13 mars, 2010

L’article 37 : les imprécations de la hiérarchie catholique et du CGD au brukina faso

Depuis un certain temps, les possibles révisions constitutionnelles, surtout celle de I’articIe 37, soulèvent des débats passionnés avec parfois un argumentaire qui laisse à désirer. C’est ainsi que le CGD, s’appuyant sur le message des évêques du Burkina Faso, parle de "braconnage" de la Constitution et se pose en défenseur ardent de la nouvelle génération.

Tout grand juriste qu’il est, il fustige Ies recours juridiques pour une teIIe procédure, en traitant les députés de couards et d’inconscients qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels et non à ceux du peuple et qualifie le recours possible au référendum de manipulation et d’abus. Combien de fois y a-t-iI eu référendum au Burkina pour qu’on parle d’abus ?

Ou alors le terme abus aurait-il pour origine la peur que le peuple, au nom duquel on s’agite, n’approuve les réformes qu’on lui proposerait ? On s’attendait à un argumentaire juridique du grand professeur de droit qui dirige le CGD. Mais non. On a droit à une polémique stérile où se mêlent des imprécations et des appels ouverts à un putsch au cas où on oserait toucher à I’articIe 37. Les évêques, dont le texte a largement inspiré le CGD, ne font guère mieux.

Les questions qui viennent à I’esprit à la lecture des deux messages sont les suivantes : en quoi I’amendement de I’articIe incriminé ne servirait pas le bien commun mais ceux de groupes particuliers ? De quels groupes s’agit-iI ? Pourquoi ne pas demander au peuple son avis sur la question, Iui, le principal concerné et qui ne "veut plus se laisser régenter comme avant ?"

Pense-t-on qu’il soit si ignorant ou irresponsable pour ne pas choisir ce qui fait son bonheur et rejeter ce qui lui est préjudiciable ? Un peu moins de mépris et plus de respect pour ces populations que l’on prétend défendre. Peut-être que le peuple dont on parle tant ne se résume qu’à la jeune génération qui piaffe d’impatience d’accéder aux affaires. Sinon, comment comprendre qu’on refuse le recours au peuple qui confère la IégaIité et la légitimité à tout régime démocratique ? L’Eglise est un corps social qui ne peut rester indifférente aux problèmes qui engagent ses fidèles.

Mais, autant chaque dignitaire de I’institution est un citoyen qui jouit pleinement de ses droits civiques (droit de vote, liberté de penser, etc.) ce qui explique qu’eIIe soit traversée par de multiples courants philosophiques, politiques autant I’institution, du fait de ses responsabilités, se doit de pratiquer la modération et non d’alourdir inutilement le climat social par des prises de position d’opposants radicaux, surtout que, sembIe-t-iI, I’EgIise ne se mêIe pas des questions temporelles.

Il est vrai que I’EgIise dans notre pays, a bien souvent outrepassé sa mission première et s’est’ depuis, la période coloniale, activement mêlée à la vie politique du territoire. En effet, après la guerre, quand la puissance coloniale fut contrainte de consentir des pIages de liberté aux colonisés, I’EgIise qualifia la liberté accordée aux Africains de "liberté vendue au marché noir".

Quant aux élections à la première constituante en 1945, elles prirent pour les missionnaires, la "signification d’un plébiscite contre l’autorité". A la création du RassembIement démocratique africain (RDA) en 1946, I’EgIise catholique épousa la vision de I’administration coloniale française. EIIe eut une attitude très dure à I’endroit des militants de ce parti.

Tout individu connu sous I’étiquette RDA n’était autorisé ni à entrer dans une église ni à communier, car considéré comme un suppôt de Satan . L’implication des missionnaires dans les questions temporelles était si forte qu’ils aidèrent à créer un parti qu’ils soutenaient tout comme I’administration coloniale qui organisait régulièrement, les élections en sa faveur.

C’est ainsi qu’aux élections de 1948, la haute hiérarchie de I’EgIise, à travers une lettre pastorale du 3 mai 1948, appelait à voter pour les candidats qui croient en Dieu ; en d’autres termes, contre le RDA jugé communiste et contre la religion. Elle orientait ainsi les votes vers I’Union voltaïque (UV), le parti qu’il avait contribué à créer.

Lorsque dans les années cinquante, la question du fédéralisme agitait les Africains soucieux de I’unité de I’Afrique, I’EgIise catholique appuya I’administration coloniale française fortement opposée à toute fédération pour briser la Fédération du Mali qui se voulait être le premier jaIon de I’Union africaine.

Aussi, sous de multiples pressions, dont celle de I’EgIise, Ia Haute-VoIta se retira de la Fédération du Mali qui finit par succomber en 1960. De telles prises de positions allaient dans Ie sens de I’histoire et du bonheur des Africains, les Voltaïques en particulier ? On pourrait rétorquer qu’il s’agissait d’autres temps.

Mais, même après I’indépendance, I’EgIise cathoIique fut très présente dans la vie politique du pays. Elle a été un acteur important des événements du 3 janvier 1966 qui ont fait chuter Ia Ie RépubIique. Le coup d’Etat de 1980, qui amena au pouvoir un des régimes Ies pIus dictatoriaux que notre pays aie connu, Ie CMRPN, reçut Ia bénédiction de Ia pIus haute hiérarchie catholique. Pour eIIe, c’était une grâce de Dieu.

Le peuple voltaïque n’ en a pas eu Ia même appréciation. De nos jours, eIIe ne se contente pas de publier des communiqués, eIIe fait de I’agitation au sein de Ia population pendant Ies offices religieux et auprès des jeunes à travers la jeunesse catholique au cours de séminaires qu’eIIe anime. Ces actions participent-eIIes véritablement à Ia recherche du bien commun ?

L’église et le CGD se veulent de Ia société civile. Cette qualité impose des droits mais aussi des devoirs dont sont exclues Ies menaces et Ies imprécations. Ils ne doivent pas oublier qu’iIs sont des contre-pouvoirs et non contre Ie pouvoir. Leur mission est d’aider à un débat serein pour une prise de décision, par les voies démocratiques, au profit du peuple. Susciter et entretenir Ia psychose du chaos et de I’apocaIypse pour parvenir à leurs fins n’est ni démocratique, ni la défense des institutions républicaines.

C’est au contraire créer les conditions psychologiques, morales et politiques d’une remise en cause brutale de Ia paix et de Ia stabilité du pays, ce pourquoi "certains ont sacrifié leur vie, Ieur carrière". Malheureusement, ce ne sont pas ceux qui I’ écrivent qui ont mené ce combat ni consenti les sacrifices dont ils parlent. Si c’était Le cas, Leurs propos auraient été empreints d’une pIus grande modération et de pIus de responsabilité.

Qu’on se comprenne. Il ne leur est pas demandé d’épouser des positions contraires à leurs convictions. Ce qui est recherché, c’est I’instauration d’un climat sain et serein de débats qui aboutirait à des prises de décisions par des voies démocratiques que la constitution autorise, au profit du pays et des Burkinabè

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