05 juin, 2013

Guerre commerciale : Pékin sème la zizanie entre Paris et Berlin


Les représailles chinoises visent avant tout le vin français.
Les représailles chinoises visent avant tout le vin français. Crédits photo : LEIF CARLSSON/Le Figaro Magazine
Après les sanctions de Bruxelles sur le solaire, Pékin menace de taxer les vins français. Berlin se désolidarise de Bruxelles. Paris demande une réunion européenne d'urgence.

La Chine est prête à la guerre commerciale. Pékin n'a pas tardé à répliquer aux taxes de Bruxelles sur le solaire chinois en lançant une enquête antidumping sur les vins importés de l'Union européenne. N'en déplaise à Bruxelles, l'enquête chinoise pourrait aboutir, assez vite, sur une hausse des taxes à l'importation de vins européens, aujourd'hui imposés à 48 %.
Ces représailles visent avant tout la France, qui a ouvertement appuyé les sanctions de Bruxelles contre les panneaux solaires chinois. Si la Chine réplique à l'Europe dans son ensemble, elle choisit habilement sa cible. Ce sera Paris et non Berlin, où la chancelière a fait savoir tout le mal qu'elle pensait des sanctions lancées par Bruxelles.
Si le vignoble n'est pas Airbus, l'affaire est prise très au sérieux à l'Élysée. Avec 140 millions de litres vendus en 2012, pour un montant de 788 millions de dollars, la France est le premier exportateur européen de vin vers la Chine. La Chine représente 20 % des exportations des vins de Bordeaux. Les vins et spiritueux sont le deuxième poste excédentaire de la balance commerciale de la France, derrière l'aéronautique. Ils représentent à eux seuls 83 % de l'excédent de l'agroalimentaire français.
Attaquée, la France ne peut pas répliquer à l'OMC, sans l'aval de Bruxelles. En attendant, elle réclame une «réunion» des 27 pays de l'UE, pour dégager une «solidarité de point de vue» sur les négociations commerciales avec la Chine. La réunion des ministres du Commerce de l'UE, le 14 juin à Luxembourg, pourrait être l'occasion d'une grande explication en famille. Elle s'annonce houleuse.
Quinze pays européens, dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, se sont prononcés contre les sanctions contre la Chine, par peur des représailles. La France, elle, ne défend pas tant ses panneaux solaires que ses grands principes: l'Europe doit cesser de se montrer «naïve» avec la Chine, insiste-t-on à Paris, et doit savoir «montrer les dents» lorsqu'il le faut. François Hollande, comme Nicolas Sarkozy ou Jacques Chirac, avant lui, défend l'idée d'une «Europe qui protège» face à la brutalité de la mondialisation, un thème jugé plus populaire que l'ultralibéralisme défendu à Bruxelles ces dernières années.

Intérêts commerciaux

Encore faut-il que les États européens s'entendent sur une stratégie commune face à la Chine. Ce qui n'est pas le cas. Car Pékin s'est trouvé un allié de poids sur le Vieux Continent: l'Allemagne, plus attentive que jamais à ses intérêts commerciaux en Asie, alors que l'Europe en récession lui achète moins de produits.
La chancelière, Angela Merkel, s'est clairement rangée du côté du premier ministre chinois, Li ­Keqiang, lors de sa visite à Berlin fin mai. Le gouvernement allemand avait affirmé que la décision de la Commission européenne de taxer les importations de panneaux ­solaires chinois était une erreur et a appelé à un dialogue intensif avec Pékin.
«L'Allemagne a toujours clairement dit que nous, le gouvernement, privilégions le dialogue et non la confrontation», a déclaré le ministre allemand de l'Économie, Philipp Rösler, qualifiant la mesure provisoire de Bruxelles de «grave erreur». L'objectif devrait être «d'empêcher dans tous les cas une guerre commerciale, qui s'étendrait à bien davantage de secteurs que le seul secteur du photovoltaïque», a-t-il ajouté.
D'après le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, Pékin et Berlin «aspirent à une solution à l'amiable». «Ce n'est pas l'intérêt ni de l'Europe, ni de l'Allemagne, ni de la Chine de tendre vers un tassement des échanges commerciaux», a-t-il ajouté, appelant à ce que les mois à venir soient utilisés par la Commission pour nouer «un dialogue étroit avec la Chine à la ­recherche d'une solution amiable» et éviter d'inscrire ces taxes dans la durée.
Pour Bruxelles, l'instauration de ces taxes était une «mesure d'urgence pour donner un ballon d'oxygène à un secteur qui souffre» du dumping des firmes chinoises. Elles ne deviendront définitives que si une majorité d'États membres le décide. Ce qui semble de plus en plus compromis…

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