09 mai, 2013

Le Monde.fr

Laurent Fabius, le 8 mai à Paris.

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, revient, mercredi 8 mai, sur sa première année au Quai d'Orsay.
Sur la Syrie, crise majeure dans la région la plus troublée de la planète, la France n'a-t-elle pas une position attentiste ?

La tragédie syrienne, si elle se poursuit, peut être la pire catastrophe humanitaire et politique de ce début de siècle. Les morts, les blessés, les déplacés, les réfugiés se chiffrent par centaines de milliers en Syrie ou dans les pays voisins. Si on ne porte pas un coup d'arrêt au conflit, c'est l'éclatement du pays qui se profile, l'ultra-radicalisation sectaire des deux camps, la déstabilisation de toutes les composantes de cette zone déjà éruptive. Le chaudron syrien constitue, avec le nucléaire iranien – et d'ailleurs les deux sont liés –, la plus grande menace actuelle contre la paix.

Seuls, nous ne pouvons résoudre ce conflit, mais nous sommes constamment à l'initiative.
Nous entendons poursuivre selon quatre orientations. D'abord, continuer de pousser une solution politique : les Etats-Unis doivent pleinement s'engager, les discussions avec la Russie se renforcer ; nous proposons depuis longtemps un Genève II, faisant suite à la réunion de Genève en juin 2012 qui avait failli réussir.
Deuxième décision, nous allons augmenter notre soutien envers l'opposition modérée, la Coalition nationale syrienne qui doit s'élargir, s'unifier et garantir clairement à chaque communauté le respect de ses droits en cas de changement de régime. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, nous proposons de classer comme "organisation terroriste" au sens de l'ONU le Front Al-Nosra, opposé à Bachar Al-Assad mais filiale d'Al-Qaida.
Troisième décision, discuter avec nos partenaires européens de l'embargo sur les armes. D'un côté, il n'est pas question que les résistants et les civils continuent d'être bombardés : ils demandent légitimement les moyens de se protéger. De l'autre, on ne peut pas leur fournir d'armements susceptibles de tomber dans les mains du régime ou de mouvements terroristes.
Enfin, nous sommes en train de préciser nos enquêtes et nos plans d'action face à la possibilité d'utilisation par Assad d'armes chimiques. Il faut bouger et bouger vite.
François Hollande avait dit que l'utilisation d'armes chimiques entraînerait une réponse "fulgurante". Or il semble que certaines aient été utilisées...
Il existe des indices en ce sens mais pas de preuves. Nous creusons cette question importante.
Après l'embarras lors des révoltes à Tunis et au Caire puis l'intervention en Libye, la France ne s'est-elle pas alignée sur l'embarras américain sur la Syrie ?
Je ne le crois pas. Ces transitions arabes prendront du temps. Les situations ne sont pas les mêmes selon les pays. Nous soutenons ces mouvements, les causes, les valeurs qui les ont animés. Nous les soutenons sur le plan économique, politique, et en même temps nous voulons le respect de deux principes : les libertés fondamentales (droit d'expression, droits des femmes...) et la possibilité d'alternance, le pluralisme. Ces peuples doivent pouvoir librement décider s'ils veulent continuer, accélérer ou prendre un autre chemin.
En Syrie, la radicalisation militaire de Damas et islamiste au sein de l'opposition n'invalide-t-elle pas ces deux années d'attentisme ? Ne fallait-il pas intervenir militairement ?
Depuis un an, nous avons organisé la grande conférence des amis de la Syrie à Paris et été les premiers à reconnaître la Coalition nationale syrienne. Nous avons été très actifs dans l'aide humanitaire. Nous avons aussi, les premiers, accrédité un ambassadeur de la Coalition à Paris. Nous avons soutenu Moaz Al-Khatib, le président de la Coalition, dans sa proposition courageuse de dialogue avec certains éléments du régime. Nous avons participé, et j'étais moi-même un de ceux qui ont tenu la plume, à "Genève I". Nous faisons partie du noyau de ceux qui peuvent peser.

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