24 avril, 2012

ORGANISATION DES CONSOMMATEURS DU BURKINA (OCB) : « Non aux augmentations de prix en période de famine ! »

L’Organisation des consommateurs du Burkina (OCB) dit non aux augmentations de prix des produits de grande consommation. Elle propose la mise en place d’une structure de contrôle des prix.
Tout le long de l’année 2012, les Burkinabè auront à lutter contre la famine du fait de la mauvaise campagne agricole 2011/2012. Selon le gouvernement, « le bilan céréalier national brut définitif de la campagne 2011/2012 est déficitaire de 154 462 tonnes. Sur les quarante-cinq (45) provinces du pays, dix- sept (17) sont en situation déficitaire avec un taux de couverture faible inférieur à 90% ».
Cent soixante-dix (170) communes rurales sont déclarées zones à risques d’insécurité alimentaire contre vingt et sept (27) lors de la campagne 2010/2011. La famine est bel et bien là et dans certaines régions du Burkina, en l’occurrence le Nord et le Sahel, certaines familles n’arrivent pas à prendre un repas par jour ; les animaux, par manque d’eau et d’alimentation, n’ont que la peau sur les os et si rien n’est fait d’ici-là, ce sera une véritable catastrophe que nous allons vivre. Les hommes pourront s’accrocher en s’alimentant avec ce qu’ils peuvent mais les animaux mourront par milliers. Les céréales constituent la base de l’alimentation des populations au Burkina Faso et le temps qui nous sépare des nouvelles récoltes est relativement long que déjà, le prix des céréales est en hausse : le sac de 100 kg de maïs, de sorgho et de petit mil a augmenté et tourne respectivement autour de 17 500 F CFA, 22 500 F CFA, et 25 000 F CFA.
Le prix du sac de riz de 50 kg varie entre 19 000 et 30 000 F CFA selon les qualités. Le riz dont le prix a été réglementé par le gouvernement n’est pas du tout apprécié par les populations. En période normale, ces prix sont relativement plus bas. Ils ne sont pas nombreux, les Burkinabè qui peuvent payer les sacs de 100 kg de céréales à ces prix. Le commerce des céréales locales est du ressort de certains commerçants qui font la loi et fixent les prix de vente aux consommateurs à leur guise. Leur arme fatale, c’est leur capacité à faire disparaître les céréales du circuit de vente si l’on refuse les prix qu’ils fixent. La dernière crise sur la vie chère a permis au gouvernement de réglementer les prix. Cependant, force est de constater que les secteurs de l’économie nationale sont de nouveau en proie à des hausses de prix. Le prix du ciment est en hausse et à Ouagadougou, ce prix, à l’heure actuelle, est de 120 000 F CFA la tonne vendue aux consommateurs soit quarante mille (40 000) F CFA de plus que le prix d’après la dévaluation. La tonne de sucre de production locale coûte également plus chère que celle du sucre importé et chaque année, les consommateurs sont obligés de débourser plus d’argent pour se le procurer. Même si les commerçants peuvent importer ce sucre à des prix nettement moins élevés que ceux de la SN-SOSUCO, l’institution d’une taxe de douane les en empêche sous le prétexte d’une protection des unités industrielles locales.
Pour se justifier par rapport aux augmentations de prix des produits de grande consommation, certains commerçants pointent du doigt les grossistes qu’ils accusent de pratiquer des prix de vente élevés. Selon eux, les prix de vente des grossistes sont si élevés qu’ils ne peuvent s’en sortir qu’en procédant à des réductions de poids, ou de volume et ou de mesure afin de se faire « un peu de bénéfice ». L’absence de contrôles et de sanctions par les structures étatiques a eu pour conséquence la « routinisation » des pratiques déloyales et des tromperies de tout genre telles la diminution du poids des produits (céréales, pain, ciment...), des dimensions et des volumes (épaisseur des tôles, eau, lait, yaourt, huiles), les contrefaçons, les falsifications, les pratiques de fraudes, la vente de produits prohibés, le reconditionnement de produits de mauvaise qualité dans des emballages de produit similaire de bonne qualité pour être vendus plus chers, etc. Non seulement les consommateurs paient plus cher les mêmes produits de grande consommation mais aussi, ils sont en permanence trompés et grugés sur les poids, les volumes, et sur les mesures. Le drame aujourd’hui, c’est la dernière mesure du gouvernement qui vient de procéder à l’augmentation du prix du carburant. Pendant qu’il était en train de chercher des solutions aux problèmes des populations en mettant en œuvre un plan opérationnel de secours aux populations sinistrées, ce même gouvernement a décidé d’une augmentation du prix du carburant à la pompe. La contradiction est qu’on ne vole pas au secours de quelqu’un tout en prenant des mesures qui l’étouffent financièrement.
On ne peut pas vouloir d’une chose et de son contraire. Les consommateurs sont obligés de débourser 50 F CFA de plus par litre de super 91 et de gaz oil. Pour justifier cette augmentation du prix du carburant, plusieurs raisons sont avancées dont les énormes pertes de la SONABHY et les subventions opérées par le gouvernement. En ces moments difficiles où se procurer à manger est un véritable calvaire pour les populations, comment comprendre que le gouvernement fasse rapidement recours à une augmentation du prix du carburant sans explorer d’autres sources de solution. Cette augmentation du prix du carburant sera très vite répercutée sur tous les prix des produits en particulier ceux de grande consommation ; le sinistre touchera une bonne frange de la population burkinabè y compris ceux qui travaillent et cela va se ressentir dans le panier de la ménagère. De Falangountou à Orodara, de Djibasso à Pô, de Banfora à Kantchari, les commerçants vont justifier des augmentations tous azimuts de prix en particulier des denrées alimentaires. Les sociétés de transport ont déjà répercuté cette augmentation sur les tarifs de transport de marchandises et de personnes. Sur certains axes, le surcoût du billet de transport provoqué par la hausse du prix du carburant est de cinq cent (500) F CFA pour cinquante (50) F CFA d’augmentation du litre de carburant. Et nous voilà repartis pour le renchérissement des prix des produits alimentaires et des services et pour la vie chère avec toutes les conséquences que cela entraîne. Habituellement, ce sont ceux qui travaillent qui nourrissent les familles en zones rurales et l’augmentation du prix du carburant va miner leur pouvoir d’achat et diminuer leur capacité d’intervention au profit de la famille. Pendant ce temps, les salaires stagnent et ne sont pas régulés en fonction du coût de la vie et ce ne sont pas les maigreurs d’augmentation de salaires, opérées par le gouvernement qui permettront aux fonctionnaires de lutter contre la famine car elles ne permettent même pas d’acheter le tiers d’un bon sac de mil.
L’OCB condamne avec fermeté l’augmentation du prix du carburant décidée par le gouvernement et invite les consommateurs à rationaliser leurs déplacements pour minimiser les charges. Nous pensons que le gouvernement n’aurait pas dû opérer cette augmentation du prix du carburant et accentuer la misère des populations même en tant que bon élève auprès du FMI. En cette période de famine, il devrait avoir le courage de retarder encore plus le mécanisme d’ajustement des prix pour soutenir les populations tout en cherchant les voies et moyens pour résorber les pertes de la SONABHY. Ce n’est pas parce que les pertes ont été engendrées par le gel du prix du carburant qu’il faut forcément passer par le carburant pour les résorber. En y réfléchissant, on peut trouver d’autres solutions. Ce que nous ne comprenons pas non plus, c’est comment des institutions comme la Banque mondiale ne réagissent pas contre l’existence de la situation de monopole de la SONABHY alors qu’elles ont prôné la libéralisation des secteurs économiques du Burkina à un moment donné à travers le programme de privatisation. Aujourd’hui comme dans le passé, l’OCB est et a été de ceux qui pensent qu’il faut privatiser dans les meilleurs délais la SONABHY et libéraliser le secteur des hydrocarbures afin que le jeu de la libre concurrence détermine les prix. Nous nous sommes toujours érigés contre les situations de monopole et nous avons pris position en faveur de la libéralisation des secteurs de l’électricité, de l’eau, des hydrocarbures.
Pour nous, il ne s’agit pas de cession de société à un repreneur privé donné mais plutôt, de permettre à plusieurs opérateurs économiques d’exercer dans le domaine afin que l’effet de la concurrence profite aux consommateurs. Cela fonctionne bien au Mali, pays encore plus enclavé que le Burkina. Il est également injuste que l’Etat fasse payer aux consommateurs certaines charges de la société, notamment les gros salaires et les multiples avantages dont bénéficie une certaine catégorie du personnel de la SONABHY. S’il est vrai que la fluctuation du cours mondial du pétrole et le maintien du prix du carburant, à un niveau donné, est l’une des raisons principales qui à accentué les pertes de la société, il n’est pas à écarter que la mauvaise gestion de la société y a fortement contribué. Par ailleurs, l’opération de vente des céréales à prix social à raison de 6 000 F CFA le sac de 50 kg dans les provinces déficitaires a démarré depuis fin janvier 2012 sur l’ensemble du territoire, que déjà les populations manifestent des reproches. Dans certaines localités sinistrées du nord, il a été constaté, que l’action du gouvernement relevait parfois du ridicule tellement les quantités servies aux populations sont dérisoires au regard de leurs besoins réels. Pire encore, cette répartition risque de provoquer des mésententes et des querelles au sein des populations, car comment partager 15 sacs de 50 kg de maïs à la population de tout un secteur. Quinze (15) sacs de 50 kg ne couvriraient même pas en une semaine, les besoins alimentaires d’une seule bonne famille africaine de 5 a 10 membres, n’en parlons pas de tout un quartier ou d’un secteur. Pour conclure, notre association pense qu’il est nécessaire d’abroger la mesure d’augmentation du prix du carburant et d’appliquer un double soutien aux populations consistant d’une part, à leur procurer à des prix sociaux et dans les meilleurs délais, des céréales en quantité et en qualité suffisantes, et d’autre part à lutter contre les flambée des prix des produits de grande consommation durant toute l’année 2012, en particulier celui du carburant, tout en luttant contre les tromperies sur le poids, les volumes et les mesures (hydrocarbures, riz, mils, maïs, ciment, pain, tôle, fer à béton, sucre, savon, huiles alimentaires, lait, etc.).
En effet, le plan d’appui que l’OCB propose vise l’application d’un certain nombre de mesures consistant à : 1) Trouver d’autres sources de recettes pouvant contribuer à résorber les pertes de la SONABHY plutôt que de recourir systématiquement à des augmentations de prix du carburant qui sont supportées par les consommateurs. A cet effet, l’OCB propose que l’on renforce l’application de l’Impôt sur le revenu foncier (IRF). Comme cela, les riches rembourseront ce dont ils ont bénéficié de la subvention du prix du carburant. Cet impôt, s’il est bien collecté peut engendrer d’importantes recettes pour l’Etat et pourra être utilisé pour soutenir les subventions de l’Etat dans le domaine des hydrocarbures à chaque fois que de besoin. A Ouagadougou en particulier, et dans certaines grandes villes du Burkina, les immeubles destinés à des exploitations lucratives poussent comme des champignons. L’activité de location des villas et des immeubles, des grands magasins de stockage par les riches du pays, s’est développée ces derniers temps au même titre que le commerce des produits, en témoigne Ouaga 2000. Cependant, il n’est pas certain que les propriétaires d’immeubles supportent les taxes et les impôts de l’Etat. Il est temps qu’un contrôle sérieux sur ces immeubles soit fait pour une perception appropriée de l’IRF. Par ailleurs, on peut recourir à d’autres types de recette comme l’institution de taxes sur certains produits tels que les boissons de luxe dont le secteur se développe (champagne et vins), sur le tabac, la bière (toutes marques confondues) qui est un produit très consommé au Burkina Faso.
Les acteurs de la filière carburant et les industriels du ciment, du sucre, de la farine de froment, etc. doivent accepter la réduction de leurs marges bénéficiaires qui sont souvent exorbitantes. Les marges de certaines sociétés industrielles sont tellement élevées qu’elles contribuent fortement à la hausse des prix de vente et au renchérissement du coût de la vie. Il est temps que tout le monde partage le sacrifice au nom de la paix sociale au lieu que ce soit uniquement les consommateurs.
2) Réaliser des enquêtes pour évaluer le trop perçu des boulangers au moment de la vente du pain pendant les premiers jours de l’an 2012 et le reverser dans la caisse de solidarité destinée à la lutte contre la famine.
3) Veiller à une application rigoureuse des textes car rien ne sert d’adopter des textes si l’on n’est pas capable d’assurer leur mise en œuvre. Le seul résultat de la publication et de la sensibilisation organisée autour de la série d’arrêtés pris par le ministère du Commerce, est l’effet d’annonce. Dans tous les cas, les commerçants se moquent éperdument de ces textes et continuent de vendre à leur prix comme si de rien n’était.
4) Veiller à une meilleure organisation du ravitaillement des populations sinistrées en vivres sans aucune discrimination. Le circuit des délégués de secteur ou de village est souvent vicié car les accointances politiques sont privilégiées.
5) Renforcer le contrôle à nos frontières pour interdire les exportations de céréales locales vers d’autres pays. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation portant fixation des prix des céréales locales (Arrêté N°2011-0225/MICA/SG/DGCI du 2 décembre 2011), les exportations de la production locale de céréales vers des pays offrant un meilleur prix d’achat pourraient se développer avec pour conséquence le renforcement de la famine dans notre pays.
6) Afin de renforcer l’action de contrôle des prix, face à l’insuffisance des capacités de contrôle du MICA, l’Etat pourrait faire recours aux conseillers municipaux dans les communes du Burkina. A cet effet, les conseillers municipaux, une fois formés, peuvent servir comme auxiliaires dans le contrôle des prix et des pratiques déloyales. Au sein les forces de l’ordre (police nationale, police municipale, gendarmerie, armée nationale, etc.), on peut également créer des sections économiques et former les agents qui seront impliqués dans cette mission de contrôle. 7) Enfin nous pensons qu’il faut renforcer les associations de consommateurs en leur dotant de plus de moyens matériels et financiers. A cet effet, il existe au Burkina Faso quatre (4) associations de consommateurs dont l’Association des consommateurs du Burkina (ACB), la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), l’Organisation des consommateurs du Burkina (OCB) et enfin Vigi-consommateurs. De ces quatre (4) associations de consommateurs, seule la LCB, bénéficie de la subvention de l’Etat pour mener ses activités. Les autres associations de consommateurs tirent le diable par la queue. La conséquence en est la faible couverture de la protection et de la défense des intérêts des consommateurs.
Le Président
Le Pays

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