Photо: EPA
Cela
signifie que les lois nationales ne s’appliquent que dans les limites
du pays, exception faite de certains cas expressément spécifiés. Il
existe aussi le principe d’exterritorialité, lorsque le pays admet
l’application sur le territoire national d’une loi étrangère dans le cas
d’examen judiciaire des transactions commerciales extérieures ou des
affaires de succession transfrontalières.
Or,
les autorités américaines ont inversé de fait ces principes en
conférant ouvertement à leur lois un caractère exterritorial, à l’image
des lois sur les sanctions contre Cuba, la Corée du Nord, l’Iran, et au
total pas moins de 14 pays « mal aimés » par l’Amérique.
En
2008, les États-Unis ont décrété des sanctions contre la société
Rosoboronexport, qui représente l’État russe sur les marchés des
armements sous prétexte de prolifération de technologies se prêtant à la
création d’armes nucléaires et de missiles mais, formellement, pour
avoir violé la loi américaine connue sous le nom de « Iran, North Korea
and Syria Nonproliferation Act ».
Les
lois exterritoriales permettent en fait aux États-Unis ne s’ingérer
dans les affaires intérieures des autres États. Elles sont également
utilisées comme outil d’intimidation. La Loi « Magnistki » en est le
dernier exemple en date. Elle confère au président des États-Unis le
droit de « bloquer » sur le territoire américain les comptes bancaires
et les biens appartenant aux personnes portées sur la « liste noire »
des violateurs des droits de l'homme. Cette loi s’étend tant aux
sociétés américaines à proprement parler qu’à leurs succursales
étrangères, bien qu’elles relèvent de la législation des pays où elles
sont établies. C’est ainsi que le président des États-Unis a le droit de
frapper également d’interdit « les personnes se trouvant dans les
limites de la juridiction des États-Unis » ce qui inclut les sociétés
étrangères contrôlées par des personnes physiques et morales
américaines. Cela signifie en clair que même les sociétés fondées à
l’étranger avec la participation de capitaux américains doivent se
garder d’avoir affaire avec les personnes figurant sur la liste
Magnitski. Or, les sociétés en question sont nombreuses, pour ne citer
que les plus grands systèmes de paiements électroniques comme Visa et
MasterCard, contrôlés par des sujets américains et pouvant de ce fait
faire l’objet de pressions de la part des États-Unis. D’ailleurs, cela
s’est déjà produit récemment, lorsque MasterCard avait bloqué les
transferts des Européens au profit de WikiLeaks.
La
loi américaine de 1977 sur la corruption à l’étranger (Foreign Corrupt
Practices Act, FCPA) est appelée à sanctionner tant les sociétés
américaines qu’étrangères pour corruption de fonctionnaires étrangers.
Cette loi s’applique aux sociétés étrangères qui ont une partie de leurs
actifs aux États-Unis, ont une participation américaine ou si leurs
actions sont cotées en bourse des valeurs de New York. Mieux encore,
elles s’exposent aux sanctions même si leurs fonds transitent tout
simplement par des comptes bancaires américains. Toujours aux termes de
cette loi, les sociétés non-résidents des États-Unis sont frappées
d’amendes pour corruption de fonctionnaires non-américains à l’extérieur
des États-Unis.
Une
autre loi portant notamment « sur l’imposition des comptes étrangers »
(Foreign Account Tax Compliance Act, FATCA) est entrée en vigueur en
2013. En vertu de cette loi, les États-Unis exigent d’être intégralement
informés sur leurs citoyens, sociétés, ainsi que leurs comptes dans les
banques étrangères. La banque peut contacter directement
l’administration fiscale américaine et lui signaler tous les cas de
délit d’évasion fiscale commis par les citoyens américains. Mais elle
peut aussi signer un accord officiel allant en ce sens.
Les
banques qui refusent de coopérer en direct sont mises sur une « liste
noire ». Dans ce cas, tous les transferts des « banques réprouvées »
transitant par les comptes des banques américaines sont amputés de 30%.
Cette situation porte préjudice aux États étrangers, puisque leurs
banques nationales ayant établi des contacts directs avec les États-Unis
se transforment de fait en agents qui sapent volontairement ou non la
souveraineté nationale. Dans le cas où les États eux-mêmes acceptent
cette coopération, ils limitent leur propre souverainté au profit des
Américains. La FATCA peut être de ce fait qualifiée d’arme de nouvelle
génération destinée à édifier la Pax Amricana, estime le professeur
d’économie Valentin Katassonov. En 2012, le ministère des Affaires
étrangères, le ministère des finances et la banque centrale russes ont
déclaré que la FATCA était une violation flagrante du principe d’égalité
souveraine des États.
Au
printemps 2008, le Russe Victor Bout a été arrêté en Thaïlande à la
demande du Parquet américain avant d’être extradé aux États-Unis en
vertu de l’inculpation officielle de complot pour « soutenir une
organisation terroriste étrangère », en l’occurrence les FARC
colombiennes. Pourtant, les FARC ne sont pas considérées comme une
organisation terroriste ni par l’ONU, ni par la Russie, ni par la
Thaïlande, et ne sont qualifiées comme telle qu’aux États-Unis. C’est
pourtant sur ce fondement que le tribunal a retenu contre M. Bout le
chef d’inculpation de complot pour meurtre d’Américains.
Le
tribunal américain avait également condamné le pilote russe Konsantin
Yaroshenko, qui aurait eu l’intention de transporter au Libéria et au
Ghana quatre tonnes d’héroïne en provenance du Venezuela et dont une
partie devait ensuite prendre la direction des États-Unis. Interpellé au
Libéria, le pilote s’est retrouvé deux jours plus tard dans une prison
américaine sans que la Russie en soit informée.
Par
conséquent, tout citoyen qui n’a jamais mis les pieds aux États-Unis ni
commis de délits contre les citoyens américains et leurs biens peut
être interpellé dans un pays tiers à la demande des États-Unis, et en
vertu de n’importe quelle inculpation. Les autorités américaines
cherchent ainsi à prouver la primauté des intérêts des États-Unis sur
ceux de n’importe quel pays du monde. /N
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