07 novembre, 2012

Mitt Romney avait trop de handicaps à surmonter pour gagner


BOSTON (Reuters) - Mitt Romney a concédé tôt mercredi sa défaite à l'élection présidentielle américaine, appelant démocrates et républicains à tourner le dos aux "affrontements partisans" en ce "moment critique" pour les Etats-Unis.
Dans une ambiance lugubre, l'ancien gouverneur du Massachusetts, qui a pris l'initiative d'appeler Barack Obama au téléphone pour reconnaître sa défaite, a remercié ses partisans venus le soutenir à son QG de Boston.
"J'aurais aimé être capable d'assouvir vos rêves et de conduire notre pays dans une autre direction, mais la nation a choisi un autre dirigeant", a-t-il dit.
En ce "temps de grand défi pour les Etats-Unis", il a également "prié pour que le président réussisse à guider notre nation". "Dans un moment comme celui-là, nous ne pouvons pas prendre le risque d'affrontements partisans et de postures politiciennes", a-t-il poursuivi.
Investi par le Parti républicain à sa deuxième tentative, après son échec de 2008, Mitt Romney, milliardaire de confession mormone, pensait être en mesure de se frayer un chemin vers la Maison blanche en mettant en avant ses qualités et son expérience de gestionnaire dans un contexte de crise économique et de chômage élevé.
Après une rude campagne pour les primaires, où ses adversaires conservateurs Newt Gingrich et Rick Santorum ont instruit son procès en "modéré du Massachusetts", une quasi-insulte, Mitt Romney s'est progressivement attaché le soutien du Grand Old Party.
Au terme d'un été maussade marqué par quelques dérapages verbaux - son fameux "Je n'ai pas à me soucier de ces gens" en allusion aux 47% d'Américains ne payant pas d'impôts sur le revenu -, et une glissade dans les sondages, il a même ranimé la flamme en sortant grand vainqueur, le 3 octobre et devant 75 millions de téléspectateurs, du premier des trois débats organisés entre les deux prétendants à la fonction suprême.
De l'avis d'un de ses proches conseillers, Stuart Stevens, il est resté convaincu durant toute la campagne que la force de son message économique l'emporterait sur tout le reste, ses gaffes, les divisions nées des primaires républicaines, ses changements d'avis, le charisme et la cote de popularité de son adversaire.
DEUX HEURES DE SILENCE
Willard Mitt Romney, 65 ans, n'était-il pas en effet ce fin connaisseur du monde de l'entreprise qui a sauvé les Jeux olympiques d'hiver de 2002 à Salt Lake City ? Dans son programme, dans ses discours, il promettait de remettre en route l'entreprise Amérique et de créer douze millions d'emplois.
Mais Romney, dont la fortune personnelle estimée entre 190 et 250 millions de dollars fait l'un des candidats les plus fortunés à avoir brigué la présidence, n'est pas parvenu à remporter les "Swing States" cruciaux de Virginie et de l'Ohio.
La campagne présidentielle la plus chère de l'histoire politique des Etats-Unis et parmi les plus âpres ne s'est pas achevée sans une certaine confusion.
Lorsque les réseaux de télévision ont déclaré Obama vainqueur de l'Ohio par une marge réduite, certains se sont demandés si l'équipe de campagne de Mitt Romney n'allait pas engager un recours.
Après l'annonce par les chaînes américaines de la réélection du président démocrate, le candidat républicain lui-même a laissé passer deux heures avant d'admettre sa défaite.
Entre-temps, d'autres Etats clefs, dont la Virginie, le Nevada et le Colorado, étaient tombés dans le camp démocrate, et même une remise en cause des résultats dans l'Ohio n'aurait pas modifié la donne.
Vers 01h00 du matin (06h00 GMT), le silence s'est fait lorsque Romney est monté sur l'estrade de la salle de balle de Boston, devant ses partisans et face aux caméras.
VICTIME DES PRIMAIRES RÉPUBLICAINES ?
Dans son discours, il a appelé les élus démocrates et républicains "présents à tous les niveaux de gouvernement" à "faire passer le peuple avant la politique".
"Je crois en l'Amérique. Je crois en son peuple. Et je me suis porté candidat parce que je suis inquiet pour l'Amérique", a-t-il poursuivi, s'interrompant un court instant sous le coup de l'émotion.
"Cette élection est terminée mais nos principes perdurent et je crois que les principes sur lesquels notre nation a été fondée sont le seul guide vers une économie renaissante et une grandeur renouvelée."
Au moment où, à quelque 1.500 km plus à l'ouest, Barack Obama retrouvait ses partisans à Chicago, la salle de Boston était pratiquement désertée.
Dans son entourage, des conseillers expliquent que la candidature Romney a été pénalisée par les divisions profondes apparues lors des primaires du Grand Old Party.
Ses rivaux d'alors n'ont pas manqué de pointer les revirements programmatiques ou idéologiques de Mitt Romney, estimant qu'il n'était pas qualifié pour incarner le conservatisme du parti.
Ils notent aussi que le staff d'Obama a été particulièrement habile, reprenant cette thématique - Romney "n'a pas de substance", a dit David Axelrod, le stratège électoral du président démocrate - et imposant très tôt dans la campagne l'idée que Mitt Romney était un "candidat des riches" coupé des préoccupations de la majorité des Américains.
Une image qui colle à la peau de ce fils de la haute société américaine, dont le père, George, fut président d'American Motors Corporation, quatrième compagnie de l'industrie automobile américaine, mais aussi gouverneur du Michigan et rival malheureux de Richard Nixon à la primaire républicaine de 1968.
En 2008, John McCain, le candidat républicain battu par Barack Obama, se présentait en héros de guerre et ancien prisonnier du Vietnam. Pour attester de sa force de caractère, Romney, lui, ne pouvait guère présenter que son expérience de missionnaire dans la France des années 1960.
Et là où, avant lui, Jimmy Carter, Ronald Reagan, Bill Clinton et George W. Bush pouvaient mettre en avant leur bilan de gouverneur d'Etat, il devait passer sous silence la principale réalisation de son mandat à la tête du Massachusetts: une réforme de la santé ressemblant fortement à celle de Barack Obama, honnie par une large partie de l'électorat républicain.
Dans la dernière ligne droite, les ravages de l'ouragan Sandy, qui ont éclipsé un temps la campagne, ont pu aussi desservir sa candidature alors que Barack Obama imposait son statut de "commandant en chef" coordonnant les secours.
"C'était une campagne serrée, très décevante évidemment pour ceux d'entre nous qui avons soutenu le gouverneur Romney", notait mardi soir Bob Grady, un investisseur du Wyoming qui a conseillé Romney et travaillé auparavant pour la présidence de George H. Bush (1988-1992).
Avec Sam Youngman; Marine Pennetier et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief

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