19 septembre, 2013

La Syrie, terrain de prédilection des combattants français

La Syrie, terrain de prédilection des combattants français
Un membre de la rébellion à Alep le 18 septembre
© AFP

Selon le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, plus de 130 Français combattraient actuellement en Syrie aux côtés des rebelles. Un engagement bien plus fort que sur d’autres terrains comme l’Afghanistan. Analyse.

Par Yona HELAOUA (texte)
 
Le chiffre est issu de source officielle, mais est difficile à vérifier. Ils seraient plus de 130 Français ou résidents en France à combattre actuellement en Syrie. L’estimation vient du ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, interrogé jeudi 19 septembre sur France Inter. Par ailleurs, "une cinquantaine sont revenus, une quarantaine sont en zone de transit et une bonne centaine ont déjà, selon nos services de renseignement, montré qu'ils pouvaient se rendre là-bas", a-t-il précisé.
Frédéric Pichon, historien spécialiste de la Syrie, juge pour sa part que ce chiffre n’est "pas surprenant", bien qu’impossible à confirmer. "Est-ce que la DGSE [service de renseignement extérieur français, NDLR ] a vraiment les moyens de comptabiliser tous ces combattants ? J’en doute", nuance le chercheur.
Le profil de ces combattants est assez similaire, selon le ministre de l’Intérieur : il s’agit "d'individus jeunes", "ayant connu souvent déjà un parcours délinquant", "radicalisés le plus souvent". "C'est un phénomène qui m'inquiète, parce qu'ils représentent, avec leur retour sur notre sol, un danger potentiel", a insisté Manuel Valls. L'affaire Mohamed Merah avait pointé l'incapacité des services français à détecter un terroriste potentiel figurant déjà dans leurs dossiers pour avoir, entre autres, séjourné au Pakistan. Depuis, les autorités redoublent de vigilance. Début septembre, cinq Français ont été arrêtés après le braquage d'un restaurant Quick des Yvelines, dont le butin était semble-t-il destiné à financer un départ pour la Syrie.
"Le djihad à portée de clic"
Selon Frédéric Pichon, internet est l'un des éléments essentiels qui pousse les Français à rejoindre le djihad en Syrie. "C’est le djihad à portée de clic", explique le spécialiste qui observe "une véritable propagande pour ce type d’engagement" en Syrie. La Toile avait déjà joué le même rôle pour attirer les combattants français sur d’autres terrains, comme l’Afghanistan, rappelle-t-il.
Mais selon Manuel Valls, ce qui se passe en Syrie est "un phénomène sans commune mesure avec le nombre de Français qui avaient pu se rendre, par exemple, en Afghanistan ou au Pakistan." Alors pourquoi cette affluence en Syrie plus qu’ailleurs ? Tout simplement pour des raisons géographiques, estime Frédéric Pichon. La Syrie se situe à une distance plus accessible que les terrains asiatiques pour les combattants venant de l’Hexagone.
De plus, le circuit emprunté joue sur "la porosité de la frontière turque", observe le chercheur. Parmi ceux qui tentent leur chance en Syrie, beaucoup profitent de la liberté de circulation offerte par l’espace Schengen jusqu’en Grèce ou en Bulgarie pour rejoindre la Turquie. Sans oublier ceux qui passent par le Liban ou, peu nombreux, ceux qui tentent de se frayer un chemin en Syrie via la Jordanie.
La position de la France, un encouragement ?
Selon Frédéric Pichon, un autre facteur pourrait expliquer l’affluence des djihadistes français en Syrie : la position de la France vis-à-vis du régime de Bachar al-Assad. "Le ministre des Affaires étrangères a déclaré en 2012 qu’il fallait ‘abattre ce régime’. On peut y voir une certaine forme d’encouragement pour ces combattants", estime l’historien, même si ce n’était absolument pas le but recherché par Paris. "La position de la France peut parfois rencontrer celle des djihadistes", ironise-t-il.
Pourtant, la position diplomatique française n’a rien d’un atout pour ceux qui souhaitent combattre aux côtés des rebelles. "Ils risquent d’être déçus s’ils croient que la rébellion va leur faire un accueil enthousiaste, juge Frédéric Pichon. Il y a une certaine amertume sur le terrain car le soutien de la France n’est pas jugé suffisant. Sans compter le risque que ces combattants se fassent escroquer ou capturer par des bandes rebelles." Des mauvaises rencontres impossibles à prévoir, compte tenu de la complexité grandissante du tissu rebelle où se côtoient laïcs, islamistes et trafiquants.

france24.com

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