02 août, 2011

SYRIE. Des défections dans l'armée font craindre une guerre civile

Les déserteurs, dont la vie est menacée, quittent les rangs armes à la main. Les manifestations pacifiques pourraient être d'autant plus prises pour cible par les forces pro-régime. Par Céline Lussato

Capture d'écran d 'une vidéo diffusée sur YouTube le 1er août 2011 montrant des chars de l'armée syrienne dans la ville de Hama (c) Afp Capture d'écran d 'une vidéo diffusée sur YouTube le 1er août 2011 montrant des chars de l'armée syrienne dans la ville de Hama (c) Afp

Les défections dans l'armée syrienne, si elles semblent être un signe positif pour la lutte contre le régime de Bachar al-Assad, inquiètent pourtant les opposants au dictateur.

Depuis le début du mouvement il y a quatre mois, des témoignages de soldats s'opposant aux tirs sur les manifestants, refusant eux-mêmes de tirer ou, plus radicalement, quittant les rangs de l'armée ont réussi à filtrer. Et ce mouvement semble avoir pris de l'ampleur.

Quelques officiers avaient déjà passé la frontière avec le Liban ou avec la Turquie il y a quelques semaines, bravant le risque d'exécution ou de vengeance sur leurs proches restés au pays. Mais, depuis plusieurs jours, on parle de soldats sans grade, de mouvements collectifs et même de bataillons quittant les rangs.

Mécontentements

Des rumeurs de démissions collectives pour le début du mois d'août –début du ramadan– circulaient depuis plusieurs semaines. "Tout le monde évoquait une division de l'armée car les mécontentements dans les rangs étaient très grands. Et là, certains ont rejoint les rangs du peuple", a confirmé l'opposant Radwan Badini.

Vendredi 29 juillet, le chef de l'observatoire syrien des droits de l'Homme Rami Abdel Rahman avait déjà fait état sur al-Jazira de la défection de soldats du septième bataillon. Un témoignage concordant avec ceux de résidents de Deir al-Zor qui ont affirmé à la chaîne que les morts dans cette ville étaient principalement dues ce jour-là aux affrontements entre soldats ayant tourné le dos au régime et soldats loyaux à Assad.

Ce récit effraye l'opposition qui a toujours prôné une opposition pacifique. Radwan Badini confirme que "l'opposition est très préoccupée par ce "mouvement des officiers libres". Nous ne voulions pas de mouvement armé en Syrie, persuadés qu'une telle orientation brouillerait notre message : notre mouvement est pacifique."

Résistance armée

Cela dit, l'opposant, proche du mouvement dit "d'Antalya", ne s'en prend pas aux déserteurs qui quittent les rangs avec des armes. Les soldats craignent la "Chabiha" –les mercenaires au service d'Assad– qui exécutent ceux qui refusent de tirer sur les manifestants. Et de nombreuses exécutions ont eu lieu. "Ils doivent se protéger car lorsque vous désertez vous risquez l'exécution. On comprend qu'ils prennent les armes. Jusque là, nous interdisions la résistance armée, mais quand il s'agit d'une force militaire dissidente la question se pose peut-être différemment," concède-t-il. Mais ce n'est pas comme cela que l'opposition entend renverser le pouvoir. "Nous craignons qu'en prenant les armes ils entraînent plus de morts", insiste Radwan Badini qui ajoute que "l'armée des officiers libres doit donc rester minoritaire dans notre mouvement." Bachar al-Assad pourrait en effet accroître sa répression au prétexte de quelques hommes armés dans la nature... "Nous craignons malheureusement une guerre civile".

Céline Lussato – Le Nouvel Observateur

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