15 novembre, 2011

Sénégal : Le port du voile dans les écoles privées catholiques menace la paix sociale

« A compter de l’année scolaire 2011-2012, il ne sera plus question du port du voile dans les établissements privés catholiques du Sénégal, sous peine de ‘renvoi temporaire ou définitif ‘». Cette mesure de la Direction de l’enseignement catholique du Sénégal (Didecs) a créé une vive polémique au Sénégal. Certains l’ont analysée comme une ‘stigmatisation de la majorité religieuse’ dans un pays où le dialogue islamo-chrétien est érigé en principe de vie.


L’affaire a fait grand bruit. Une vingtaine d’élèves des le Collège Hyacinthe Thiamdoum a été exclue pour cause de port du voile islamique au mois d’octobre. Kalidou Diallo, le ministre sénégalais de l’Education nationale s’est insurgé contre cette décision en estimant que « le renvoi d’une vingtaine d’élève du collège Hyacinthe Thiandoum comme de toute autre école, privée, laïque, confessionnelle, pour port d’habit montrant son appartenance religieuse est interdit ». A ses yeux, c’est un principe que doit respecter tout règlement intérieur d’une école.

« Je ferai une circulaire de rappel à tous les établissements privés et confessionnels pour qu’on sache que le Sénégal est un pays laïc, démocratique qui respecte toutes les sensibilités », indique le ministre.

Quelques semaines plus tard, le même ministre soutient que les élèves voilées doivent éviter d’enfreindre les règles du vivre ensemble en évitant de provoquer les autres à travers leurs comportements. « Tu ne peux pas quand même avoir une école publique à côté, une école privée laïque à côté, et tu choisis d’aller à une école privée catholique et en même temps tu te comportes de certaines manières », a dit Kalidou Diallo.

Menace sur la paix sociale

Après le Collège Hyacinthe Thiandoum, ce sont les cours privés Anne Marie Javouhey qui se signale par des excusions pour les mêmes motifs. Ces écoles, réputées pour leurs bons résultats scolaires, ont été l’objet du courroux des associations islamiques qui dénoncent une discrimination et un manque de tolérance religieuse.

Ainsi, les Associations islamiques ont organisé une conférence de presse pour fustiger la mesure. « Nous n’accepteront plus qu’une minorité impose sa loi à la majorité. Si cette mesure discriminatoire fondée sur l’appartenance religieuse était avérée, la coexistence pacifique entre la communauté chrétienne et celle musulmane, rendue possible par la tolérance et le respect de chacun dans sa foi, pourrait être sérieusement compromise », indique l’imam Bamba Sall, président du Comité directeur des Associations islamiques.

Ce regroupement des associations islamiques a invité le Cardinal Théodore Adrien Sarr à s’impliquer pour préserver la coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses du Sénégal.

« Les élèves exclues ne doivent s’en prendre qu’à elles mêmes »

Son Eminence n’a pas tardé à réagir à cet appel. « En ces temps de lutte et de promotion du vivre ensemble, l’école privée catholique ne peut accepter que l’on pousse des élèves à se distinguer par des comportements en inadéquation avec son esprit de famille et d’ouverture », a déclaré le cardinal Théodore Adrien Sarr en marge de la messe organisée lors de la Toussaint.

Pour étayer ses propos, il évoque « le cas d’élèves refusant de serrer la main de camarades ou refusant de s’asseoir avec eux sur la même table banc, sous prétexte de convictions religieuses, se regroupant et s’isolant dans la cour de récréation pour les mêmes raisons et refusant le port strict de l’uniforme de l’école ».

« Bien qu’étant minoritaires, de tels comportements sont en porte-à-faux avec les règles de discipline générales et sont préjudiciables au bon fonctionnement de tout établissement », affirme le Cardinal.

Selon lui, les élèves exclus ne « doivent s’en prendre qu’à elles-mêmes » puisqu’ils ont eu des « attitudes et comportements d’auto-ségrégation et d’auto-exclusion ».

Une position défendue par le journaliste Cheikh Yérim Seck. Dans un commentaire intitulé « Pas de provocations inutiles », le journaliste se demande « Comment une personne sincère, qui éduque ses enfants dans la foi musulmane certes, mais avec les préceptes liés à la confrérie Ibadou Rahmane, ne préférerait-il pas que sa fille aille étudier dans une école qui en précise et en renforce les principes, plutôt que de l’emmener dans une école qui éduque et instruit, même sans catéchisme, selon les principes culturels et moraux de la foi catholique ?

Pour lui, les écoles catholiques sont remplies à 80% d’élèves de confession musulmane। « Et cela se passe très bien depuis 50 ans. Que des agitateurs ne viennent pas perturber cet exemple de syncrétisme religieux abouti, et qui a permis à des milliers de jeunes Sénégalais de recevoir un enseignement de qualité. Ce n’est pas un problème religieux. Ce n’est pas un problème politique. C’est une question de bon sens. Pas de provocations inutiles. Les apprentis sorciers manipulent souvent des allumettes pour faire des feux de propagande dont on sait comment il faut faire pour les allumer, mais dont on ignore souvent les méthodes d’extinction. Et quand ça prend feu, on est tous en danger », conclut-il.

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