06 août, 2013

En Equateur, chaînes aux pieds et eau glacée pour 'soigner' l’homosexualité

Modern Slavery - © Andreas Gradin
Le ministère public équatorien le désigne comme un centre de torture. Le bâtiment fait trois étages et toutes les fenêtres sont teintées. Ce centre se situe a 2,5 km de Tena, ville d’Equateur, capitale de la province de Napo. Zulema C. s’est échappée du centre il y a environ un mois.
« Soigner votre homosexualité car vous êtes malades »
Enetre les murs de cet édifice, les autorités de cette clinique ont essayé, pendant 21 jours, de soigner Zulema, lesbienne. Pendant ces trois semaines d’enfermement, le même message lui a été sans cesse répété « Dieu a créé l’homme et la femme. Nous devons te réhabiliter. Tu es malade ». Mardi dernier, quatre personnes ont été arrêtées. Zulema a quant à elle porté plainte pour mauvais traitements psychologiques et pour avoir été obligée de s’alimenter avec des produits périmés, rappporte El Comercio. Des infrastructures similaires à ce centre, qui offrent aux parents des jeunes des « thérapies de déshomosexualisation », ne sont pas nouvelles dans le pays. Plusieurs fondations signalent leur présence en Equateur depuis maintenant 13 ans.
En 2001, Maria Auxiliadora a été enfermée de force dans une de ces cliniques de Guayaquil. Son témoignage fait partie d’un rapport du Tribunal traitant des droits des femmes en Equateur. La Jeune femme a été internée le 28 mai 2001. Le personnel l’a mise dans une chambre. De son passage dans ce lieu sans nom, elle se souvient d’une « technique thérapeutique » nommée « L’Aube » où réveillée à minuit, elle était jetée à même le sol, complètement nue, avec les bras dans le dos et la tête vers le bas. Les fonctionnaires lui criaient « Alors mec ! » et lui jetaient des seaux d’eau glacée.
Les mauvais traitements psychologiques en tant que partie intégrante du « traitement »
Le personnel a prétendu que Maria Auxiliadora était porteuse du virus du SIDA. « Ils voulaient me soigner en me plaçant la main sur la Bible. Cela faisait partie de la thérapie ». Plusieurs autres jeunes femmes ont vécu des expériences similaires. On leur répétait des phrases telles que : « Si tu étais amie avec ma fille, elle ne pourrait jamais sortir avec toi, toi qui aime les femmes, toi qui ne veut pas changer, toi qui veut ruiner ta vie ». Après sa fuite, Zulema est arrivée à Guayaquil où elle a été prise en charge par Lía Burbano, présidente de l’Association Lesbienne « Mujer y Mujer » (Femme et Femme). Burbano explique : « Nous ne nous battons pas contre les parents qui souhaitent que leurs enfants changent d’orientation sexuelle mais contre ces centres qui divulguent de fausses idées sur l’homosexualité en la faisant passer pour une maladie qui doit être traitée ». Jorge Luis Escobar, président de l’Association de Psychologues d’Equateur souligne : « la science commet une erreur historique en considérant l’homosexualité comme une pathologie ». En 1974, l’Association américaine de Psychiatrie a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales. En Equateur, elle a été considérée comme délit jusqu’en 1997. le Code Pénal pouvait proclamer des peines de prison pour les personnes se déclarant gays, lesbiennes, transsexuelles ou transgenres. Pendant son séjour, Susana a également été enchaînée pendant plusieurs jours. « C’était humiliant. J’ai marché, dormi, monté des escaliers avec des chaînes. On me disait qu’il fallait que je me libère des chaînes de mon esprit ».
Le rôle des mafias dans ces centres clandestins
Maria Auxiliadora est retournée chez ses parents qui ont cru que leur fille était « soignée ». Des mois plus tard, la jeune fille a été enlevée par des inconnus et remise en centre car son orientation sexuelle était restée la même. Ces types de cas sont nombreux. Une enquête récente a démontré que ces « centres de déshomosexualisation » sont apparus dans les années 1990 avec un décret leur permettant de traiter une orientation sexuelle comme une addiction. Actuellement, ils fonctionnent frauduleusement en se faisant passer pour des institutions qui réhabilitent les personnes souffrant de problèmes d’alcool ou de drogues. On ne connait pas vraiment leur nombre dans le pays. En outre, l’Etat équatorien est accusé d’omission de ces cas de violations des droits de l’homme.
Ces centres sont totalement incontrôlables et sans régulation aucune, a reconnu le vice-Premier ministre de la Santé, Miguel Dalo. « Le problème, c’est ce que ces centres sont administrés par des mafias qui leur permettent de fonctionner ».

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