14 septembre, 2012

Depuis quand brûle-t-on des drapeaux américains?


Depuis plus d'un siècle aux Etats-Unis, mais seulement 30 ans à l'étranger.

Des partisans de Awami Majlis-e-Amal Pakistan lors d'une manifestation anti-américaine à Quetta au Pakistan le 13 juillet 2012, REUTERS/Naseer Ahmed - Des partisans de Awami Majlis-e-Amal Pakistan lors d'une manifestation anti-américaine à Quetta au Pakistan le 13 juillet 2012, REUTERS/Naseer Ahmed -
Des manifestants qui protestaient contre un film qu’ils considèrent comme blasphématoire pour l’islam ont pris d’assaut l’ambassade américaine à Sanaa, la capitale du Yémen, jeudi 13 septembre, où ils ont notamment descendu et brûlé le drapeau américain. La veille, une attaque contre le consulat américain avait fait quatre morts, dont l'ambassadeur, et des heurts ont également eu lieu en Egypte. Depuis, la «bannière étoilée» a également été brûlée par des manifestants en colère contre le même film à Bagdad, Tunis et dans la bande de Gaza. Depuis quand brûle-t-on des drapeaux américains?
Depuis au moins un siècle aux Etats-Unis, mais moins que cela à l’étranger. S’il est impossible de déterminer avec certitude la date du premier drapeau américain brûlé, la première vague documentée de drapeaux brûlés a eu lieu lors des élections présidentielles de 1896, une des élections les plus tendues et complexes de l’histoire des Etats-Unis. Les Républicains avaient notamment organisé un «Flag Day» («jour du drapeau») le 31 octobre, où tous les partisans étaient appelés à «se rassembler dans leurs villes, villages et hameaux et à montrer leur patriotisme, leur dévotion à leur pays et au drapeau».
Un cas en particulier est resté célèbre. Un partisan du candidat démocrate William Jennings Bryan arracha un drapeau américain des mains d’une fillette, qui s’est révélée être la fille d’un membre de la campagne du républicain William McKinley, et le jeta au feu.
Le droit de profaner, et donc de brûler, le drapeau américain a fait l’objet de nombreuses batailles juridiques et politiques. Au début du XXe siècle, presque tous les Etats américains ont fait passer des lois contre la profanation du drapeau, menacé à leurs yeux par les couleurs des confédérés du sud et aussi par les nombreuses utilisations commerciales.
Le Congrès américain a voté une loi fédérale en interdisant la profanation après que des manifestants anti-Guerre du Vietnam ont brûlé des drapeaux américains à Central Park, en 1968. Mais une décision de la Cour suprême en 1989 selon laquelle la profanation du drapeau est une forme de liberté d’expression protège désormais les incendiaires. Depuis 1994, le Congrès, dominé par les Républicains, a tenté à six reprises d’amender la Constitution pour passer outre la décision de la Cour suprême et réautoriser la punition, mais sans succès.
A l’étranger, les premiers cas médiatisés de drapeaux américains brûlés remontent à 1979, au moment de la crise des otages américains en Iran. Des photos de presse de l’époque montrent des manifestants iraniens brûler le «Stars and Stripes» sur le mur de l’ambassade américaine à Téhéran le 4 novembre.
La prise d’otages est célébrée chaque année par des manifestations organisées par le gouvernement iranien au cours desquelles des drapeaux américains sont traditionnellement incendiés et des slogans anti-américains chantés. Aujourd’hui, la bannière étoilée est régulièrement enflammée dans des manifestations anti-américaines en Palestine, au Pakistan ou encore en Afghanistan, comme celles de 2010 pour protester contre l’appel du révérend Terry Jones à brûler des corans pour l’anniversaire du 11-Septembre.
Mais la pratique n'est pas l'apanage des pays du monde arabe. En avril, des Philippins brûlaient un drapeau américain pour protester contre des exercices militaires communs entre les deux pays, une scène qui s'est également jouée à Belgrade en 2008 lors de manifestations contre l’indépendance du Kosovo.

Explication bonus: Et en France?

Si la plupart des drapeaux américains brûlés le sont par des musulmans en colère, c’est souvent pour des raisons politiques que certains brûlent le drapeau français.
En 2008, des manifestants chinois qui protestaient contre les manifestations pro-tibétaines organisées à Paris à l'occasion du passage de la flamme olympique ont brûlé le drapeau français devant un magasin Carrefour de Quingdao. En 2011, des manifestants pro-Gbagbo ont mis feu au drapeau tricolore après l’élection d’Alassane Ouattara, soutenu par la France.
Sur le territoire national, un drapeau français accroché sur la façade de la mairie de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) a été brûlé et remplacé par un drapeau algérien en juin 2010. Plus récemment, c’est le drapeau qui ornait la mairie de Prunelli-di-Casacconi en Haute-Corse qui a été décroché et brûlé.
Depuis 2003, brûler le drapeau français «au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques» est puni d’une infraction punie de 7.500 euros d’amende. Un décret passé par l’ancienne garde des sceaux Michèle Alliot-Marie en juillet 2010 est venu élargir cette interdiction en punissant d’une amende de 1.500 euros le fait de «détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante» le drapeau «dans un lieu public ou ouvert au public».
Cette dernière décision faisait suite à la publication dans le métro d’une photo d'artiste représentant un homme s'essuyant le postérieur avec le drapeau français et primée dans la catégorie «politiquement incorrect» d'un concours organisé par la Fnac.
Grégoire Fleurot
L’explication remercie Woden Teachout, professeure d’histoire à l’Union Institute & University et auteure du livre Capture the Flag: A Political History of American Patriotism.
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