28 août, 2013

Guerre en Syrie : l’opposition se mobilise


IRIB-La tactique consistant à préempter l’opposition à la guerre en se « limitant à quelques tirs de missiles sur une période de 2 à 3 jours », ou en affirmant que la « décision a déjà été prise », n’a pas entièrement réussi, même si le niveau de réponse n’a pas non plus été adéquat jusqu’ici.
Le député Scott Rigell (républicain de Virginie) a déclaré que la Loi sur les pouvoirs de guerre (War Powers Act) requiert au moins l’une des trois circonstances suivantes : a) le vote par le Congrès d’une Déclaration de guerre ; b) une résolution du Congrès accordant au président une autorisation spécifique ; c) une urgence nationale provoquée par une attaque d’une puissance étrangère contre les Etats-Unis. « Nous ne sommes pas en train de défendre les Etats-Unis selon la définition correspondant aux trois provisions précédentes », a-t-il déclaré.
Rigell a rédigé une lettre qui, le 27 août à 14h00, avait été signée par 20 autres députés (19 républicains et 1 démocrate). Elle demande qu’Obama rappelle le Congrès à Washington pour le consulter avant de lancer une attaque sur la Syrie. Rappelons que lors du déclenchement des frappes contre la Libye en 2011, Barack Obama était passé outre le War Powers Act.
Un article de Jake Sherman et Anna Palmer sur l’influent site Politico rapporte qu’« une série de républicains et de démocrates – dont ceux qui sont directement impliqués dans la supervision des fonctions de renseignement – pensent que les Etats-Unis feraient bien de s’abstenir d’intervenir militairement ». Parmi eux, il y a les députés : Tom Rooney, ancien professeur à l’académie militaire de West Point, qui siège actuellement à la Commission de la Chambre sur le renseignement ; Loretta Sanchez, démocrate influente à la Commission sur les services armés de la Chambre ; Devin Nunes, qui siège également à la Commission sur le renseignement de la Chambre ; et le sénateur démocrate Tim Kaine, ancien dirigeant du parti démocrate. Plusieurs autres députés et sénateurs ont publié des déclarations sur Twitter, insistant sur le fait que le président doit rendre des comptes devant les représentants du peuple avant d’engager les Etats-Unis dans une action militaire.
Rappelons également que le chef d’état-major interarmées américain, le général Martin Dempsey, s’était clairement prononcé le 19 août, contre toute forme d’intervention militaire en Syrie, étant donné que toute action, même limitée au tir de quelques missiles, ne permettrait pas de mettre fin au conflit ethnique et religieux en cours dans la région. Il va de soi, pouvons-nous ajouter même si le général ne s’est pas prononcé sur cette question depuis, que l’idée de « punir » le régime syrien pour l’usage présumé d’armes chimiques ne mettrait pas fin au conflit non plus.

Royaume-Uni :

Le quotidien britannique Daily Mail a pour sa part établi une liste impressionnante de personnalités opposées à une action militaire contre la Syrie.
En réponse à une déclaration du ministre des Affaires étrangères William Hague, selon qui la Grande-Bretagne a le droit « légal » d’attaquer la Syrie dès lors que des armes chimiques ont été utilisées, l’ancien ambassadeur Oliver Miles a répondu qu’« il n’existe aucun fondement légal, à ma connaissance, à part celui de la légitime défense, et ici ce n’est clairement pas le cas ».
Pour Michael Caplan, un avocat spécialisé dans le droit international, il est très difficile de justifier, d’un point de vue légal, une intervention sans mandat des Nations unies : « Il n’y a aucune menace à la sécurité du [Royaume-Uni] ou des Etats-Unis ; sur quelle base pourrions-nous intervenir ? »
Lord West of Spithead, l’ancien First Sea Lord (commandant général de la Royal Navy et chef d’état-major de la Marine) et ancien conseiller à la sécurité de Gordon Brown, a déclaré :
Nous devons être absolument sûrs dans notre esprit que les armes chimiques ont bel et bien été utilisées par le régime. Si c’est le cas, alors je pense que nous pourrons persuader la Russie de signer une résolution de l’ONU condamnant un chef d’Etat pour l’usage de telles armes contre son peuple. Ceci semble être la première chose à faire. » Néanmoins, a-t-il ajouté, « je suis particulièrement prudent concernant l’engagement militaire, même s’il s’agit de l’usage limité de missiles. Que désirons-nous accomplir ? Où cela nous conduira-t-il ? Que se passe-t-il si Assad répond ’allez vous faire voir’ et utilise à nouveau des armes chimiques ? Céderons-nous à l’escalade de la force ? J’ai l’horrible sentiment qu’une frappe en amènerait rapidement plusieurs autres. La région est une poudrière. Nous ne pouvons tout simplement pas prévoir quelle direction prendra l’action militaire et si elle nous conduirait malgré nous plus profondément dans le conflit.
Lord King of Bridgwater, ancien ministre de la Défense au cours de la première guerre du Golfe, a déclaré :
Il n’y a pas de bonnes options, seulement des options moins pires que les autres. Je suis très méfiant de nous voir entraînés militairement dans les rouages d’un conflit sectaire majeur (entre Chiites et Sunnites) pouvant affecter toute la région. C’est pourquoi il est si urgent que nous nous retrouvions autour d’une table pour trouver une solution diplomatique et politique. Je suis entièrement favorable à l’idée d’inclure l’Iran dans le processus, car il est vital de ne pas le traiter de la mauvaise manière. Il est également important d’inclure les Russes : ils ne doivent pas avoir le sentiment d’avoir été poussés contre le mur. Il est impératif de trouver une solution, et elle ne doit pas être militaire. Ceci est en train de prendre des proportions telles que cela devient extrêmement dangereux.

Danemark :

John Scales Avery, président de l’Académie danoise de la Paix (qui gère l’un des plus importants sites mondiaux portant sur les questions liées à la défense de la Paix), a souligné :
Alors que nous approchons du 100e anniversaire de la première Guerre mondiale, il nous incombe de nous rappeler que cet événement catastrophique a commencé par une action mineure par laquelle l’Empire autrichien cherchait à punir un groupe de nationalistes serbes. Personne au début de ce petit conflit n’avait l’idée que cela conduirait à un désastre destructeur pour le monde, qui porte encore ombrage à notre civilisation un siècle plus tard. Ne pouvons-nous pas voir le parallèle avec l’intention des Etats-Unis et de leurs alliés de punir le régime d’al Assad en Syrie pour l’usage présumé de gaz toxiques (qui peut s’avérer être au final un faux prétexte) ? Le parallèle avec le début de la première Guerre mondiale est particulièrement troublant car le siècle qui s’est écoulé depuis a vu le développement d’armes thermonucléaires ayant la capacité de détruire la civilisation humaine et une grande partie de la biosphère.

Russie :

Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a rejeté les allégations selon lesquelles le régime d’al Assad serait à l’origine de l’emploi d’armes chimiques dans le pays, et a plaidé pour « des échanges concrets et approfondis (…) d’informations disponibles concernant tout cas présumé d’utilisation d’armes chimiques en Syrie ».
L’agence de presse russe Ria Novosti rapporte par ailleurs que l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, estime qu’il n’existe pas de solution militaire à la crise syrienne et que seule la voie diplomatique permettrait de régler le conflit : « Je suis toujours persuadé qu’il n’existe pas de solution militaire en Syrie et qu’il n’y a pas d’autre possibilité qu’une solution politique » et qu’« il est nécessaire de stimuler l’intérêt pour un règlement diplomatique de la crise », a déclaré aujourd’hui M. Brahimi lors d’une conférence de presse à Genève.

France :

Un certain nombre de politiques français se sont prononcés contre toute action militaire en Syrie, dont :
Jean-Luc Mélenchon, pour qui cette intervention militaire « serait une erreur gigantesque, peut être le seuil d’une guerre beaucoup plus large que toutes celles que nous avons vues dans cette région » ;
Pierre Laurent, du PCF, qui après avoir beaucoup louvoyé sur cette question, a finalement déclaré dans une lettre au Président de la République que « bombarder la Syrie serait ajouter la guerre à la guerre, entraînant le risque jusqu’ici inégalé d’un embrasement de toute la région » ;
François Bayrou, qui a lancé mardi « un appel pressant à la prudence » et a constaté qu’« il y a beaucoup de manipulation dans ces guerres civiles et donc je voudrais qu’on attende le rapport de l’ONU » ;
Philippe Marini, sénateur UMP, président de la commission des Finances, qui a estimé mardi qu’une intervention pourrait entraîner la « déstabilisation » du Proche Orient. «  Nous sommes dans une séquence qui rappelle celle des armes de destruction massive en Irak », un « alibi pour faire la guerre au régime de Saddam Hussein ». Il a conclu en disant qu’« il n’y a pas d’intervention internationale fraîche et joyeuse. Ça ne peut pas être une opération de quelques heures, quelques jours. Dans le contexte très particulier du Proche Orient, de nouvelles violences entraîneront la déstabilisation de cette région. »
Le ministre des Relations avec le Parlement Alain Vidalies a annoncé ce matin la convocation du Parlement français par François Hollande le 4 septembre prochain, une décision qui ne « préjuge aucunement » d’une éventuelle intervention militaire française en Syrie, selon Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement. Si le gouvernement se sent obligé de tenir le Parlement informé de ses décisions, il n’est cependant pas question d’obtenir son autorisation avant d’agir.

Le camp des va-t-en-guerre :

On trouve avant tout, parmi les faucons, les ministres américain, français et britannique des Affaires étrangères, John Kerry, Laurent Fabius et William Hague, qui affirment tous disposer des preuves établissant la responsabilité du régime syrien dans les attaques chimiques présumées, sans qu’elles aient toutefois été présentées de manière claire et précise.
Tony Blair, le criminel de guerre responsable de la boucherie de 2003 en Irak et mentor de Barack Obama pour les questions touchant au Proche-Orient, avait déclaré au lendemain de la chute du président égyptien Mohammed Morsi début juillet que l’Occident doit être pleinement impliqué en Iran, en Syrie et en Palestine. Blair avait également, dans le cadre d’une conférence tenue deux semaines plus tôt à Jérusalem, fait part de son empressement à déclencher une guerre dans toute l’Asie du Sud-ouest, prétextant que le « temps n’est pas notre ami » et que le coût « de la retenue » face à la Syrie et l’Iran serait plus élevé que celui d’entrer en guerre.
Les sénateurs conservateurs américains John McCain et Lindsey Graham ont pour leur part demandé à Barack Obama d’agir immédiatement, de même que le député démocrate Eliot Engel, pour qui le « Congrès n’a pas besoin d’être consulté jusqu’à ce que la guerre ne soit enclenchée ».

Notre action :

Pour ce qui concerne notre action en France, Solidarité et Progrès a publié un communiqué — « Syrie : arrêter la machine infernale de la guerre » — contre toute attaque « qui peut non seulement embraser toute l’Asie du Sud Ouest mais conduire à une confrontation thermonucléaire dans le monde ». Il dénonce Laurent Fabius, qui « feint de croire que l’on pourrait se limiter à une attaque ponctuelle ».
Cette déclaration est actuellement distribuée dans les principales institutions françaises et peut être téléchargée sur notre page spéciale : solidariteetprogres.org/guerre-syrie. N’hésitez pas à la faire circuler massivement autour de vous.



Progrès et Solidarité

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