11 juin, 2013

Armes chimiques: Deux entreprises françaises visées par une plainte de victimes du massacre d’Halabja


MONDE – Des survivants du massacre d’Halabja, village du Kurdistan irakien attaqué à l’arme chimique par Saddam Hussein en 1988, ont déposé plainte ce lundi à Paris pour mettre en lumière le rôle exact qu’ont joué deux sociétés françaises. Une première...

Que savaient exactement les entreprises françaises quand elles livraient à l’Irak de Saddam Hussein du matériel servant à faire des armes chimiques? C’est ce que cherchent à savoir les victimes du massacre d’Halabja, ce village tristement célèbre du Kurdistan irakien, que l’ancien président a attaqué à l’arme chimique le 16 mars 1988, faisant quelque 5.000 victimes. Vingt-cinq ans plus tard, vingt survivants ont déposé plainte contre X ce lundi au tribunal de grande instance de Paris pour complicité de crimes contre l’humanité et recel du produit de ces crimes.
«Notre but est qu’un juge d’instruction enquête pour savoir quel était le niveau d’informations des entreprises visées, explique à 20 Minutes David Père, l’avocat français des plaignants. Soyons clairs: ces sociétés ne vendaient pas des armes, mais du matériel servant soit à faire des pesticides, soit des armes chimiques. Or, à l’époque, on savait déjà que le régime utilisait des armes chimiques [interdites par le droit international] contre la population. Nous pensons que ces entreprises ne pouvaient pas ignorer ce que faisait le régime de leur matériel. On souhaite qu’elles soient confrontées à leurs responsabilités.» Deux entreprises françaises sont visées par la plainte, mais pour l’heure, l’avocat préfère ne pas divulguer leur nom. 

Il a fallu du temps pour rassembler les preuves 

C’est la première fois que des victimes du massacre d’Halabja portent plainte. Et cette action en justice n’est que le début d’une série d’autres, pilotées par un avocat américain, Gavriel Mairone, avec lequel travaille David Père. Elles viseront, dans les semaines et les mois à venir, des entreprises étrangères en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et en Suisse.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour porter plainte? D’abord parce que «les survivants, qui ont de graves séquelles de l’attaque, étaient occupés à survivre au jour le jour, explique l’avocat français. Ensuite parce que, jusqu’à récemment, envisager une action en justice était inenvisageable. Jusqu’à la chute de Saddam Hussein, les Kurdes étaient des parias dans leur propre pays et n’avaient aucun droit. Cela a changé après la chute du régime», en 2003. Condamné pour crimes contre l’humanité, l’ancien président irakien a été pendu en 2006. Son homme de main et cousin, Ali Hassan al-Majid, dit «Ali le Chimique», a connu le même sort quatre ans plus tard pour sa responsabilité, entre autres atrocités, dans le massacre d’Halabja.

«Regardez ce qui se passe en Syrie»

Il a aussi fallu du temps pour rassembler les preuves. «Une enquête douanière avait été menée à l’époque côté français, mais elle s’arrêtait à la frontière, et on ignorait ce que l’Irak faisait du matériel exporté», explique l’avocat français. Un rapport secret effectué par l’Irak en 1996 pour le Conseil de sécurité de l’ONU, et dont des fuites sont parues sur Internet quelques années plus tard, a permis de reconstituer la partie manquante. Le document, crucial, détaille le type de matériel livré aux Irakiens, notamment des équipements de production d’agents chimiques, des colonnes et des citernes en acier vitrifié.
Les avocats des plaignants insistent: même si l’attaque a eu lieu vingt-cinq plus tôt, «ce n’est pas une question du passé. Regardez ce qui se passe en Syrie [le régime de Bachar al-Assad est accusé d’avoir utilisé des armes chimiques]. Cette procédure judiciaire est un message important pour l’avenir, pour que cesse l’impunité des fabricants d’armes chimiques et qu’ils sachent qu’ils pourront être poursuivis». Tôt ou tard.

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