08 décembre, 2011

Autorités frontalières du Mali et de la Guinée à Kourémalé: Risque d’affrontement sanglant

Malgré les bonnes volontés politiques si bien exprimées par les plus hauts dirigeants pour intensifier l’intégration socioéconomique des peuples malien et guinéen, le risque d’affrontement est dangereusement élevé à Kourémalé

L’homme du 28 septembre, Ahmed Sékou Touré, qui a été, de 1958 à 1984, le premier président de la République de Guinée, a magnifié les très grandes affinités socioculturelles de deux peuples voisins par cette célèbre phrase : « La Guinée et le Mali sont les deux poumons d’un même corps», prononcée avec conviction.

L’actuel, président du Mali, le Général Amadou Toumani Touré qui a été médiateur mandaté dans plusieurs conflits armés entre pays africains a lancé, spontanément, lors de sa visite en Guinée en 2010, ces propos pleins de bons sens : « Je disais, à qui veut l’entendre, tout ce qui touche la Guinée, touchera forcément le Mali. Ce n’est pas politique, je suis un soldat et chez nous la méthode de raisonnement tactique est claire et nette».

L’actuel président de la Guinée, le professeur Alpha Condé, lors de sa visite officielle les 4 et 5 mars 2011 au Mali, a fait cette déclaration sans équivoque « Nous sommes un même pays, il s’agit de deux Etats, mais un seul pays », s’est-il ainsi adressé à son homologue malien, ATT.

Malgré les bonnes volontés politiques si bien exprimées par les plus hauts dirigeants pour intensifier l’intégration socioéconomique des peuples malien et guinéen le risque d’affrontement est dangereusement élevé à Kourémalé.

Ainsi, la mise en pratique des bonnes intentions est difficile sur le terrain devenu presque impraticable par des comportements zélés de certains porteurs d’uniforme. Tel est le cas présentement déplorable à Kourémalé zone frontalière entre le Mali et la Guinée.

En effet, des voyageurs, maliens comme guinéens, qui passent souvent par Kourémalé, surtout dans des véhicules 4x4, nous ont plusieurs fois raconté des tracasseries, des fouilles corporelles et des violences verbales qu’ils subissent à la douane malienne de cette localité.

Afin d’avoir d’amples informations sur ces supposées tracasseries douanières diversement dénoncées, nous sommes allés contacter à Kourémalé les principaux acteurs impliqués dans cette affaire de véhicules « prohibés ». À notre arrivée à cette frontière nous avons commencé par les autorités guinéennes pour savoir s’il y a réellement du blocage dans le passage des véhicules guinéens vers le Mali et quelles sont les catégories concernées.

Le premier poste de contrôle guinéen est un bureau de la gendarmerie nationale situé sur le côté droit du voyageur. Dès l’immobilisation de notre véhicule, un gendarme s’est approché de nous. Après avoir su la raison de notre présence, il a informé le Commandant de la gendarmerie. Pendant que nous attendions à la devanture de leur bureau, deux agents sont venus expliquer, sans qu’ils ne soient questionnés, le refus total de bonne collaboration de la douane malienne par rapport à l’entrée des véhicules guinéens au Mali.

Cette expression d’indignation de ces deux agents a été interrompue par l’arrivée d’un autre homme en tenue portant des galons et insignes sur ses épaules et son béret. C’est le premier responsable des lieux, Capitaine Siriman Diawara. Il nous a invité à entrer dans son bureau. Dès après les salutations d’usage, nous avons cherché à situer la véracité du blocage des véhicules guinéens par la douane malienne et les efforts déployés par son service pour le déblocage de cette situation. Il a souligné tout son plaisir de recevoir des hommes de la presse, surtout venant du Mali pour aborder ce problème frontalier qui porte préjudice à de nombreux citoyens maliens et guinéens, a-t-il souligné, le commandant Diawara, pour ensuite nous préciser :

« Depuis bien avant ma prise de service, la douane malienne inflige des tracasseries à tout conducteur ou propriétaire de gros véhicules, surtout des 4x4, apparemment neufs qui se dirigent vers le Mali. Mêmes les véhicules officiels ou ceux portant des ordres de mission officiels ne sont pas épargnés », a-t-il affirmé d’un ton plein d’amertumes avant d’expliquer, à notre demande, un des cas épatant :

« Récemment, nous avons été, avec une grosse déception, désagréablement surpris par un total manque de courtoisie et de respect des autorités douanières maliennes qui ont empêché l’entrée au Mali du véhicule officiel d’un ministre guinéen. La femme de notre ministre était allée acheter des tissus basins au Mali dans le cadre de l’organisation de la « Mamaya» guinéenne, qui est un évènement annuel artistique et culturel célébré à Kankan dès après la fête de Tabaski auquel ont été invités des artistes maliens. Au moment du retour de madame, le ministre a donné son véhicule officiel et un ordre de mission à son chauffeur pour aller la prendre à Bamako. Ce véhicule ministériel à été bloqué par le chef de bureau de la douane malienne. Ce refus d’entrer est prétexté par la nouveauté de l’immatriculation de ce véhicule ministériel qui pourrait être vendu au Mali. Il a fallu de longues et insistantes interventions de notre part pour sortir ce véhicule de l’étau de la douane malienne. Les propriétaires de ces véhicules flambant neufs devraient, au-delà de tout soupçon avoir le droit de remplir des formalités appropriées leur permettant de faire des transactions de vente ou d’échange dans l’environnement de la CEDEAO qui prône pourtant la libre circulation des personnes et des biens », a-t-il explicité.

Bien que visiblement offusqué par ces exaspérations douanières (à vérifier) de son voisin naturel, le capitaine Commandant de la gendarmerie frontalière guinéenne nous a exhibé des preuves écrites de sa bonne foi et celle de son prédécesseur dans la recherche de solutions à cette tension qui monte de jour en jour à cette frontière guinéo-malienne.

Prenez connaissance des correspondances de l’ancien et ensuite de l’actuel commandant qui ont été adressées à leur hiérarchie :

« Brigade frontière Gendarmerie
Nationale de Doko–Kourémalé

A son Excellence Général
Ambassadeur de Guinée au Mali

Objet : Compte rendu d’évènement

Mon Général

Suite à la communication téléphonique avec votre Excellence ce jour 29-01-2011 relatif au refoulement des véhicules guinéen;

J`ai respectueusement l`honneur de vous rendre compte de ce qui suit :

En effet, il y’a belle lurettes, les véhicules (personnel) guinéens d`immatriculation RC sont l’objet de refoulement massif par les services des Douanes du Mali en service à la frontière de Kourémalé - Mali.

Malgré les multiples efforts de médiation entrepris par les différents services de sécurités guinéens (Gendarmerie-Police- Douane) notamment, ce phénomène de refoulement reste toujours d`actualité. Les faits les plus marquants furent les tentatives de refoulement des messieurs Lieutenant Colonel Oumar KANDE fonctionnaire international en service à Bamako (République du Mali), chargé de la lutte contre la circulation illégale des armes légères et de petits calibres, mais aussi du chauffeur du Directeur de Cabinet du Ministère de la Défense Nationale en ce moment chef État-Major Général des armées Adjoint en mission officielle pour Bamako en la personne du général de brigade Aboubacar Sidiki CAMARA.

Le dernier cas date de ce jour 28-01-2011 intéressant le sieur Mamadou Mouctar SAVANE, fondateur de l`Université MAHATMA GANDHI de Conakry (République de Guinée), en mission de prise de contact avec les universités de la sous-région pour nouer des relations de partenariat avec l`université Mahatma Gandhi. Ignorant et rejetant en bloc les règles qui régissent les pays membres de la communauté économique des États de l`Afrique de l`Ouest (C.E.D.E.A.O) en matière de la libre circulation des personnes ainsi que de leurs biens. Les autorités Douanières Maliennes avancent la thèse selon la quelle plus de 60% des véhicules circulant à Bamako sont immatriculés R.C.

Soulignons d`avantage que certains véhicules sont parfois même saisis sans motifs valables; et la restitution sans l`implication des autorités Guinéennes reste et demeure impossible.

Pour mettre un terme à cette pratique, sollicitons l`implication des autorités appropriées en vue d’éviter un incident diplomatique avec son cortège de malheur entre ces deux pays frère et amis.

Vous voudrez bien trouver ci-joint les documents afférents au déplacement du sieur Mamadou Mouctar SAVANE.

Très haute considération.

Le COMMANDANT de la BFGN KOUREMALE

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Brigade Frontière de
DOKO A Kourémalé
N--/MDN/EMGN GRHG/KK/
EGD/SIG/ BFGNKL/2O11

Au général de brigade,

Chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale (voie hiérarchique), Conakry

Objet : Compte rendu

J’ai l`honneur de vous rendre compte de ce qui suit:

Depuis ma prise de service le Mercredi 20 avril 2011, en qualité de Commandant de Brigade Frontière de la Gendarmerie Nationale de Doko à Kourémalé; il m’est arrivée de constater avec amertume que les véhicules personnels Guinéens d’immatriculation RC font l’objet de refoulement massif et saisie par les services des Douanes Maliennes en service à la frontière de Kourémalé.

Par ailleurs, malgré les multiples interventions que j`ai effectuées auprès dudit service et d’autres, nos efforts restent vains, sous prétexte que ces véhicules sont volés en Guinée pour être vendu sur le territoire malien (Bamako). Cet argument qui n’a jamais été soutenu par une preuve matérielle, reste simplement une accusation fortuite.

Cependant, il existe des règles qui gouvernent les États membres de la CEDEAO, qui stipulent la libre circulation des personnes et leurs biens.

Pour mettre fin à cette pratique, je sollicite l`implication des autorités du transport des deux pays, en vue d’éviter des incidents entre ces deux États frères et amis.

Vous en souhaitant bonne réception.

Très haute considération.

Capitaine Siriman DIAWARA

Au sortir du bureau du Commandant Diawara, près d’une dizaine de personnes en civile qui se sont présentées comme des transporteurs et passagers voulaient nous expliquer leurs déboires causées par des autorités maliennes. Nous leur avons dit la nécessité d’écouter d’abord la version du premier responsable de la Douane malienne dont le bureau n’est qu’à une trentaine de mètres de celui de la gendarmerie guinéenne.

À notre arrivée au secrétariat, nous avons été annoncés au patron des lieux par un homme en tenue. Une vingtaine de minutes plus tard, Monsieur Mahamadou Diaby, inspecteur des douanes, qui est le Chef du Bureau des Douanes de Kourémalé, nous a reçu. Après une mise en contexte, nous lui avons demandé les raisons du blocage des véhicules guinéens apparemment neufs allant au Mali. Monsieur Diaby nous a dit que son service étant paramilitaire, il ne doit pas répondre à nos questions. Nous devons retourner à Bamako et obtenir auprès de la Direction générale des Douanes une autorisation pour qu’il nous donne sa version des faits.

Habitués à de tel refus poli de répondre, nous devrions user de quelques techniques d’incitation au dialogue pour recueillir au moins l’essentiel des impressions de l’interlocuteur. Car, la frontière Kourémalé étant à 120 kms de Bamako, nous manquions de temps pour refaire ce trajet et traiter les informations de ce dossier conséquemment. Nous lui avons alors proposé de ne citer ni son nom ni son titre dans le commentaire de ses propos.

L’inspecteur des douanes a décliné notre proposition. Par une question largement ouverte et très incitative, nous sommes enfin parvenu à réveiller son appétit de parler sans discontinuer. Ainsi pendant 38 minutes et 17 secondes, le chef du bureau des douanes frontalières s’est lancé dans une narration très passionnée des faits relatifs à la question de blocage des véhicules guinéens.

Dans nos prochaines parutions, nous vous relaterons l’acidité de certaines de ses déclarations dans la limite du publiable. Vous lirez aussi ce que nous avons constaté sur le chemin du retour et surtout les importants témoignages des personnes en civile, en uniforme, des passagers, des gens du syndicat des transporteurs et leurs proches collaborateurs installés à Djicoroni (Bamako) dans le terminus des véhicules qui partent et viennent de la Guinée.

Ceux-ci qui ont donné leurs noms mais requis l’anonymat vous permettront de mieux comprendre ce problème frontalier. Ils disent qu’ils ne peuvent plus continuer à endurer de telles exactions dans un État qui se dit civilisé et démocratique. Qu’ils n’attendront plus longtemps pour se faire entendre.

Nous souhaitons que les hautes autorités des deux pays s’impliquent rapidement dans la recherche de solutions à la problématique du passage des véhicules et de fouilles indécentes des passagers pour empêcher des scandales frontaliers. À suivre…

Lancine Diawara
Écrivain et Consultant en Communication.
Pour www.nlsguinee.com

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