22 juillet, 2011

Ségolène, mère célibataire et Martine, épouse épanouie : une primaire très "people"

POLITIQUE. Martine Aubry pose avec son mari dans Paris Match, tandis qu'un mystère entoure la vie privée de Ségolène Royal. La primaire socialiste est-elle une bataille du "people" ?
Sélectionné et édité par Amandine Schmitt

Vie privée, vie publique ? C'est la photo événement de la semaine : Martine Aubry dans Paris Match, le sourire un peu contraint, tenant la main de son mari, Jean-Louis Brochen posant tous deux dans un cadre champêtre... "Proximité, que de crimes l'on comment en ton nom ?" se demandent déjà certains. Certes, il faut avoir très mauvais esprit pour juger que la candidate à la primaire socialiste (et radicale de gauche) succombe ainsi au charme du "bling bling" (Martine a l'air moins pro sur les photos que la compagne d'Arnaud Lagardère) mais les interrogations suscitées par cette opération de com' sont légitimes. Pourquoi Martine Aubry se met-elle au "pipole" là, maintenant, comme ça ?

Martine Aubry et Jean-Louis Brochen posent dans le jardin d'un hôtel d'Avignon. Couverture de Paris Match.

Martine Aubry n'avait sans doute pas le choix. Compte tenu des "rumeurs" qui circulaient au sujet de son mari, de la persistance de l'accusation portée contre lui (Caroline Fourest continue de le qualifier "d'avocat des islamistes"), de la communication intimiste orchestrée par l’Élysée au sujet de la grossesse de Carla Bruni, des miasmes de l'affaire Banon, il fallait bien faire quelque chose, afficher de cette "proximité" chère aux communicants modernes. Le résultat se résume à ces photos destinées à faire passer le message "Martine est comme tout le monde, et son mari ne ressemble pas à Liès Hebbadj, l'ogre islamiste nantais". Le passage par cette case "pipole" était obligatoire. C'est fait. Il fallait mettre un terme aux divagations de la machine à imaginaire en montrant la tête débonnaire de Jean-Louis Brochen, jusque là inconnue du grand public. C'est fait.

Cette soumission (passagère ?) de Martine Aubry aux fourches caudines du "pipole", concessions aux exigences de la transparence et de la proximité, pourrait également engendrer quelques dommages collatéraux et contraindre d'autres candidats à clarifier leur situation. Hier, un "off" de l'Obs nous apprenait que Ségolène Royal est en mode célibataire, l'ayant confessé à deux journalistes : "Je n'ai aucun compagnon officiel. Je vis seule avec mes deux filles. Je veux que les Français sachent que je vais m'occuper d'eux à plein temps."

En découvrant cette déclaration, l'on pourrait succomber à la tentation initiale d'en rester là. "Vie privée, vie privée". Sauf que Ségolène Royal établit elle-même un rapport entre cette sa vie privée et la vie publique. Si elle est célibataire, c'est pour mieux se consacrer aux Français dit-elle. Qui niera que cette posture, "ma vie privée est au service de la vie publique", est pour le moins inédite ?

Du coup, elle suggère bien des questions aux journalistes, d'autant que le "off" de l'Obs nous apprend que le sujet de la situation privée de Ségolène Royal est "tabou" dans son entourage, ce qui signifie, pour qui connait Madame Royal, que c'est un sujet qui fâche l'intéressée. Vie privée "sujet tabou", c'était déjà le refrain de 2006/07 alors que la vie privée du couple Hollande/Royal était une donnée essentielle de la campagne présidentielle de l'époque et que ce ne fut pas sans conséquences.

Dans ce contexte, compte tenu du passé, ayant elle même lié sa vie privée à la vie publique, Ségolène Royal devrait être contrainte très rapidement à éclairer l'opinion sur le sujet. Après tout, une candidate qui déclare qu'elle est célibataire pour mieux s'occuper des Français, c'est assez novateur pour suggérer quelques questions, non ? Ségolène Royal est prise au même piège qu'Aubry avec les accusations portées contre son mari. Le peu que l'on sait de son "célibat", le fait que le sujet soit présenté comme "tabou", est un formidable levier pouvant alimenter la machine à imaginaire. Voit-elle encore André Hadjez ? Qui aurait rompu avec qui ? Pourquoi le sujet est-il "tabou" ? Pourquoi fait-elle de ce "célibat" un sacerdoce électoral ? Sous peine de voir naitre supputations, puis rumeurs, elle ne pourra pas faire autrement que d'éclairer l'opinion à ce sujet.




De Gaulle et Yvonne / Londres / 1/1/1943 / AFP
Le général De Gaulle et son épouse Yvonne, à l'ambassade de France à Londres, en 1943 (AFP).

Morale (publique ?) de l'histoire : les deux exemples du jour démontrent, une fois de plus, que les candidats à l'élection présidentielle n'ont pas, n'ont plus, de vie privée। J'en connais qui me diront : "C'est la faute à Sarkozy et l'ultra médiatisation de sa vie privée !" A ceux là, il sera répondu que cela n'est que partiellement vrai, que la représentation de l'homme (ou la femme) de pouvoir, en France se doit de concilier "les deux corps du roi" et que de Gaulle lui-même, savait subtilement éclairer l'opinion publique sur sa vie privée, réputée austère et grave aux côtés de tante Yvonne, par le biais de quelques images aussi "pipole" que celles de Martine Aubry dans Paris Match (et ce, dès les années 40).

nouvelobs.com/

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