10 août, 2011

Les États-Unis doivent mettre fin au massacre irakien

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Par : David Waddington, édition spéciale pour le CNN

CNN, 4 août – L'arrêt du 5 juillet de la cour d'appel néerlandaise sur la responsabilité du gouvernement néerlandais dans le massacre en 1995 de Musulmans bosniaques par l'armée serbe nous rappelle une des plus sombres taches de l'histoire récente. Il ne s'effacera pas rapidement, au moins parce que le massacre aurait pu être empêché si les gouvernements de cette époque ne s'étaient pas montrés si faibles et dépourvu de la volonté de faire ce qui était juste.

Actuellement, une autre catastrophe humanitaire semblable menace à l'horizon ; cette fois en Irak avec les réfugiés politiques iraniens comme victimes, des milliers, dans un lieu nommé camp d'Achraf. Les résidents sont soumis à une grande pression de la part du gouvernement irakien pro-Téhéran et affrontent des menaces constantes pour leur vie.
Les similarités sont frappantes.

Il y a seize ans, à Srebrenica, les troupes de maintien de la paix néerlandaises ont remis un camp de réfugiés à l'armée serbe après avoir reçu des « assurances » du général Ratko Mladic que les réfugiés seraient en sûreté entre leurs mains. Dans les jours qui ont suivi, plus de 8000 hommes ont été massacrés.

En 2003, suite à l'invasion de l'Irak par les forces de la coalition menées par les États-Unis, les résidents d'Achraf ont rendus leurs armes aux forces américaines en échange de la promesse des Américains de les protéger, et les États-Unis ont alors reconnus les résidents comme des « personnes protégées » en vertu de la Quatrième Convention de Genève.

Et pourtant en 2009, en dépit d'un concert d'avertissements de la part d'organisations des droits de l'homme et d'illustres experts en droit, les États-Unis ont remis la protection des résidents d'Achraf à l'Irak, évoquant des « assurances » du gouvernement irakien qu'il traiterait les résidents humainement. Tout cela rappelait étrangement l'action néerlandaise en 1995.

Depuis ce transfert, la définition de traitement « humain » par Bagdad a trouvé son expression dans deux massacres à grande échelle, des pressions psychologiques persistantes, des injures incessantes par le biais de centaines de haut-parleurs installés tout autour du camp et ce qui ressemble à un blocus total, lequel isole les résidents du monde extérieur et coupe leur accès au combustible et équipements médicaux.

En juillet 2009, les troupes irakiennes ont envahi le camp, tuant 11 résidents et blessant des centaines d'autres. Les États-Unis n'ont rien fait pour empêcher l'attaque.

En avril 2011, stimulées par l'inaction américaine, les troupes irakiennes ont encore attaqué Achraf. Cette fois-ci, les troupes armées ont fait 36 morts, dont huit femmes, et blessé plus de 350 résidents. Le Sénateur John Kerry a décrit cela comme un « massacre », et la communauté internationale était presqu'unanime dans sa condamnation de ce qui s'était produit. L'exception était bien entendu le régime iranien qui emploie ses agents au sein du gouvernement irakien pour pousser à l'anéantissement total d'Achraf et de ses résidents.

En avril encore, les États-Unis ont manqué d'agir, et cela malgré l'article 45 de la Quatrième Convention de Genève qui exigeait qu'ils assument à nouveau la protection des résidents sans défense d'Achraf si le gouvernement irakien se montrait soit récalcitrant soit incapable de remplir ses obligations. Dès lors, la menace d'un autre massacre pointe encore.

Dans son arrêt, la cour d'appel néerlandaise a stipulé qu'après la chute de Srebrenica, « une situation extraordinaire » s'est créée qui aurait dû inciter les forces néerlandaises à tenir un rôle plus actif. Les forces néerlandaises ont été témoins de « multiples incidents » lors desquels les Serbes ont maltraité ou tué des réfugiés, et cela soulève des interrogations sur leur décision de remettre Srebrenica.

En vertu du droit international, la responsabilité américaine envers Achraf est encore plus grande que celle des Néerlandais à Srebrenica. Les forces américaines n'auraient pas dû remettre le contrôle du camp à ceux dont ils savaient qu'ils ne pouvaient faire confiance en leurs « assurances ». Et se fondant sur les massacres de juillet 2009 et d'avril 2011 auxquels ils ont assisté, les États-Unis devraient demander que l'Irak rende la protection du camp aux forces américaines.

Suite à l'attaque d'avril, les responsables américains ont condamné la violence : dans un communiqué, le Département d'État américain a déclaré : « Nous réitérons notre appel au gouvernement irakien d'être à la hauteur de ses engagements de traiter les résidents d'Acharf humainement et en accord avec le droit irakien ainsi qu'avec ses obligations internationales ». Mais il a également affirmé que le camp était une affaire du gouvernement souverain d'Irak. Pire encore, un haut responsable du Département d'État, l'ambassadeur Lawrence Butler, a appelé au déplacement des résidents en Irak dans un camp sous le contrôle total du premier ministre Nouri al-Maliki. Cela signifierait couper toutes les communications des résidents et les envoyer vers une mort certaine dans un camp de concentration. En réaction, la commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants américaine a adopté en fin du mois dernier un amendement à la Loi mandatant les relations étrangères stipulant que la politique des États-Unis fasse toutes les démarches nécessaires et appropriées afin d'empêcher le déplacement forcé des résidents du camp d'Achraf en Irak et « de faciliter la présence forte de la Mission d'Assistance des Nations Unies pour l'Irak dans le camp d'Achraf ».

Sans aucun doute, il y a deux autres facteurs qui ne doivent pas être négligés. Premièrement, les États-Unis ont signé un accord avec tous les résidents promettant de les protéger jusqu'à ce que leur avenir soit décidé. Deuxièmement, lorsqu'après l'invasion, les États-Unis ont pris les armes des résidents, empêchant ainsi les résidents de se défendre par eux-mêmes, ils ont accru leurs propres responsabilités pour la sécurité des résidents, qui étaient désormais non seulement des civils sans défense, comme les réfugiés à Srebrenica, mais encore en droit d'être protégés en vertu de la Quatrième Convention de Genève.

Les États-Unis devraient reconnaître leurs responsabilités dans les tragédies survenues à Achraf. Mais, plus important encore, ils devraient agir pour éviter davantage de tragédies. Ils doivent assumer à nouveau la protection d'Achraf et soutenir le plan du Parlement européen pour une solution à long terme à cette question.

L'Amérique a une opportunité de tourner les pages les plus sombres de l'histoire humaine et d'annoncer un nouvel âge dans lequel le droit international et les droits de l'homme sont respectés par l'ensemble de la communauté des nations. A cette fin, mener une initiative humanitaire à Achraf est essentiel, de crainte de voir dans quelques années des cours accuser les États-Unis pour un massacre dans le style de Srebrenica à Achraf.

Note de la rédaction : David Waddington est un ancien ministre de l'Intérieur britannique et président de la Chambre des Lords. Il est membre du Comité parlementaire britannique pour la liberté en Iran

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