23 septembre, 2011

Jour J incertain pour la Palestine

Mahmoud Abbas devrait présenter aujourd’hui à l’ONU une demande de reconnaissance d’un Etat palestinien. Reste à trouver un compromis pour éviter un veto américain.

Par FABRICE ROUSSELOT De notre correspondant à New York

Drapeaux palestiniens à Ramallah, au cours d'une manifestation, le 22 septembre 2011. (© AFP Marco Longari)





«C’est une démarche classique, dit un diplomate arabe. Faire le forcing d’un côté, et puis laisser la porte ouverte à une solution négociée de l’autre.» A moins d’un improbable revirement, le président Mahmoud Abbas devrait donc déposer aujourd’hui sa demande de reconnaissance d’un Etat palestinien devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York. Une initiative historique qui sonne comme un constat d’échec pour la diplomatie internationale, et plus particulièrement américaine, incapable de convaincre le leader palestinien de renoncer. Mais, ces dernières vingt-quatre heures, le camp de Mahmoud Abbas a aussi pris le soin de souligner qu’il était prêt à envisager d’autres scénarios. «Une façon de montrer que personne ne veut aller vers une impasse, poursuit le diplomate. Les lignes ont bougé depuis le plan français et il reste de nombreuses avenues à explorer.»

Lenteur. En proposant à la fois, mercredi, un changement de méthode dans les négociations, un accord de paix d’ici un an et un statut intermédiaire d’Etat observateur pour la Palestine devant l’Assemblée générale, force est de reconnaître que Nicolas Sarkozy a quelque peu changé la donne à l’ONU. Le statut d’Etat observateur permettrait ainsi d’éviter la perspective catastrophique, dans quelques semaines, d’un veto américain à la demande d’adhésion palestinienne au Conseil de sécurité. Et, mercredi soir, le négociateur palestinien, Nabil Chaath (lire page suivante), a clairement laissé entendre que Mahmoud Abbas pourrait considérer les deux approches. «Le président Abbas veut que personne ne nous soupçonne de manquer de sérieux si nous nous adressons aux deux instances en même temps, a-t-il déclaré. Il donnera du temps au Conseil de sécurité pour examiner notre demande avant d’aller à l’Assemblée générale.»

En réalité, tout le monde semble prêt à essayer de profiter de la lenteur procédurière onusienne afin d’évaluer si un compromis reste possible pour relancer le processus de paix. Dans un premier temps, Mahmoud Abbas remettra ce matin une lettre officielle de demande de reconnaissance au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui va l’étudier avant de la transmettre au Conseil de sécurité. Ce dernier va lui aussi considérer le texte, afin de commencer à rédiger une résolution. Ce qui signifie qu’un éventuel vote n’interviendra pas avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. D’ici là, la France, les Etats-Unis et le Quartette (Etats-Unis, Russie, UE et ONU) vont s’employer à tenter de réactiver les négociations entre Israéliens et Palestiniens.

Irritation.«Le message palestinien est qu’il reste de la place pour des discussions, estime Hussein Ibish, de l’American Task Force on Palestine. Abbas ne pouvait pas reculer sur la tentative de reconnaissance symbolique de l’Etat palestinien. Mais, d’un point de vue pragmatique, il sait aussi qu’il n’a aucun intérêt à provoquer une crise internationale. Il veut se donner du temps pour voir s’il est possible de trouver une formule afin de reprendre le processus de paix. Même si cela ne sera pas facile.» Pour avancer, la communauté internationale devra surmonter les nettes divisions apparues ces derniers jours quant à l’approche à privilégier sur la question israélo-palestinienne.

Lors de son discours à l’ONU, Nicolas Sarkozy a clairement signifié qu’il était temps de mettre fin à la mainmise américaine sur le processus de paix au Proche-Orient, suggérant une nouvelle approche multilatérale, avec participation directe des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Mais, pour l’instant, Washington s’est abstenu de commenter l’initiative française, et Barack Obama a fait montre d’une certaine irritation, refusant de répondre aux questions des journalistes sur le sujet… Le statut d’Etat observateur proposé par la France, même s’il garantit un vote favorable à l’Assemblée générale, pose en outre lui aussi quelques problèmes. Il permettrait en effet à la Palestine de saisir la Cour pénale internationale et de potentiellement poursuivre Israël. Une hypothèse déjà refusée par Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne. Et le président français a précisé que les Palestiniens, s’ils suivaient la voie française, devraient s’engager à ne pas recourir «à des actions incompatibles avec la poursuite des négociations». Ce qui n’est pas acquis d’avance.

Vote. «Pour résumer, tout reste encore à faire, mais au moins tout est sur la table», constatait un autre diplomate. Hier, en tout cas, la France s’est une nouvelle fois refusée à dire quel serait son vote au Conseil de sécurité dans le cas où la demande d’adhésion palestinienne serait examinée. Mercredi, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait précisé que les efforts entrepris visaient «justement à ce que la question ne se pose pas».

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