25 juin, 2013

Avec Snowden, l'Equateur reprend le flambeau de l'anti-impérialisme


L'Equateur a profité de la demande d'asile de l'ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden pour brandir à nouveau le flambeau de l'anti-impérialisme et de la défense de la liberté d'expression, au risque d'aggraver des relations déjà tendues avec les Etats-Unis.
Un an après avoir accordé l'asile au fondateur du site WikiLeaks Julian Assange, retranché dans l'ambassade d'Equateur à Londres, les autorités de Quito ont accepté d'examiner une nouvelle demande formulée par l'ex-collaborateur de l'Agence nationale de sécurité (NSA), accusé d'espionnage et de trahison par Washington.
"C'est une posture anti-impérialiste qui cherche à démontrer la capacité d'action de petits pays dans le contexte international", affirme à l'AFP Michel Levi, expert en relations internationales à l'université Andine de Quito.
Selon ce politologue, le gouvernement équatorien pense en outre qu'en accordant ainsi l'asile, il donne la parole à "des personnes qui ne pourraient pas faire entendre leur voix".
Edward Snowden, qui s'est apparemment rendu dimanche à Moscou en provenance de Hong Kong, est recherché par les Etats-Unis pour avoir divulgué des informations explosives sur les opérations américaines de surveillance électronique.
Alors que cette affaire suscite de fortes tensions diplomatiques entre les Etats-Unis d'un côté, et la Chine et la Russie de l'autre, le ministre équatorien des Affaires étrangères Ricardo Patiño, lors d'une tournée au Vietnam, a apporté lundi un soutien appuyé au combat de M. Snowden, estimant qu'il avait tenté de "faire la lumière et la transparence sur des faits qui affectent tout le monde".
Le président Correa, un dirigeant socialiste entretenant des relations conflictuelles avec la Maison Blanche, a souligné qu'il prendrait sa décision dans "le respect absolu de la souveraineté".
C'est quasiment dans les mêmes termes que le chef de l'Etat avait évoqué, il y a un an, la demande d'asile de Julian Assange, autre bête noire de Washington pour avoir dévoilé sur son site des centaines de milliers de télégrammes américains confidentiels.
Le cyber militant australien est réfugié depuis juin 2012 à l'ambassade d'Equateur à Londres, afin d'éviter une extradition en Suède pour une affaire de viol qu'il nie, redoutant d'être dans un second temps transféré vers les Etats-Unis.
"C'est un défi lancé à la capacité d'action des Etats-Unis, qui ne vont pas être contents du tout si l'Equateur accorde l'asile", indique encore M. Levi.
Pour Marco Romero, directeur d'études à l'Université Andine, l'affaire Snowden soulève des questions ayant d'"énormes conséquences géopolitiques" et ouvre un débat sur "les limites entre la défense des libertés civiques et celle de la sécurité nationale".
L'expert estime en outre que cette affaire tombe à pic pour le président équatorien qui veut en tirer un "bénéfice intérieur" au moment où M. Correa est à nouveau critiqué suite à l'adoption d'une loi controversée sur les médias privés, accusés de vouloir déstabiliser le gouvernement.
Votée il y a quelques jours, cette loi, qui réduit la part des fréquences radios et télévisées attribuées aux médias privés, avait suscité la préoccupation des Etats-Unis et de plusieurs associations internationales comme Human Rights Watch (HRW).
Selon les observateurs, l'octroi de l'asile à M. Snowden constituerait un nouveau coup aux relations entre l'Equateur et les Etats-Unis, qui étaient tombées à leur plus bas niveau en avril 2011 lorsque Quito avait expulsé l'ambassadrice américaine Heather Hodges, à la suite d'un câble diplomatique révélé par WikiLeaks.
Allié du défunt président vénézuélien Hugo Chavez, mentor de la gauche radicale latino-américaine, M. Correa a aussi mis fin à l'accord permettant aux Etats-Unis de disposer d'une base militaire en Equateur dans le cadre de la lutte anti-drogue.
"Ce serait le coup de grâce" pour les relations bilatérales, a assuré à l'AFP Francisco Carrion, prodesseur à la Faculté latino-américaine de sciences sociales de Quito (Flasco).
Selon lui, l'Equateur pourrait affronter diverses représailles de la part des Etats-Unis, comme des "répercussions commerciales", une "réduction de la coopération" ou des "investissements", ainsi que des difficultés pour obtenir des crédits auprès de la Banque interaméricaine de développement (BID).

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