que vont devenir les travailleurs une fois les chantiers achevés ?", s’interroge par exemple Hamidou. "L’État doit trouver une solution structurelle au chômage, mais je doute qu’il puisse le faire", affirme-t-il, en tendant à Abdoulaye une pièce de 100 Fcfa (0,15 €). Aujourd’hui encore, les amis se cotiseront à cinq pour jouer au PMU en espérant décrocher le gros lot, convaincus que le hasard leur offre plus de chances d’améliorer leur sort que le marché du travail.

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