Au cours d’une interview
qu’il a accordée au journal allemand Süddeutsche Zeitung, l’économiste
américain James Galbraith a averti de l’imminence d’une nouvelle crise
grave dans la zone euro, qui sera déclenchée par la situation en
Grèce. Pour Galbraith, la vente infructueuse du monopole gazier grec à
la firme russe Gazprom est révélatrice de l’arrivée à un point de
rupture :
« Le gouvernement grec a
été incapable de vendre son monopole gazier à Gazprom pour une somme
très modeste, parce que les analystes de Gazprom croient, à juste titre,
qu’ils ne peuvent pas se fier aux prévisions de recettes du monopole du
gaz. Ai-je précisé qu’il s’agit d’un monopole ? (...) Sur quelle base
un gouvernement rationnel se met-il à vendre un monopole gazier pour les
liquidités que cette vente lui rapporteront ? La seule réponse
raisonnable est: quand il a besoin d'argent immédiatement et qu’il pense
qu'il ne survivra plus très longtemps, parce que le monopole du gaz
produit un flux continuel de recettes, à moins que vous ne le vendiez,
et dans ce cas, il quitte le giron de l’Etat. La situation actuelle
telle que le gouvernement grec la voit est absolument claire.
Mais
comme ils ne sont pas parvenus à vendre le monopole du gaz, six heures
plus tard et sans réunion de cabinet ni de débat ou vote parlementaire,
ils ont fermé la chaîne de télévision et de radio publique, visiblement
pour économiser 200 à 250 millions d’euros sur une année pour satisfaire
une demande arbitraire de ce montant de la troïka et pour montrer à
quel point ils étaient déterminés et fermes ».
Selon Galbraith, la Grèce va retourner très rapidement à un état de faillite:
« Il
y a cette notion que la Grèce détient une formule qui lui permettra de
retrouver sa compétitivité. Mais il y a un malentendu concernant ce en
quoi l'économie grecque consiste. L'industrie première est le fret
maritime, la seconde est le tourisme. Le fret maritime est un phénomène
mondial qui dépend entièrement du trafic mondial des marchandises et des
services. Et le tourisme dépend entièrement, entre autres choses, des
Allemands et des Britanniques ».
Galbraith
pense que la chute d'Athènes va probablement être causée par la
politique. Il donne pour exemple le départ du gouvernement de l’un des
partis de la coalition au pouvoir, qui a réduit la majorité du
gouvernement à trois sièges. Il se demande si la meilleure chose pour
l’Europe ne serait pas l’accession au pouvoir en Grèce du parti
d’extrême gauche Syriza, parce qu’il s’agit d’un parti pro-européen,
contrairement à ce que l’on a pu dire. Le gouvernement actuel se dirige
rapidement vers un effondrement. En Grèce, les gens sont à bout, et
compte tenu de ce stress social et le point de rupture n’est plus très
loin. Et il déclencherait rapidement des attaques spéculatives qui
s’étendraient rapidement à d’autres pays en situation de stress social,
tels que l'Espagne et le Portugal, sous la forme d'une ruée bancaire.
Bruxelles ne dispose plus que de peu de temps, affirme Galbraith. Mais la vitesse n'est pas le fort de l’UE :
« Bruxelles
a une large classe politique de gens bien intentionnés avec des visions
utopiques. Ils ne sortent pas autant qu'ils le devraient pour voir ce
qui se passe réellement. Et il y a aussi une tendance à penser que la
Grèce, eh bien, elle est loin, et que le reste d’entre nous ne sera pas
affecté si la Grèce coule. Mais moi je dis, donnez-moi un exemple d'une
union politique ou d’une confédération qui est parvenue à rester intacte
après le départ de l’une de ses parties ».
Galbraith
lui-même s’est rendu en Grèce : « Il y a deux choses qui témoignent de
la situation du pays. L’une, c’est que dans les rues d’Athènes, vous
voyez des personnes âgées fouiller les poubelles à la recherche de
nourriture. Vous voyez des tas et des tas de gens dormir dans les rues,
c’est une vision très déprimante. Vous voyez aussi des kilomètres de
vitrines de boutiques vides. Et vous voyez des boutiques de prêts sur
gage, des chaînes de boutiques de prêts sur gage, et parfois ce sont les
seules entreprises viables à occuper des immeubles de bureaux plutôt
laids qui auraient été vides autrement. (…) L’autre chose que j’ai vue, à
l’extérieur des bureaux de l’ERT (la chaîne de télévision et de radio
publique) (…) c’est cette atmosphère de, je ne l’appellerai pas
manifestations, que nous avons ici, ‘nous sommes ici parce que nous
voulons protéger, nous n’allons pas permettre cette fermeture de la
chaîne de télévision et de radio publique, et donc nous sommes ici pour
nous interposer entre le personnel à l’intérieur et les forces de
l’ordre à l’extérieur' ».
« Pour
ramener cela au 20ème siècle, la Yougoslavie a implosé juste après le
départ d’une seule république, qui était la Slovénie. Et l'Union
soviétique a cessé d'exister après le départ des pays baltes, qui
étaient minuscules en comparaison avec l’ensemble. Une fois qu’une
partie d'une entité est jetée dehors, vous avez un processus cumulatif
qui peut aller très très vite ».
Le
seul pays qui peut sauver l'Europe est l'Allemagne, estime Galbraith.
Après les élections, la chancelière Merkel doit évoquer la possibilité
d’une nouvelle et importante restructuration de la dette grecque et la
mise en oeuvre d’un plan européen de programmes d'investissements. Si
l’Allemagne s’y refuse, les conséquences d'un éclatement de l'Europe lui
seront fatales :
« Si vous voulez la
dislocation, vous pouvez, mais le prix est énorme. Il a été de 40% au
cours d’expériences récentes que nous avons eues. C’est donc une bonne
référence pour ce qui pourrait arriver au niveau de vie si vous décidiez
subitement de revenir à des contrôles de capitaux, des barrières
douanières et de procéder à la nationalisation des industries. Et bonne
chance pour essayer de construire des industries nationales capables de
concurrencer les industries allemandes hautement compétitives, mais qui
n’auront plus de marché parce que plus personne ne sera capable
d’acheter leurs biens (du fait du renchérissement du mark après la
dislocation de l’euro, ndlr) ».
express.be
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31 juillet, 2013
'L'éclatement de la zone euro est possible... Mais il s'accompagnera d'une baisse de 40% des niveaux de vie actuels'
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