16 mai, 2010

Le président brésilien à la recherche d’un coup d’éclat diplomatique



Il tentera aujourd’hui de convaincre Téhéran de coopérer avec l’AIEA
Le président brésilien à la recherche d’un coup d’éclat diplomatique
Par : M. A. Boumendil
Lu : (385 fois)

À Washington, on pense que “la visite de Lula est sans doute la dernière de dialogue”, mais sans grande conviction apparemment, puisqu’on “continue d’avancer vers une résolution prônant des sanctions”.

Alors que le Brésil est en période de précampagne électorale et qu’il ne lui reste que huit mois à a tête du pays, le président Luiz Inacio Lula da Silva se rend aujourd’hui à Téhéran pour tenter de convaincre les autorités iraniennes de coopérer avec l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA) et de signer un accord avec elle sur les modalités d’enrichissement de l’uranium. Le président brésilien rencontrera le président Mahmoud Ahmadinejad, le guide suprême de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei ainsi que le président du Parlement, l’ayatollah Ali Larijani. Le président Lula “n’apportera aucune proposition de nouvelle solution. (…) Ce (qu’il) souhaite, c’est favoriser un processus de dialogue qui puisse aboutir à un accord”, a déclaré son porte-parole. “Nous voudrions que l’Iran prenne une position similaire à la nôtre, c'est-à-dire développer le nucléaire civil et s’engager à abandonner tout programme militaire”, a dit, de son côté, un proche collaborateur du président Lula, spécialiste des questions diplomatiques. Il faut noter que le Brésil, opposé au durcissement des sanctions contre l’Iran prôné par les États-Unis et leurs alliés occidentaux, a inscrit dans sa Constitution l’interdiction de produire et d’utiliser les armes nucléaires. Ayant fait escale à Moscou où il s’est entretenu avec son homologue Dimitri Medvedev, le président Lula a fait preuve d’un grand optimisme quant au succès de sa mission en Iran. Son hôte russe, dont le pays est un soutien traditionnel de Téhéran mais agacé par l’attitude du président Ahmadinejad et acquis à l’idée de nouvelles sanctions, si nécessaire, ne partage pas cet optimisme, loin s’en faut. “Vu que mon ami Lula est un optimiste, je vais aussi être optimiste : je lui donne 30% de chances”, a déclaré le président Medvedev lors d’une conférence de presse, avec une pointe d’humour plutôt rare chez les dirigeants du Kremlin. À Washington, on pense que “la visite de Lula est sans doute la dernière de dialogue”, mais sans grande conviction apparemment, puisqu’“on continue d’avancer vers une résolution prônant des sanctions”. Les États-Unis restent convaincus, en effet, que l’Iran manipule le Brésil et la Turquie pour gagner du temps. De son côté, le président français Nicolas Sarkozy a assuré que Lula bénéficiait du “soutien total de la France pour convaincre les autorités iraniennes de
répondre pleinement aux demandes de la communauté internationale sur le dossier nucléaire”. L’ambassadeur iranien à Brasilia, Mohsen Shaterzadeh, a esquissé ce qui serait la clé du problème, et qui pourrait être une base de discussion pour Lula avec les autorités iraniennes. Téhéran, qui a refusé de livrer son uranium pour qu’il soit enrichi en France avant de lui revenir sous forme de combustible enrichi à 20%, pourrait accepter de l’échanger, à condition que le combustible soit livré immédiatement, selon la formule du donnant-donnant, et que le pays où se ferait l’échange soit la Turquie voisine. Le Brésil pourrait être le garant international de l’échange. Dans de telles conditions, les autorités iraniennes, qui ont déclaré avoir commencé l’enrichissement intra muros de l’uranium à 20%, pourraient reprendre les négociations, selon ce diplomate. Si le Brésil venait à réussir dans sa délicate mission, ses bénéfices seraient considérables. Au-delà de la considération et des honneurs que confère ce genre de succès, il en tirerait des bénéfices économiques – ses exportations vers l’Iran ont augmenté de 76% ces deux derniers mois – et conforterait son poids dans la diplomatie internationale en obtenant, comme il le souhaite, une place de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. A contrario, si l’Iran n’arrive pas à convaincre du caractère strictement civil de son programme nucléaire, cela pourrait avoir des conséquences sur les intérêts brésiliens. Pari risqué pour Lula ? Sans doute. Mais risques mesurés tout de même.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire