19 juillet, 2013

En Jordanie, le camp de Zaatari devient une véritable ville



Le camp de Zaatari, en Jordanie, où vivent plus de 100.000 réfugiés syriens. REUTERS/Mandel Ngan/Pool
Le camp de Zaatari, en Jordanie, où vivent plus de 100.000 réfugiés syriens. REUTERS/Mandel Ngan/Pool
Reportage Le camp compte aujourd'hui quelque 115.000 réfugiés syriens.

Vu d'en haut, ce sont des rangées de tentes et de préfabriqués à perte de vue dans le désert jordanien. Ouvert il y a un an pour accueillir des Syriens ayant fui la guerre, Zaatari, où vivent quelque 115.000 réfugiés dans des conditions très difficiles, est un camp qui ressemble de plus en plus à une véritable ville.

Au fil des mois, le camp temporaire, devenu la cinquième plus importante ville de Jordanie par sa population, s'est structuré. Les tentes cèdent la place à des sortes de préfabriqués en plastique et aluminium, actuellement au nombre de 16.500.

Lors d'une visite au camp jeudi du secrétaire d'Etat américain John Kerry, son administrateur, Kilian Kleinschmidt, du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), a noté que vu le peu de chances de voir le conflit prendre fin rapidement, les habitants -qui entendent régulièrement la nuit le son des canons de l'autre côté de la frontière- se résignent de plus en plus à un séjour prolongé. Nombre d'entre eux viennent de la province frontalière de Deraa,
Les seuils des "maisons" ont été cimentés pour se protéger de la boue, certaines familles ont même mis de petites fontaines devant leur domicile, histoire de se sentir chez eux, explique M. Kleinschmidt.
Les réfugiés, jamais à court d'idées, se sont même connectés au réseau d'électricité du camp, laissant une facture mensuelle de près de 500.000 dollars. Le gros de l'électricité volée alimente quelque 3.000 magasins et 580 restaurants et étals de nourriture qui ont poussé comme des champignons sur quelques rues bitumées.
"Les gens de Deraa sont des commerçants. Ils ont ça dans le sang", indique M. Kleinschmidt.
Les réfugiés peuvent ainsi siroter un thé, acheter des chaussures, ou marchander un climatiseur pour équiper leurs maisons, dont nombre sont munies d'antennes satellitaires. Dix taxis aux prix élevés sillonnent par ailleurs la ville.
Certains sont parvenus à emmener de l'argent avec eux lors de leur fuite. D'autres fonds proviennent de leur famille travaillant dans le Golfe ou en Occident.


Une ville temporaire
Le camp comprend trois hôpitaux, deux écoles, un important centre de distribution de nourriture et d'autres seulement pour le pain. Il est aussi doté de cinq terrains de football et d'aires de jeux avec des toboggans et balançoires.
"C'est important d'occuper 60.000 enfants", souligne M. Kleinschmidt, déplorant cependant que sur les 30.000 en âge d'être scolarisés, seuls 5.000 suivent des cours. Entre 12 à 15 bébés naissent en moyenne chaque jour dans le camp, 70% de sa population étant des femmes ou des enfants.
"Je ne gère pas un camp, je gère une ville temporaire", confie M. Kleinschmidt. Selon le HCR, le fonctionnement du camp coûte 1 million de dollars par jour.

Les violences des premiers mois, avec des travailleurs humanitaires agressés régulièrement à coups de pierres par des réfugiés furieux de leurs conditions de vie, ont laissé la place à un nouvel état d'esprit, même si les tensions persistent, indique M. Kleinschmidt. "Je vois que cela commence à se tasser. C'est parce que nous avons commencé un nouveau dialogue (...) nous aidons les gens à les sortir de ce sentiment de désespoir total", dit-il.

Selon le gouvernement, les réfugiés syriens sont actuellement 550.000 et leur nombre pourrait augmenter encore dramatiquement, menaçant les faibles ressources en eau et le tissu social du pays. "Nous disons toujours que nous avons hâte de fêter la fermeture du camp et le retour des gens dans leur pays", souligne le ministre des Affaires étrangères, Nasser Jawdeh.

A la question de savoir combien de temps le camp demeurerait encore ouvert, M. Kleinschmidt refuse de se prononcer: "trois jours, 30 ans, qui sait ?".

.lorientlejour.com

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