03 juin, 2011

AU BURKINA FASO Que veulent-ils, les militaires ?

Tout ce qui est excessif n’a pas d’intérêt. La répétition ayant une vertu pédagogique, il n’est pas inutile de rappeler cette évidence aux militaires dont le comportement depuis quelques semaines laisser penser que le bon sens ne les habite plus. Les récentes mutineries organisées dans la nuit du 29 au 30 mai à Dédougou, Dori, Tenkodogo, Garango et Kaya et les pillages auxquels leurs auteurs se sont livrés finissent de convaincre même les plus indulgents qu’il ne s’agit plus de revendiquer des droits légitimes longtemps bafoués, mais que nous assistons, impuissants à des actes d’indiscipline volontaire de citoyens qui se croient au-dessus de la loi. Restés jusque-là à l’écart des sorties intempestives de leurs camarades, les militaires de Bobo-Dioulasso sont entrés les 1er et 2 juin dans la danse, se livrant aussi à des pillages, vols, comme s’ils voulaient montrer qu’ils en avaient aussi entre les jambes.

Autant de nombreux Burkinabè s’étaient montrés compréhensifs, voire solidaires de leurs mouvements, autant les rodéos à répétition de mauvais goût auxquels se livrent les militaires sont devenus insupportables, d’autant plus qu’à l’issue des rencontres avec le président, leurs délégués avaient salué, mousse de bière aux lèvres, les solutions apportées à leurs revendications. La tendance d’une minorité de miliaires à terroriser les populations, comme s’ils étaient sous l’emprise d’une pulsion destructrice, doit cesser doit. Ca suffit ! Les éléments sortis dans la nuit du 29 au 30 mai, pour l’essentiel issus de la promotion 2005-2006, ont bien conscience que c’est en toute illégitimité qu’ils revendiquent le versement de la prime de logement, puisqu’elle est destinée par définition à ceux qui habitent hors des casernes.

A Garango, les mutins n’ont pas été capables de formuler très clairement le contenu de leurs revendications au comité de médiation dépêchée sur place. Le meneur de la fronde, un certain Mankoudougou Adama, MDL-chef, passe depuis longtemps pour un déséquilibré mental qui aurait dû être réformé, mais d’après plusieurs de ses collègues contactés, est toujours maintenu à son poste pour des raisons humanitaires !

De deux choses, l’une : soit les militaires mécontents de leurs conditions de vie optent pour des revendications dans un cadre légal et républicain, et il faut les y encourager, soit ils se mettent hors la loi, et dans ce cas, ils doivent être traités comme tels : des voyous qui déshonorent leur tenue et salissent l’honneur de l’armée. Les mutins, ceux-là qui se plaisent à défier en permanence l’autorité doivent subir la rigueur de la discipline militaire, y compris la radiation pure et simple des effectifs, d’autant que, même involontairement, leurs mouvements d’humour occasionnent des morts, des blessés graves et des dégâts matériels.

Sangoulé Lamizana, le père de l’armée burkinabè doit se retourner mille fois dans sa tombe ! Les cadres chargés de former des militaires capables d’assumer avec exemplarité les missions de protection des citoyens burkinabè, ont lamentablement échoué. Pendant longtemps le népotisme et le favoritisme ont servi de critères au recrutement des hommes du rang, et des hauts gradés y ont trouvé l’occasion de caser des cousins et des neveux, véritables cas sociaux, espérant que la rigueur militaire les remettra dans le droit chemin. Ils doivent en tirer les conséquences.

Il y a un temps pour le dialogue et cette voie doit être privilégiée, mais elle ne doit nullement être perçue comme un signe de faiblesse du gouvernement. Une minorité d’individus ne saurait dicter sa loi inique à la majorité. Faut-il le leur rappeler, les armes qu’ils portent servent à assurer la sécurité des citoyens et non à semer la terreur. La rémanence des mutineries, après les réponses proposées par le président à leurs doléances, autorise d’ailleurs à s’interroger sur le but réel visé par leurs auteurs. Est-ce vraiment l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail qui motive les mutins, ou poursuivent-ils des objectifs inavouables, en l’occurrence, le renversement du gouvernement et la fin de la quatrième république ?

A ce stade de la crise, la question mérite d’être posée ! L’opposition républicaine, celle qui a, de façon irrévocable épousé les valeurs démocratiques doit clairement prendre position par rapport à cette question.

Les mutations sociales s’opèrent souvent dans des conditions de violence, et si demain l’opposition accède au pouvoir, elle pourrait aussi se retrouver dans la posture actuelle du gouvernement, pour le moins inconfortable.

Joachim Vokouma

Lefaso.net

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