Le Burkina Faso a fait jeudi un pas important vers une sortie de crise: l’armée et les civils sont tombés d’accord sur les institutions de la transition, rendant possible une remise rapide du pouvoir aux civils par les militaires.
“Le présent projet de charte est voté à l’unanimité”, a affirmé Henry Yé, président d’une commission intermédiaire, qui rassemblait opposition, autorités religieuses et traditionnelles, société civile et armée.
L’adoption de cette “charte de la transition”, a eu lieu en assemblée, sous les applaudissements des quelque 80 délégués présents, qui ont ensuite chanté l’hymne national, dans l’euphorie générale, a observé un journaliste de l’AFP.
Près de deux semaines après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans de règne, les laborieuses tractations des derniers jours ont finalement porté leurs fruits.
“Ce travail ouvre de nouvelles perspectives à notre pays, surtout à la jeunesse”, dont l’avenir sera “protégé”, s’est réjoui Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères et ténor de l’opposition, qui s’est dit “comblé”.
“Les Burkinabè ont fait preuve d’une grande maturité. Ils ont réussi là où beaucoup pensaient qu’ils allaient échouer”, a commenté Adama Kanazoé, un jeune politicien, qui a qualifié la journée d’“extraordinaire”. “Une belle page de notre histoire s’est écrite”, a-t-il renchéri.
Barkissa Konaté, membre de la société civile, a fait part de sa “fierté” d‘être “une jeune Burkinabè”. “La révolution est en marche. Maintenant, nous allons avoir une vraie démocratie!”, a-t-elle lancé.
Le lieutenant-colonel Isaac Zida, l’homme fort du pays depuis que l’armée a pris les commandes à la suite de la chute du régime Compaoré le 31 octobre, s‘était montré rassurant dans l’après-midi.
“L’armée est d’accord avec la charte de transition. Nous sommes parvenus à un accord sur l’architecture même des organes de transition”, avait-il affirmé à l’AFP. Mais il restait encore à valider cet accord en assemblée. Une étape désormais franchie.
Le président de la transition, un civil, sera nommé par un collège électoral, a-t-on appris auprès de délégués. Il ne pourra être issu d’un parti politique.
Le président de l’assemblée, nommée Conseil national de transition (CNT), une chambre de 90 membres, sera également un civil, de mêmes sources. L’armée, qui avait des prétentions sur ce poste, a “cédé” face aux civils, avait reconnu en début d’après-midi M. Zida.
– ‘Démocratie normale’ –
Le Premier ministre, désigné par le président, pourra être un civil ou un militaire, selon les délégués. Il sera à la tête d’un gouvernement de 25 membres.
“Comme dans une démocratie normale, le président choisira une personnalité qu’il considère avoir les compétences” en tant que Premier ministre, a remarqué Luc Marius Ibriga, un responsable d’ONG, membre éminent de la société civile.
“Si nous acceptons des militaires dans le gouvernement, il n’y a pas de raison qu’on puisse les exclure de ce poste”, a-t-il ajouté.
La présence d’un soldat en tant que chef du gouvernement avait été envisagée dans la journée.
“La question, c’est: quelle place pour Zida dans l’architecture qui est en train de se mettre en place?”, expliquait un diplomate, pour qui le lieutenant-colonel “se verrait bien Premier ministre”.
“Mais il n’est pas envisageable pour la communauté internationale qu’il soit président, Premier ministre ou président d’une assemblée”, mettait en garde cette source.
Les autorités intérimaires doivent diriger cette ex-colonie française de quelque 17 millions d’habitants pour une durée d’un an et organiser des élections d’ici novembre 2015.
Mis sous pression par l’Union africaine et les partenaires occidentaux du Burkina Faso pour qu’ils rendent le pouvoir, les militaires ont dû revoir leurs ambitions à la baisse.
“Nous avons fait beaucoup de concessions dans l’intérêt du Burkina”, a fait valoir le lieutenant-colonel Zida.
Le temps presse. L’Union africaine a posé le 3 novembre un ultimatum à l’armée pour qu’elle passe le flambeau aux civils dans les quinze jours, sous peine d‘éventuelles sanctions. Le délai expire lundi.
De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé jeudi qu’il attendrait la formation d’un gouvernement “reconnu internationalement” pour reprendre son aide.
Du côté burkinabè, on réclame du temps pour organiser la succession de Blaise Compaoré, exilé en Côte d’Ivoire.
Les médiateurs africains “veulent aller directement aux élections, même dans six mois. Mais pour nous, il ne s’agit pas seulement de cela”, insiste un délégué de la société civile.
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