26 juillet, 2012

BURKINA FASO Rien n’arrête une corruption sous le parapluie nucléaire du Régime

  FOCUS SUR L'ACTUALITÉ


Installée le 10 janvier 2012, La commission d’enquêtes parlementaires sur les marchés publics a présenté à la presse le jeudi 12 Juillet 2012 les résultats de ses travaux. Dans ses investigations sur la passation et l’exécution des marchés de travaux publics et de fournitures d’équipements et de produits de santé, la commission s’est intéressée à douze marchés. Il en ressort des « suspicions sérieuses en terme de corruption » et la certitude que les règles de passation des marchés ont été allégrement violées au vu et au su de tout le monde. Il se pose la question des suites à donner à ce rapport transmis au Président Roch Marc Christian KABORE, à charge à son tour de le transmettre au Premier Ministre.

« Lorsque vous voulez enterrer une affaire politiquement gênante, créer une commission d’enquête parlementaire ». Cette boutade souvent usitée dans le monde politique, traduit la défiance des politiques et de l’opinion publique sur la capacité du parlement à travers les commissions d’enquêtes à assurer un contrôle efficace de l’action gouvernementale, à obtenir des sanctions ou des réparations pour les préjudices que la communauté aura pu connaître, à prévenir la répétition de telles situations.

Du déjà vu

En 1996, le Président de l’Assemblée Nationale Arsène Bongnessan YE installait deux commissions pour faire la lumière sur le processus de privatisations. Dans le collimateur de ces deux commissions, le Président actuel de l’Assemblée Nationale Roch Marc Christian KABORE, qui avait en tant que Premier ministre, dirigé ledit processus. De ces deux commissions, rien n’en sera communiqué officiellement au public et à l’opinion nationale. Les propos de Arsène Bongnessan YE en mars 1996 traduisait l’usage politicien faite des dites commissions dont la fonction principale semblait avoir été de mettre Roch Marc Christian KABORE sous éteignoir. Sinon comment comprendre cette affirmation : « Les gens croient que nous avons fait les enquêtes pour mettre des gens en prison, or non ! Le législatif peut et doit contrôler l’exécutif », et ne pas avoir eu des suites des conclusions des dites commissions ?

Le gouvernement de Luc Adolphe TIAO en 2012 fera t-il différemment que celui de Kadré Désiré OUEDRAOGO qui durant quatre ans (1996-2000) n’a pas su ou pu donner de suites aux conclusions des enquêtes parlementaires sur les privatisations opérées de 1992 à 1994 par Roch Marc Christian KABORE ?

2012 différent de 1996 ?

La commission d’enquêtes parlementaires sur les marchés publics de 2012 a des particularités qu’il convient de relever.

Elle est d’abord trop générale dans son intitulé et pose de ce fait la question de la détermination des marchés à soumettre aux inquisiteurs parlementaires.

Pourquoi les douze retenus ? Pourquoi pas la construction de Kossyam sur laquelle le flou le plus total existe. A la décharge des dix parlementaires membres de la commission, les sujets pris sont certainement ceux qui ont fait le plus de bruit dans la presse. Ils opéraient donc en terrain totalement déminé où rien d’extraordinaire ne pouvait encore être divulgué. Car, tant dans le dossier de l’aéroport de Ouagadougou que dans celui de la location des groupes par la SONABEL, la presse avait déjà joué les éclaireurs et posé les questions essentielles. La commission devait mettre à nu les manquements et les mécanismes de violation de la loi. Et même là, elle n’a pas toujours réussi. Ainsi sur la route Ouagadougou-Zagtouli : Travaux de construction et de bitumage de l’inter connexion des routes nationales RN 01et RN 04(lot 1 : tronçon RN 01), elle attend encore que l’on veuille bien lui communiquer les plans de passation des marchés.

Il ressort de ces 12 dossiers que certains acteurs sont au cœur de pouvoir. Qu’il s’agisse de EBOMAF (Entreprise BONKOUNGOU Mahamadou et fils) de COGEB (Construction générale du Burkina) SACBA-TP (Société africaine de construction de barrages, d’aménagements hydro agricoles et travaux publics) FCS (Faso construction et services), les liens avec le pouvoir sont évidents et parfois si intimes (SACBA-TP avec Madame Alizeta OUDRAOGO belle-mère de François COMPAORE) qu’ils posent avec acuité la délicate et nécessaire question des suites qui seront données à ce rapport.

Et après ?

La commission d’enquêtes parlementaires sur les marchés publics fait des recommandations. Il s’agit du vote d’une loi sur la réglementation des marchés publics qui viendrait remplacer le décret actuel, tout en donnant plus de rigueur à certaines dispositions à la prise en compte d’un certain nombre d’exemptions en matière de passation des marchés au niveau de la santé, compte tenu de la spécificité des produits commandés (ex : exigence d’un agrément spécial santé, pour pouvoir y soumissionner). Belles recommandations ! Mais il se pose la question de leur opérationnalité.

Par exemple, lier la probité des agents de la Direction générale des marchés publics (DGMP) à une indemnité, c’est faire injure à leur moralité et ne garantit pas la transparence recherchée. Les magistrats dans une grande majorité nous montrent que les avantages salariaux dont ils jouissent ne les empêchent pas de tordre le cou au Droit et de rechercher la position de « juge acquis » seul sésame pour une carrière administrative réussie. La question de l’indemnité particulière est nécessaire mais elle ne saurait éluder celle de la procédure de nomination des dits agents à cette direction.

Que peut faire le gouvernement quand il sert un Pouvoir plutôt qu’un Etat ?

Le Premier ministre TIAO a-t-il voulu en donner l’illustration ? En tout cas si ce n’était pas le cas, ce n’était ni judicieux ni politiquement correct. A peine le rapport rendu public, il organise avec fort tapage médiatique la réception de la route Ouagadougou-Zagtouli. Ce marché sur lequel les parlementaires n’ont même pas pu avoir les plans de passation de marché et qui est à ce jour la route la plus chère au KM jamais réalisée au Burkina Faso. Comme dirait le policier en faction : « Circulez, il n’y a rien à voir !!! » !

Il reste que ce rapport par sa publication se doit d’interpeller tous les Burkinabè sur leur participation citoyenne au contrôle de l’Etat. Il y a fort à parier que ce rapport sera rangé parmi les nombreux autres. Il est difficilement pensable que l’Etat sanctionne ceux qui ont aujourd’hui le pouvoir politique et qui se sont attribué le pouvoir économique. Les récriminations de Georges Fadoul (Groupe Fadoul Afrique) et Monsieur Michel ZIDA (PDG de l’entreprise Sol confort et décor) 1er vice président du syndicat national du Bâtiment et des travaux publics montrent la mainmise opérée par un groupe d’individus sur la richesse nationale. Après avoir servi le système en place Fadoul, Sol Confort et autres O.K, O.K et frères devront apprendre à regarder le système s’émanciper d’eux et créer ses bras armés économiques.

Les Burkinabé eux, devront se regarder dans le prisme de ces richesses, fruits de leurs impôts et de leur sueur et s’engager dans un choix électoral conscient, un des moyens de contrôle démocratique mis à leur disposition ou s’engager dans la légitimation populaire pour se prendre eux-mêmes en charge.

Mais le Burkinabé le peut-il ?

Par Pabèba

© Copyright Bendré

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