19 juillet, 2013

'Le gouvernement a tué un garçon de seize ans. Ne devrait-il pas au moins expliquer pourquoi il l'a fait?'


« J’ai appris que mon petit-fils de seize ans, Abdulrahman, un citoyen américain, a été tué lors d’une attaque d’un drone américain, grâce aux actualités du lendemain de sa mort. Il a été tué par le missile, ainsi que son cousin adolescent et au moins 5 autres civils le 14 Octobre 2011, alors qu’ils dînaient à la terrasse d’un restaurant du Sud Yemen. J’ai visité le site plus tard, dès que j’ai été capable de supporter la douleur de voir où il était assis au cours de ses derniers moments. Des gens des environs m’ont dit que son corps avait été mis en pièces. Ils m’ont montré la tombe où ils ont enterré ses restes. Je m’y suis recueilli, demandant pourquoi mon petit-fils était mort. Presque deux ans plus tard, je n’ai toujours pas de réponse », écrit Nasser al-Awlaki , l'ancien ministre de l'Agriculture au Yémen, dans un article d'opinion dans le New York Times.
« Ce n’est qu’au mois de mai de cette année que l'administration Obama, sans doute pour être plus transparente, a publiquement reconnu ce que le monde savait déjà : qu’elle était responsable de sa mort ». (…)
« Mon petit-fils Abdulrahman a été tué par son propre gouvernement. L’administration Obama doit répondre de ses actions et prendre ses responsabilités. Vendredi, je vais solliciter un tribunal fédéral de Washington pour qu’il demande au gouvernement de le faire.
Abdulrahman était né à Denver. Il avait vécu aux Etats-Unis jusqu’à ses 7 ans, puis il était parti vivre avec moi au Yemen. C’était un adolescent typique, qui regardait The Simpsons, écoutait Snoop Dogg, avait lu Harry Potter et avait une page sur ​​Facebook avec plusieurs amis. Il avait une chevelure ondulée, des lunettes comme moi, et un sourire large et timide.
En 2010, l’administration Obama avait mis le père d’Abdulrahman, mon fils Anwar, sur les listes des « bons à tuer »  de la CIA et du Pentagone, composées de ceux que l’on soupçonnait de terrorisme. Un drone l’a tué le 30 Septembre 2011.
Le gouvernement a réitéré ses accusations de terrorisme à l’encontre d’Anwar, qui était aussi un citoyen américain, mais ne l'a jamais accusé d'aucun délit. Aucune cour n’a jamais examiné les affirmations du gouvernement et aucune preuve démontrant qu’il aurait pu faire du mal n’a jamais été présentée à un tribunal. Il ne méritait pas qu’on le prive de ses droits constitutionnels en tant que citoyen américain, et qu’on le tue ». (…)
« [Abdulrahman] est mort deux semaines après son père.
Un pays qui pense qu'il n'a pas à répondre pour le meurtre des siens n’est pas l'Amérique telle que je l’ai connue. De 1966 à 1977, j'ai réalisé un rêve d'enfant et je suis parti étudier aux États-Unis en tant qu’universitaire à Fulbright, j’y ai obtenu mon doctorat, puis je suis allé travailler en tant que chercheur et professeur assistant dans les universités du Nouveau-Mexique, du Nebraska et du Minnesota. J’ai des souvenirs merveilleux de cette époque. (…) Abdulrahman me disait qu’il voulait faire la même chose que moi et qu’il voulait retourner aux États-Unis pour étudier. Je ne peux plus supporter de repenser à ces conversations, désormais.
Après qu’Anwar avait été mis sur la «liste» du gouvernement, mais avant qu'il soit tué, l’American Civil Liberties Union et le Center for Constitutional Rights m’avaient représenté dans un procès dans lequel nous nous sommes battus contre l'argument du gouvernement selon lequel il pouvait tuer toute personne qu’il estimait être un potentiel ennemi de l’Etat. La cour a rejeté l’affaire, disant que je ne pouvais pas attaquer le gouvernement pour le compte de mon fils, et que le programme de meurtres ciblés du gouvernement était de toute façon en dehors de sa juridiction.
Après les décès d’Abdulrahman et d’Anwar, j’ai entamé un nouveau procès, pour chercher des réponses et définir les responsabilités. Le gouvernement a déclaré une fois de plus que son programme de meurtres ciblés dépassait les compétences des tribunaux. J’ai du mal à croire que cela puisse être légal dans une démocratie constitutionnel basée sur un système d’équilibre des pouvoirs.
Le gouvernement a tué un garçon de seize ans. Ne devrait-il pas au moins expliquer pourquoi il l’a fait? »

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