09 juillet, 2013

Washington enfanta le terrorisme international

бен ладен сша бен ладен терроризм 2011 май коллаж

Richard Labévière, ancien rédacteur en chef de RFI et auditeur de l’IHEDN, reste une référence à citer. Cet expert et journaliste chevronné nous éclaire sur le contexte actuel des rouages américano-terroristes, peut-être responsables de l’instabilité actuelle du Proche-Orient où la guerre se propage de plus en plus.

Voix de la Russie. En 1999, vous avez sorti un ouvrage portant le titre « Les dollars de la terreur » chez Grasset. Vous y parlez du terrorisme et des Etats-Unis. Pourriez-vous nous le présenter, SVP ?
Richard Labévière. Les dollars de la terreur c’est l’argent qui finance le terrorisme couvrant la période de 1990 à 2001, puisque ce livre a été créé sur la base de recherches effectuées avant l’attentat du mois de septembre 2001. Donc dans le cadre de cet ouvrage je me suis intéressé principalement au financement du terrorisme islamiste en prenant en compte que cela me paraissait le moyen le plus sûr pour comprendre la structuration opérationnelle de ces mouvements à partir du début des années 90. Cette enquête est partie des déclarations et des prises de position des ONG à la Commission des Droits de l’Homme à Genève. J’étais correspondant diplomatique à la Télévision suisse à l’époque : les ONG algériennes revendiquaient l’assassinat des journalistes et intellectuels en Algérie et ça m’a paru assez incroyable ! J’ai eu un ami qui a été assassiné par le groupe islamique « Armée algérienne » en janvier 1992. Cet assassinat m’a amené à faire une enquête qui m’avait pris 15 ans de ma vie. J’ai commencé à travailler sur ces ONG basée en Suisse avec la protection de quelques banques s aoudiennes. Et notamment une banque qui à l’époque s’appelait « Al-Taqwa Banque » qui était la banque des Frères musulmans et qui était la filiale d’une autre grande banque saoudienne installée en Suisse avec des filiales principalement à Nassau, aux Bahamas et dans d’autres paradis fiscaux. « Les dollars de la terreur » avec comme sous-titre « Les Etats-Unis et les islamistes » était une enquête sur l’argent, les structures et l’organisation des banques islamiques et les ONG, impliquées dans le financement des groupes islamiques à partir du début des années 90 étant entendu que durant toute cette décennie qui a précédé les attentats du 11 Septembre, nous avons eu en Arabie Saoudite, Yémen et Luxor chaque année des attentats qui montaient en puiss ance et qui, chaque année étaient attribués à la nébuleuse de l’islam radical . Déjà à l’époque il était question d’Ussama Ben Laden… Depuis 1994, lorsque celui-ci fut installé à Khartoum, au Soudan, les autorités soudanaises déjà avaient proposé de le livrer aux autorités saoudiennes, voire américaines, sans que cela les intéresse beaucoup !
C’était l’examen de cette problématique islamiste que l’on voyait monter en puissance et bien avant les attentats de 2001. C’est moi qui ai expliqué que ces attentats n’étaient pas une rupture, lais la fin d’un cycle qui avait vu dès le début des années 90, avec la fin de la Première Guerre du Golfe une montée en puissance de l’islamisme radical sunnite jusqu’aux attentats du septembre 2001. Les enquêtes de financement ramenaient soit en Arabie Saoudite – banques, ONG, donations personnelles ou autres – soit au Koweït, soit au Qatar, les monarchies pétrolières sunnites et wahhabites. Cette recherche a été réalisée grâce à l’appui de la télévision suisse. Lors de l’attentat de Luxor en novembre 1997 sur les 63 touristes tués par les terroristes, il y avait 35 ressortissants suisses. Et pour cette raison en 1997-98, la télévision suisse m’a donné carte blanche pour travailler à plein temps sur ces réseaux et leur financement – enquête qui a donné lieu à plusieurs émissions et plusieurs films + ce livre qui est sorti chez Grasset. C’est traduit aux Etats-Unis et paru aux Etats-Unis l’année suivante chez un éditeur qui s’appelle « Algora Publishing ». Il est clair que j’ai bénéficié de l’appui des sources militaires et sources de renseignement, français, britanniques, arabes mais aussi des sources diplomatiques.
LVdlR. Est-ce que les Etats-Unis sont impliqués dans cette montée des extrêmes au Proche-Orient ou c’est voir trop grand ?
Richard Labévière. Je ne crois pas qu’il faille diaboliser les Américains, mais simplement regarder l’histoire. Si vous prenez le pacte de Quincy 1945, 7 jours après Yalta, où Roosevelt à bord d’un croiseur américain en mer de Marmara, reçoit Ibn Séoud, le roi de l’Arabie Saoudite et noue le premier grand pacte. C’est-à-dire que contre l’exploitation des ressources pétrolières et gazières de l’Arabie Saoudite, les Américains vont protéger la dynastie des Saouds qui, je vous le rappelle, est une dynastie qui n’avait aucune légitimité. Je vous renvoie au très bel ouvrage du professeur Vassiliev sur l’Arabie Saoudite expliquant que la dynastie légitime était les Hachimites. Mais pour des raisons politiques les Américains avaient tout intérêt à promouvoir les Saouds et en faire leurs obligés. Donc à travers ce premier pacte on va déjà avoir une alliance énergétique et politique entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.
La deuxième étape historique expliquant pourquoi les Etats-Unis sont très impliqués dans le développement du phénomène wahhabite, cette fille de l’islam radical et puis du terrorisme islamiste, c’est, bien évidemment, l’arrivée au pouvoir de Nasser au début des années 50. A partir de 1956, après l’histoire du barrage de Kerouan, Nasser choisit l’Union Soviétique contre les Américains et l’Occident. Il est clair que Nasser, nationaliste arabe, devient l’ennemi juré des Etats-Unis. A partir de ce moment-là, les services américains ne vont avoir de cesse que d’utiliser les Frères musulmans qui vont se tourner contre Nasser et de manière plus générale, contre le nationalisme arabe. La confrérie des Frères musulmans fondée en 1928 par Hassan el-Banna, va constituer la matrice générale, la Maison-mère de tous les mouvements de l’islam sunnite jusqu’au salafisme actuel, dans la mesure où ces mouvements financés par les monarchies pétrolières wahhabites vont se développer de manière internationale mais seulement dans les pays de l’arc arabo-musulman, mais également en UE et dans les républiques de l’ex-URSS, au Caucase et ailleurs y compris dans les capitales des pays occidentaux, au Canada, aux Etats-Unis, en Espagne et dans d’autres pays européens. Un vecteur puissant que les démocrates américains vont utiliser contre non seulement le nationalisme arabe mais aussi contre de différents pays : non seulement l’Egypte, non seulement Yémen, la Syrie et autres, mais aussi en Israël où les Américains et les Israéliens vont même favoriser l’implantation du Hamas et des Frères musulmans palestiniens dans les territoires palestiniens pour créer des difficultés à l’OLP de Yasser Arafat, à l’époque laïc et marxisant. Cette politique-là va culminer avec l’Afghanistan. Je vous rappelle que les déclarations que Zbigniew Brzeziński avait faites à l’époque, ancien conseiller de Carter, qu’il était très fier d’avoir précipité l’ours soviétique dans le bourbier afghan. C’est lui-même qui aidant les factions de l’islam radical les plus extrémistes avait provoqué l’enlisement soviétique en Afghanistan.
Commentaires de la Rédaction. Tel est pris qui croyait prendre ! En fait l’Occident a semé le vent et se retrouve dans de beaux draps. Pour parer au plus pressé et sauver les meubles, il faudrait commencer par désintoxiquer le cerveau des Français qui peinent à comprendre que les Américains n’ont jamais été et ne seront jamais leurs amis. Ils ne partagent ni la même histoire, ni le même continent. Issus de la civilisation atlantiste, cet Etat est beaucoup plus tributaire de la culture maçonnique et du rite protestant, contraire à l’esprit catholique et européen de la France. Mais pour autant les Américains ne sont pas les amis de l’islam non plus, car farouchement opposés aux cultures traditionnelles. Il est également à rappeler que Barak Obama a décidé que le nouveau pôle d’attraction du vingt-et-unième siècle serait la façade pacifique américaine. La Russie pourrait encore tirer son épingle du jeu avec Vladivostok, mais la France ? Alors les Américains déblaient le terrain à coups d’opérations du type « Tempête dans le désert ». Plus il y aura du gâchis dans le Vieux Monde, mieux l’Amérique s’en porterait ! Et si cela brouille le jeu des Russes qui partagent le même continent et les mêmes religions avec l’Europe, tant mieux ! L’effet s’en retrouvera doublé sinon triplé. Décidément Washington s’évertue de gagner à tous les coups, mais c’est un jeu diabolique. Autrement dit le centre de la pieuvre est outre-atlantique mais pactiser avec le bandit n’apportera rien. Le piteux état de l’économie et de la société françaises le prouvent dans tous son éclat, hélas !

french.ruvr.ru

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire